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SWISSCOY: Davantage de soldates suisses au service de la paix

Les femmes sont encore minoritaires dans les missions internationales de maintien de la paix. Le contingent SWISSCOY de l’armée suisse au Kosovo démontre l’importance de leur engagement.

Au seuil de la trentaine, la Grisonne Iris Probst affiche un large sourire lorsque nous la rencontrons durant sa pause. Son agenda déborde pourtant entre un exercice pour lutter contre les incendies, une séance de sport et une autre consacrée au comportement à adopter en situation de crise. L’odeur âcre du feu imprègne ses cheveux et ses vêtements. Désormais soldate, cette ex-journaliste affirme à SWI swissinfo.ch «peaufiner ses connaissances dans les domaines de la sécurité et de la paix». Elle avoue s’être déjà intéressée durant ses études à la prévention des conflits. «Après mon engagement, j’aimerais peut-être travailler dans ce domaine», dit-elle.  

Elle vient de passer trois mois à Stans-Oberdorf, dans le canton de Nidwald, à suivre la formation prodiguée par SWISSINT, le Centre de compétence de l’armée suisse pour la promotion de la paix. Fraîchement diplômée, elle sera envoyée au Kosovo pour une période de six mois en tant qu’officière suppléante rattachée au service d’information de la SWISSCOY.

Présence féminine plus affirmée

À Stans-Oberdorf, la Grisonne ne fait pas exception. Elle fait partie des 27 femmes qui seront bientôt engagées au Kosovo par la SWISSCOY, un contingent où la proportion de femmes n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Si en 2020, une soixantaine de femmes ont reçu une promesse d’engagement sur le terrain, on en dénombrait déjà près d’une septantaine en septembre dernier.   

Ce contingent de l’armée suisse au Kosovo est composé d’un maximum de 195 volontaires qui contribuent, pour une période à chaque fois de six mois, à maintenir la stabilité dans ce pays. Les profils et les motivations des personnes engagées sont très variés, selon le lieutenant-colonel André Stirnimann, membre de l’état-major général, chargé d’instruire les volontaires dans le centre de formation. C’est à lui qu’incombe la responsabilité de préparer Iris Probst et ses camarades à servir la SWISSCOY, mais aussi d’autres missions de paix menées par la Suisse à l’étranger. «Dans l’armée, la diversité n’est nulle part aussi forte que dans ce contingent», note-t-il. «Nous réunissons ici des personnes avec des projets de vie variés, issues de différents corps de métier et régions linguistiques, avec des âges et des genres différents».

Cela fait quelque temps déjà que le Département suisse de la défense a décidé d’ouvrir les portes de l’armée à l’ensemble de la société helvétique, indépendamment du genre. Avec le slogan «Une armée pour toutes et tous», elle entend promouvoir la diversité sous toutes ses formes: identité de genre, orientation sexuelle, religion, langue, appartenance ethnique et culturelle, handicap. La part de femmes à l’école de recrues croît de manière continue. Jusqu’à constituer l’été dernier 4% de ce corpus, cadres y compris.  

La Suisse souhaite aussi à l’avenir confier aux femmes un rôle plus actif dans la prévention des conflits ou le maintien de la paix dans le monde. Ou lorsqu’il faut reconstruire des pays dévastés par les guerres ou mener des négociations. Un engagement confirmé par Berne par le biais d’un plan d’action s’appuyant sur la résolution 1325 de l’ONU intitulée «Femmes, paix et sécurité».

Le Centre de compétence de l’armée pour les engagements à l’étranger (SWISSINT) est composé de 280 officiers, sous-officiers, soldats et civils, hommes et femmes confondus. Des personnes qui sont enrôlées dans plus d’une douzaine d’opérations menées en Europe, en Afrique ou en Asie.

C’est à partir de 1999 que la SWISSCOY a pris part à la Mission de maintien de la paix au Kosovo (KFOR), constituant le symbole de l’engagement suisse extra-muros. Ce fut en effet la première fois, sur décision fédérale, que la Suisse décida de participer à une force multinationale de paix sous mandat de l’ONU.

Sur place, le contingent suisse ne dépasse pas 195 soldates et soldats. Du personnel placé notamment dans les équipes dites de liaison et de surveillance, dans la section des pionniers, dans la police militaire, dans l’élimination des munitions non explosées, dans le détachement de transport aérien, dans le détachement de soutien. Parmi ces Suissesses et Suisses, plusieurs sont à l’état-major. En 2022, le budget de la SWISSCOY s’élevait à presque 41 millions de francs.

Le contingent de l’ensemble de la Mission de maintien de la paix au Kosovo a enregistré cette année 3800 soldates et soldats de 28 nationalités différentes. Du personnel issu ou non de pays membres de l’OTAN. Leur mission: créer et maintenir un environnement sécurisé au Kosovo, surveiller le développement de ce pays et soutenir les efforts humanitaires et les forces civiles sur place.

Mais la Suisse n’est pas active qu’au Kosovo. Ses militaires sont à l’œuvre dans le monde entier à titre individuel ou dans de petites unités. Pour des tâches d’observation, à l’état-major, ou tirant profit de leur expertise dans le déminage. Ceci pour le compte de l’ONU, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou encore dans le cadre de la Force opérationnelle de l’Union européenne (EUFOR).

