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Abus sexuels: les évêques font leur mea culpa

L'évêque de Sion Jean Marie Lovey est l'un des évêques de Suisse qui s'est présenté devant les médias mercredi, au lendemain de la publication d'une étude de l'Université de Zurich sur les abus sexuels au sein de l'Eglise catholique. KEYSTONE/LAURENT GILLIERON sda-ats

(Keystone-ATS) Excuses, annonce de plainte, promesses de changement: plusieurs évêques ont réagi mercredi au lendemain de la publication d’une étude pilote de l’Université de Zurich sur les abus sexuels dans l’Eglise catholique en Suisse.

L’étude avait été mandatée par trois organes catholiques dont la Conférence des évêques suisses (CES). Les chercheurs ont dénombré 1002 situations d’abus sexuels depuis le milieu du 20e siècle. Selon eux, il ne s’agirait que de la pointe de l’iceberg, la plupart des cas n’ayant pas été signalés et des documents ayant été détruits.

Les historiens ont pu prouver la destruction de documents dans les diocèses de Lugano et de Sion. « Je n’ai détruit aucun document de ce domaine dans les archives », a assuré l’évêque de Sion Jean-Marie Lovey mercredi lors d’une conférence de presse.

Il a, en revanche, confirmé que son prédécesseur, Mgr. Brunner, a éliminé des archives, sans évoquer d’autres noms. « Mgr. Brunner m’a remis la clé des archives secrètes avec le document qu’il a écrit sur le contenu de ce qu’il a éliminé. Il y a inscrit le nom des personnes et la date. »

Mardi, les responsables ecclésiastiques de Sion se sont engagés à ne plus détruire les dossiers concernant des abus sexuels, en dépit du droit canonique. Ce dernier permet de »faire le ménage » dans les archives et de détruire les dossiers après dix ans.

Mgr Lovey a été accusé de dissimulation dans la dernière édition du Sonntagsblick, et est visé par une enquête interne de la Conférence des évêques suisses. Si celle-ci le met en cause, il assure qu’il se retirera.

Enquête et suspension

Dans le journal dominical, l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg Charles Morerod est également accusé de ne pas être intervenu après le signalement de cas d’abus. Il aurait même promu le prêtre en question.

M. Morerod a indiqué mercredi à Keystone-ATS ne pas pouvoir commenter ces accusations car les « faits ont été déposés aux organes compétents », à savoir la justice de l’Etat et celle de l’Eglise. Il ne veut pas interférer dans le travail de ces enquêtes, dont les résultats permettront de « prendre les mesures nécessaires », a-t-il ajouté dans ses réponses écrites.

Quant à l’étude de l’Université de Zurich, M. Morerod la qualifie de bouleversante. Et d’ajouter que le diocèse se joint aux mesures proposées par la Conférence des évêques. Elles comprennent notamment de nouvelles structures institutionnelles de signalement des cas. « Nous nous engageons à un changement de culture au sein de l’Eglise », assure Mgr Morerod.

Dans la foulée des révélations du SonntagsBlick, la CES avait annoncé dimanche avoir ordonné le 23 juin l’ouverture d’une enquête préliminaire suite à des accusations de dissimulation d’abus sexuels. Ces dernières ont été formulées à l’encontre de plusieurs membres émérites et en exercice de la conférence.

Mercredi, le père-abbé de Saint-Maurice (VS) Jean Scarcella a annoncé que l’enquête concerne également une accusation portée contre lui. Il a décidé de suspendre sa charge jusqu’à la fin de l’enquête afin de garantir l’indépendance de cette dernière.

Plainte déposée à St-Gall

L’évêque de St-Gall Markus Büchel s’est également présenté devant les médias mercredi. Il a dit regretter de ne pas avoir vérifié les clarifications faites par son prédécesseur au sujet d’un prêtre soupçonné d’abus sexuels. Il s’en est excusé. Il a en outre ouvert une enquête préliminaire ainsi que déposé une plainte pénale contre inconnu car il ne connaît pas l’identité du prêtre en question.

A Lugano, c’est l’administrateur apostolique du diocèse Alain de Raemy qui a répondu à la presse. Il est impossible pour le diocèse de Lugano de ne pas reconnaître sa culpabilité dans cette affaire, a-t-il indiqué. Et d’annoncer un « changement définitif ».

Les cas d’abus sont extrêmement mal documentés dans le diocèse de Lugano. Selon l’étude, de nombreux documents ont été détruits dans les années 1990. Les responsables ont reconnu mercredi la destruction de documents, mais ont précisé qu’aucun document n’a été détruit dans le diocèse au cours de vingt dernières années.

Mardi déjà, l’évêque de Coire Joseph Bonnemain, qui était présent lors de la présentation de l’étude et est chargé de l’enquête préliminaire ordonnée par la CES, avait reconnu la « très lourde » responsabilité de l’Eglise. « Nous devons nous attaquer enfin à ce problème systémique, lié à des rapports de force, au rapport à la sexualité et à l’image de la femme », avait-il ajouté.

L’étude a aussi des conséquences politiques. Comme l’a révélé le Blick, le député du Grand Conseil bernois Tobias Vögeli (PVL) a déposé mercredi une motion exigeant que le canton suspende tous les versements en faveur de l’Église catholique romaine qui ne sont pas liés à un contrat de prestations. Les fonds ne devraient être débloqués que lorsque le Parlement aura adopté un concept de traitement des abus sexuels.

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