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La Suisse et l’UE commencent à négocier sans grand enthousiasme

Le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis (troisième depuis la gauche) lors de la conférence de presse au cours de laquelle le mandat de négociation a été présenté. Le chemin vers la conclusion pourrait être long.
Le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis (troisième depuis la gauche) lors de la conférence de presse au cours de laquelle le mandat de négociation a été présenté. Le chemin vers la conclusion pourrait être long. KEYSTONE/© KEYSTONE / PETER SCHNEIDER

Les négociations sur les futures relations entre la Suisse et l’Union européenne ont été lancées officiellement ce lundi: la présidente de la Confédération, Viola Amherd, a été reçue à Bruxelles. L’optimisme n’est toutefois pas au rendez-vous.

Il aura fallu trois ans, 11 sessions de discussions exploratoires et 46 discussions techniques avant que la Suisse et l’Union européenne soient prêtes à relancer de nouvelles négociations bilatérales. La présidente de la Confédération, Viola Amherd, en a officiellement donné le coup d’envoi ce lundi, en rencontrant la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à Bruxelles.

La rencontre s’est avant tout résumée à une poignée de main symbolique. Le froid qui avait suivi l’abandon par le Conseil fédéral de l’accord-cadre en 2021 est désormais dissipé. Le gouvernement suisse a adopté un mandatLien externe de négociation avec l’Union européenne le 9 mars. Quelques jours plus tard, l’UE a donné son feu vert.

La voie est donc libre pour convenir d’un nouvel accord sur les relations futures. D’un côté, la Suisse neutre, soucieuse de son indépendance politique et intéressée par le commerce international. De l’autre, l’Union européenne, le plus grand espace économique du monde, qui ne cesse de se renforcer sur le plan politique et qui va probablement continuer à s’étendre.

De quoi s’agit-il concrètement?

L’accès au marché intérieur européen est jusqu’à présent réglé pour la Suisse par une multitude d’accords bilatéraux. L’objectif déclaré du gouvernement est de stabiliser et de développer cette voie bilatérale. Ceci sous la pression de l’UE, qui souhaite actualiser les relations avec la Suisse – dont la forme actuelle est restée la même depuis les années 1990. Il s’agit d’une part d’actualiser les accords existants et d’autre part de conclure de nouveaux accords dans les domaines de l’électricité, de la santé et de la sécurité alimentaire.

La reprise dynamique des futures modifications du droit européen, la libre circulation des personnes, pour laquelle la Suisse veut s’assurer certaines exceptions, ainsi que la protection des salaires constituent des casse-têtes plus importants. La question du règlement des litiges et le rôle de la Cour de justice européenne dans ce domaine font également l’objet de discussions.

Quelles sont les réactions en Suisse?

Actuellement, deux camps sont bien identifiables: l’Union démocratique du centre (UDC/droite conservatrice) adopte une position d’opposition totale et parle d’un «traité de soumission». Le parti cultive depuis les années 1990 une attitude hostile à l’UE, ce qui lui a entre autres permis de devenir la formation politique qui rassemble le plus de parts électorales du pays. L’UDC est actuellement la seule à avoir un message politique clair.

Les autres partis signalent une approbation de principe, mais pratiquement tous gardent leurs distances – ils ne veulent pas trop s’engager. C’est également une constante dans les relations entre la Suisse et l’Europe: malgré leur grande proximité, la critique est toujours plus forte que l’approbation. Selon l’orientation du contenu, un autre aspect des négociations est critiqué.

C’est dans ce deuxième camp que se situe la majeure partie de la société civile. Les organisations patronales et les syndicats, par exemple, soulignent la possibilité de renforcer la sécurité juridique et la place économique suisse grâce à des relations bilatérales stables. La plus grande critique extraparlementaire provient toutefois des syndicats, qui craignent une détérioration de la protection des salaires et jugent le mandat inadéquat à cet égard.

La droite conservatrice rejette tout rapprochement avec l'UE. Elle est la seule à avoir un message clair.
La droite conservatrice rejette tout rapprochement avec l’UE. Elle est la seule à avoir un message clair. KEYSTONE/© KEYSTONE / ANTHONY ANEX

Qu’en disent les médias suisses?

La situation est aujourd’hui meilleure que lorsque le Suisse a rompu unilatéralement les négociations sur l’accord-cadre institutionnel en 2021, commente SRF, la radio et télévision suisse alémaniqueLien externe. Toutefois, «peu d’optimisme est perceptible».

Certains articles d’opinion critiquent la retenue des partis et de la société civile. L’édition suisse du journal ZeitLien externe estime, par exemple, qu’il conviendrait d’«enfin reconnaître la question européenne pour ce qu’elle est: une décision sur le grand tout» et de se mobiliser en conséquence.

La manière dont cela doit se faire reste toutefois peu claire. Le journal de boulevard SonntagsBlickLien externe écrit que le gouvernement a besoin de toute urgence d’un «Mister Europe – ou d’une Miss Europe» qui ait les pieds sur terre. Une personne qui se démarque de la «classe politique» élitiste et qui peut transmettre de manière authentique l’urgence de la demande de la population.

Il n’est toutefois pas certain qu’une seule personne y parvienne. Le quotidien romand Le TempsLien externe considère en tout cas que les sept membres du gouvernement helvétique ont le devoir de s’exprimer «largement, rapidement et avec détermination». À droite de l’échiquier politique, on n’est toutefois pas satisfait de la démarche du Conseil fédéral. Ainsi, le journal dominical alémanique SonntagsZeitung écrit qu’il s’agit d’un «suicide politique européen».

Les médias européens, en revanche, ne traitent guère le sujet. Cela n’est pas étonnant, car même la réaction de l’UE est loin d’être enthousiaste. Comme le rappelle le journal libéral-conservateur zurichois NZZ, l’UE a «de plus grands soucis que les relations devenues difficiles avec la Suisse».

Quelles sont les prochaines étapes?

L’UE souhaite parvenir à une conclusion rapide. Les élections européennes auront lieu en juin et une nouvelle Commission sera ensuite élue. Difficile de savoir à quel point l’objectif de conclure les négociations avant est réaliste. D’autant plus que le gouvernement suisse a signalé au niveau national qu’il exigerait des améliorations de la part de l’UE sur certains points. De l’autre côté, des fonctionnaires européens ont fait des déclarations similaires: si la Suisse devait exiger davantage, ils le feraient également.

Le gouvernement suisse a certes déjà clarifié la position du Parlement, des cantons, des associations et des partenaires sociaux et économiques dans le cadre d’une procédure de consultation. Il constate que «la grande majorité» soutient la base existante. Mais dans la démocratie directe de la Suisse, avec ses alliances en perpétuel changement, il n’existe pas de loyautés absolues et stables. Et le thème de l’UE a trop souvent été à l’origine d’importants bouleversements politiques au cours des dernières décennies.

Une votation populaire est attendue au plus tôt en 2026. Sur ce point au moins, il y a unanimité en Suisse: son issue est totalement ouverte.

Traduit de l’allemand par Katy Romy/sj

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