Une nécessité opérationnelle

«Tous les buts ne sont pas encore atteints», précise André Stirnimann. Selon lui, les femmes sont actuellement encore et toujours sous-représentées dans les domaines de la prévention des conflits et de la promotion de la paix. Quand bien même il est prouvé que des équipes mixtes obtiennent de meilleurs résultats en raison de l’apport féminin pour gérer certaines situations. «Lorsque nous intervenons au sein d’une population, nous excluons une grande partie de celle-ci si nous n’envoyons que des hommes», explique-t-il.  

Cet apport peut s’avérer aussi nécessaire pour des raisons culturelles. «Dans certains pays, seules les femmes peuvent parler aux femmes», analyse-t-il. Voilà pourquoi André Stirnimann est optimiste quant à une future égalité des sexes. «Il y a encore un demi-siècle, il était inimaginable que l’enseignement ou la médecine s’ouvrent aux femmes, aujourd’hui oui», observe-t-il.

Iris Probst est également confiante à cet égard. «Tout a été d’abord relativement nouveau pour moi par ici. J’ai eu besoin d’un peu de temps pour m’habituer à la vie militaire. Ne serait-ce qu’en raison du vocabulaire employé, un jargon dont j’ignorais tout». Mais loin d’elle le sentiment d’avoir été désavantagée par rapport aux militaires ayant effectué leur école de recrues.

Une question d’adaptation

Dans la cantine où Iris Probst déjeune, des hommes sont affairés en cuisine alors que des soldates, toutes en uniforme, assurent le service. Souvent à cause de leurs obligations familiales, les femmes restent encore peu nombreuses à s’aventurer dans de telles missions. Comment le Département de la défense entend-il rendre ces engagements plus attractifs pour les femmes? Comment mieux concilier vies familiale et professionnelle? Les femmes doivent-elles s’adapter à l’armée ou l’inverse?

«Pour la promotion de la paix, nous essayons bien sûr de proposer des conditions identiques aux hommes et aux femmes. Mais nous ne pouvons pas accorder de traitement différencié à un groupe en particulier. Il n’en demeure pas moins que nous nous engageons fortement, par notre communication et avec l’engagement de la ministre de la Défense Viola Amherd, pour augmenter la proportion de femmes», indique André Stirnimann.

Ce message s’adresse aussi en filigrane à l’armée de milice. «L’engagement à l’étranger est une très belle offre pour celles et ceux qui veulent tenter une nouvelle expérience», précise le lieutenant-colonel, ajoutant que des mères de famille s’inscrivent également au service. «L’harmonisation de la vie familiale et professionnelle est un défi dans tous les domaines. Mais nous observons les expériences d’autres pays et faisons des progrès dans ce domaine aussi».

Forcer sa nature  

La crainte de ne pas être à la hauteur lors d’exercices physiques peut avoir un effet paralysant pour les femmes qui s’engagent. C’est pourquoi l’armée les met parfois au défi au cours de leur formation. Une soldate de petite taille sera, par exemple, mise au défi de désincarcérer d’un véhicule un collègue deux fois plus lourd qu’elle. «Comment procéder?», demandera alors sa formatrice, avant de lui montrer la technique idoine.

«Après trois mois de formation, nous remarquons souvent plus de différence entre les femmes qui ont suivi leur école de recrues et celles au bénéfice d’une seule instruction de base», relève André Stirnimann. Après avoir elle-même éprouvé une certaine crainte de ne pas être acceptée par ses collègues masculins, Iris Probst affirme être aujourd’hui rassurée. «Cette angoisse s’est très vite dissipée», confesse-t-elle. Plongée dans un climat amical, elle estime maintenant avoir été bien intégrée. À la fin d’une journée remplie d’exercices épuisants, son visage rayonne encore.  

Lorsque nous levons le camp, on nous invite aussi à aller un jour directement sur place, auprès de la SWISSCOY, pour voir de quoi est fait le quotidien de ces femmes. Et pour comprendre également quel impact la stratégie suisse en faveur de la promotion de la paix a dans cette zone en proie aux tensions.

Texte édité par Marc Leutenegger et traduit de l’allemand par Alain Meyer

Pour rappel, le Kosovo a fait partie de la Serbie jusqu’en 1999. Aujourd’hui, ce pays est quasi exclusivement habité par une population de souche albanaise. Après le déclenchement de la guerre au Kosovo en 1998, les frappes aériennes de l’OTAN ont contraint la Serbie à se retirer du territoire. Entre 1999 et 2008, l’ONU a administré cette région par l’entremise de la MINUK, la Mission intérimaire onusienne sur place. Si plus d’une centaine de pays, dont la Suisse, ont reconnu jusqu’à présent l’indépendance du Kosovo, d’autres à l’instar de la Russie et de la Chine, mais également cinq États membres de l’Union européenne (Grèce, Roumanie, Slovaquie, Espagne et Chypre), ne l’ont toujours pas fait, empêchant de facto le Kosovo d’adhérer aux Nations unies.  

Or le risque d’un embrasement perdure au Kosovo après l’invasion russe en Ukraine et le regain de tensions entre la Russie et l’OTAN. Car pour Moscou et pour l’Occident, les Balkans restent une zone d’influence disputée.

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