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A côté des bonus, UBS introduit les malus

Keystone

Au centre de la polémique depuis des mois, le système de rémunération du numéro un bancaire helvétique devrait à l'avenir être davantage axé sur le long terme. Le président du conseil d'administration et la direction générale ne toucheront pas de bonus en 2008.

A dix jours de l’assemblée extraordinaire prévue le 27 novembre prochain, qui sera en partie consacrée au modèle de rémunération, la grande banque suisse a levé le voile lundi sur sa nouvelle politique en la matière.

Elaboré en collaboration avec la Commission fédérale des banques (CFB), gendarme du secteur bancaire suisse, le nouveau système se veut davantage axé sur le long terme et lié à la création de valeur entrepreneuriale. Il comprend trois principaux changements.

En premier lieu, il n’y aura plus de «rémunération variable», autrement dit de bonus, pour la fonction de président du conseil d’administration d’UBS. Celle-ci est actuellement occupée par Peter Kurer.

Deuxième point, le même président du conseil d’administration ainsi que les membres de la direction générale ne toucheront pas de bonus au titre de l’exercice 2008. Une information déjà divulguée il y a deux semaines par la presse dominicale alémanique.

Enfin, dernière nouveauté, les bonus en espèces seront à l’avenir basés sur un système de bonus-malus. Un concept similaire a été développé pour la participation variable en actions, précise le communiqué d’UBS. Ce système de bonus-malus concernera 2 à 3% des collaborateurs, a précisé Peter Kurer.

Une «farce» selon Minder

Les autres rémunérations variables pour 2008 seront fixées par le conseil d’administration en ce qui concerne leur niveau, leur composition et leur attribution. Elles seront arrêtées après présentation des résultats financiers de l’exercice en cours et d’entente avec la CFB. Il est par ailleurs prévu d’instaurer un dialogue constant avec la CFB, précise le communiqué.

Pour sa part, la Fondation Ethos, qui regroupe des caisses de pension, salue l’instauration d’un vote consultatif sur la politique de rémunération. La fondation loue aussi la mise en place d’un système de bonus-malus calculé sur plusieurs années, mais elle regrette que le nouveau système de rémunération ne fixe aucune limite pour ce qui touche à la part variable des rémunérations.

Quant à Thomas Minder, auteur de l’initiative «contre les rémunérations abusives», il qualifie la décision d’UBS de «farce» car un vote consultatif n’est juridiquement pas contraignant. Le conseil d’administration pourra continuer à faire ce qu’il veut, dénonce le patron de l’entreprise de cosmétique schaffhousoise Trybol.

La gauche pas satisfaite

Sur le plan politique, les partis bourgeois saluent le nouveau système de rémunération d’UBS. Président de la commission des finances de la Chambre du peuple, le radical (PRD, droite) Fabio Abate trouve par exemple «normal» qu’UBS révise son système de rémunération dans le contexte actuel. Selon lui, la proposition est un signe positif pour le rétablissement de la confiance.

Le sénateur démocrate-chrétien (PDC, centre droit) Philipp Stähelin souligne par ailleurs qu’il est important qu’UBS ait clarifié la situation avant que les groupes parlementaires se penchent sur le plan d’aide à la banque. Ce qu’ils feront lors de la session d’hiver qui débute le 1er décembre.

Tout autre son de cloche à gauche, où le nouveau modèle est jugé insuffisant. «Les salaires des membres de la direction et du conseil d’administration devraient être plafonnés de manière claire», a déclaré à ce propos la députée socialiste Susanne Leutenegger Oberholzer.

Tant que l’UBS recevra le soutien de l’Etat, elle doit accepter de devoir remplir des conditions, a-t-elle ajouté. Le fait que les actionnaires puissent voter sur les principes du nouveau modèle de rémunération est néanmoins un pas dans le bonne direction selon la députée.

83 milliards de retraits

Dans les faits, UBS, qui figure parmi les banques les plus touchées au monde par la crise des «subprime», multiplie les déboires depuis plusieurs mois. Outre des dépréciations d’actifs de près de 47 milliards de dollars dues à la crise des crédits hypothécaires à risque américains, l’établissement est en bisbille avec la justice américaine.

Un dirigeant d’UBS a ainsi été inculpé pour avoir tenté avec d’autres responsables et clients de la banque de frauder le fisc américain, ont annoncé mercredi le département américain de la Justice et les services fiscaux américains (IRS).

Confrontée à la crise de confiance la plus grave de son histoire, la banque a vu ses clients lui retirer plus de 83,6 milliards de francs suisses entre juillet et septembre.

swissinfo et les agences

Pour mémoire, la direction générale d’UBS – qui compte douze membres sous l’autorité de Marcel Rohner – avait perçu l’an dernier un montant total en bonus de 74 millions de francs.

Ceci malgré une perte nette de quelque 4,4 milliards de francs.

Une situation impensable aujourd’hui, après que le Conseil fédéral (gouvernement), la Banque nationale suisse (BNS) et la CFB ont décidé le 16 octobre dernier de voler au secours d’UBS.

Jamais jusque-là l’Etat helvétique n’était intervenu aussi massivement dans l’économie.

En mettant à disposition 60 milliards de dollars d’argent public, les autorités avaient alors assorti leur plan de sauvetage de l’obligation de «réaménager le système d’indemnisation des membres du conseil d’administration et de la direction».

Pour l’heure, l’ancien directeur général d’UBS Peter Wuffli a annoncé au début du mois de novembre qu’il renonçait à 12 millions de francs de sa rémunération contractuelle.

En 2007, l’ex-patron d’UBS Marcel Ospel, accusé d’avoir laissé la banque s’enliser dans la crise des crédits hypothécaires à risques, n’avait quant à lui pas reçu de bonus. Il avait en outre vu son salaire fondre de plus de 90%.

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