Vladimir Kara-Mourza: chaque poignée de main avec Poutine est «maculée de sang»

Vladimir Kara-Mourza, opposant au Kremlin ayant survécu à deux tentatives d’empoisonnement et à une peine de prison en Russie, s'exprime pour swissinfo.ch sur les risques inhérents à toute négociation avec Vladimir Poutine. Il appelle à la libération de tous les prisonniers de guerre et des enfants ukrainiens enlevés dans le cadre d'un éventuel accord de paix.
«Je veux juste que ceux qui, une fois de plus, sont prêts à serrer la main de Poutine se souviennent d’une chose: chaque fois qu’ils le font, ils serrent une main maculée de sang», déclare Vladimir Kara-Mourza. swissinfo.ch l’a rencontré en février en marge du 17e Sommet de Genève pour les droits humains et la démocratie, auquel il a assisté avec son épouse.
L’activiste russe a été libéré en août 2024 dans le cadre d’un important échange de prisonniers entre la Russie et les pays occidentaux. Farouche opposant à la guerre menée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine, il a passé plus de deux ans en prison – dont un à l’isolement total – dans la ville sibérienne d’Omsk, à plus de 2700 kilomètres de Moscou.

Cette expérience éprouvante ne semble pas avoir entamé son sens de l’humour. Lorsqu’on lui lance en plaisantant qu’il paraît presque inchangé après son passage en prison en Russie, il répond: «J’ai pris du poids. La glace m’a manqué en prison et, maintenant, je n’arrive plus à m’arrêter d’en manger.»
Dans les couloirs du Palais des Nations à Genève, Vladimir Kara-Mourza discute avec aisance avec les personnes participant au forum, passant sans effort de l’anglais au français, en passant par le russe et même l’espagnol – une langue qu’il dit avoir commencé à apprendre en détention «pour [s’]occuper l’esprit».
Aujourd’hui installé aux États-Unis, où il a retrouvé sa famille, Vladimir Kara-Mourza s’inquiète de la volonté du président américain Donald Trump d’engager un dialogue direct avec Vladimir Poutine. Il estime que cette rupture avec la politique américaine menée jusqu’alors, et celle actuellement menée par l’Union européenne, pourrait se retourner contre Washington.
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Au cours des 25 dernières années, «l’Occident a dialogué avec Poutine malgré la fermeture des médias indépendants et la répression des manifestations», pointe-t-il, jugeant qu’il serait naïf d’espérer un résultat différent aujourd’hui.
«Pendant tout ce temps, les dirigeants occidentaux lui ont déroulé le tapis rouge, lui ont serré la main, l’ont regardé dans les yeux et ont affirmé ‘voir son âme’», ajoute-t-il, en référence à la célèbre déclaration du président américain George W. Bush en 2001.
Depuis, Vladimir Poutine a envahi la Géorgie, annexé la Crimée et lancé une guerre totale contre l’Ukraine. Les manifestations en Russie ont été violemment réprimées. Ses adversaires ont été empoisonnés ou assassinés.
«Tout accord doit impérativement inclure une clause sur la libération de tous les détenus politiques russes», affirme l’opposant au Kremlin. Il souligne que les personnes qui, comme lui, se sont exprimées contre la guerre en Ukraine sont aujourd’hui celles qui grossissent le plus les rangs des prisonniers politiques en Russie. «Aujourd’hui, on [en] compte 1497; c’est plus que durant les années 1980 en Union soviétique», fait-il remarquer.
Vladimir Kara-Mourza réclame également la libération des civils ukrainiens capturés par la Russie. Des milliers de personnes sont actuellement détenues dans des établissements pénitentiaires à travers la Russie ou dans les territoires occupés, relève-t-il. Il plaide encore pour le rapatriement des milliers d’enfants ukrainiens transférés de force en Russie ou dans des zones sous occupation russe – un acte que les Nations unies qualifient de crime de guerre.
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On ignore si ces questions ont été abordées dans les négociations de cessez-le-feu en cours. Le 25 mars, la Maison-Blanche a annoncé que Washington était parvenu à des accords avec Kyiv et Moscou pour garantir la sécurité de la navigation en mer Noire et prévenir l’usage de la force dans la région.
Selon l’agence de presse Reuters, l’administration Trump a récemment mis fin à un programme qui suivait les enfants enlevés de force en Ukraine et transférés en Russie pendant la guerre. Cette décision entraîne la perte d’un accès à d’importants volumes d’informations, notamment des images satellites et des données biométriques concernant environ 30’000 enfants enlevés sur le territoire ukrainien.
«Tous ces enfants doivent être rendus à leurs familles», insiste Vladimir Kara-Mourza. «C’est précisément pour ce crime de guerre que la Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d’arrêt contre M. Poutine en 2023.»

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Texte relu et vérifié par Virginie Mangin/ds, traduit de l’anglais par Pauline Turuban à l’aide d’un outil de traduction automatique

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