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À la Conférence de Munich sur la sécurité, on tente le dialogue sur des bases fragiles

Conférence de Munich
Une photo du «Public Square» lors de la Conférence de Munich sur la sécurité. On y discute de la possibilité d’un avenir démocratique pour la Russie. Michael Kuhlmann

Durant trois jours à Munich, le monde politique a cherché à désamorcer les crises mondiales par le dialogue. Mais aucun consensus n’existe sur la manière de procéder. Pour les États neutres comme la Suisse, la marge de manœuvre est étroite.

La plus importante conférence internationale sur la sécurité célébrait ce week-end ses 60 ans, mais l’heure n’était pas à la fête. Guerres en Ukraine et au Proche-Orient, auxquelles s’ajoutent des dizaines de conflits armés et autant de catastrophes humanitaires: l’état actuel du monde recèle un potentiel d’aggravation des tensions qui risque d’engendrer des crises mondiales encore plus grandes. C’est sous ces auspices et avec comme objectif de favoriser un dialogue négligé ces dernières années que s’est tenue, de vendredi à dimanche, la Conférence de Munich sur la sécurité.

La devise de la grand-messe annuelle de la sécurité – «La paix par le dialogue» – contraste avec la présence massive de la police dans le centre-ville. 5000 agents étaient mobilisés pour assurer la sécurité des invités venus du monde entier, dont le président Volodymyr Zelensky, probablement l’un des hommes politiques les plus observés au monde actuellement.

L’image est toutefois en accord avec l’ère du temps en Europe, où la machine du réarmement tourne à plein régime, selon la devise: «Qui veut la paix se prépare à la guerre». La conférence souligneLien externe que le pessimisme a gagné l’Occident, mais que le risque d’escalade existe dans le monde entier, car l’ordre mondial basé sur des règles – l’incarnation du dialogue politique – est mal en point, et pas uniquement depuis l’invasion russe de l’Ukraine il y a deux ans.

La «pensée fondée sur les gains relatifs», que la Conférence de Munich sur la sécurité identifie comme une évolution mondiale, ne peut aboutir qu’à un jeu à somme nulle dans lequel tout le monde est perdant. Le Rapport sur la sécurité de Munich 2024Lien externe identifie les points suivants:

– Les ambitions impériales de la Russie en Europe de l’Est, qui ont déjà déclenché la guerre en Ukraine.

– Une escalade de la violence dans l’Indo-Pacifique, où la Chine poursuit de plus en plus ses revendications maritimes par la pression militaire.

– La guerre israélo-palestinienne, qui pourrait déstabiliser davantage toute la région.

– L’instabilité croissante dans la région du Sahel, où une série de coups d’État ont eu lieu depuis 2020.

– La fragmentation de la mondialisation, qui met surtout en danger les États économiquement faibles.

– La politique climatique coordonnée au niveau mondial, qui risque d’être victime des tensions géopolitiques.

– Les rivalités technologiques dans les domaines des semi-conducteurs et de l’intelligence artificielle, qui pourraient conduire à une fragmentation du secteur technologique.

Qui n’était pas à Munich?

Un dialogue peut-il être mené si des acteurs clés ne sont pas présents? La Russie, l’Iran et la Corée du Nord – le nouvel «axe du mal», selon l’Occident – n’étaient expressément pas invités. Mais ce point de vue est loin d’être partagé par tous. L’ancienne ministre kenyane de la Défense et des Affaires étrangères Raychelle Omamo l’a rappelé lors d’une table ronde sur le rôle de la Russie en Afrique: quiconque interagit avec les pays africains sur un pied d’égalité et avec des intentions honnêtes sera considéré comme un ami.

À quelques centaines de mètres de l’hôtel Bayerischer Hof, où se déroule traditionnellement la conférence, une manifestation était organisée samedi, deuxième jour de la conférence. Le thème de celle-ci: le refus d’une «conférence de sécurité de l’OTAN». Une description certes réductrice, mais pas tout à fait fausse.

La guerre en Ukraine était au centre des débats à Munich, notamment parce qu’en Occident, on se bat de plus en plus pour soutenir Kiev. Et une éventuelle réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis menace de déstabiliser le camp occidental. Le sénateur républicain Pete Ricketts a d’ailleurs donné un avant-goût des tendances isolationnistes de son parti: le verrouillage de la frontière avec le Mexique est plus important que le soutien à l’Ukraine, a-t-il affirmé.

Cette année marque le 75e anniversaire de l’alliance militaire transatlantique, à laquelle la guerre en Ukraine a insufflé une nouvelle vie. L’avenir de l’OTAN reste toutefois incertain. Si l’unité qui s’est installée il y a deux ans s’est quelque peu effritée récemment, l’alliance continue de s’approfondir et de se consolider avec l’augmentation des budgets de défense de ses États membres et le resserrement des liens avec des États amis en Europe et au-delà.

Manifestation pro-ukrainienne
Des manifestations en soutien de l’Ukraine ont eu lieu dans la rue. En arrière-plan, une ambulance criblée de balles. KEYSTONE

La neutralité au second plan

En période de confrontation, les pays neutres ont toujours été mis sous pression. Et s’ils se voient comme des médiateurs, on les accuse souvent d’être opportunistes.

Le peu d’importance accordée à la neutralité lors de la conférence de Munich s’est reflété dans le programme. Un seul événement lui a été consacré, avec des représentants de l’Irlande, de l’Autriche, de Malte et du CICR. Celui-ci a eu lieu en même temps que l’intervention de Volodymyr Zelensky, peu après la signature des accords de sécurité de la France et de l’Allemagne avec l’Ukraine. L’attention portée aux pays neutres a donc été très limitée.

Lors de leur discussion, les panellistes ont réaffirmé les lignes directrices de leur neutralité: supporter la pression et explorer les opportunités de médiation. Selon eux, il est plus important d’être utile que d’être populaire. Mais il est également clair que les États neutres d’Europe cherchent pour la plupart à se rapprocher de l’OTAN. Le secrétaire d’État suisse Markus Mäder, présent à la conférence, l’a indiqué, il existe un intérêt naturel pour une coopération en matière de défense.

Et que fait la Suisse?

Contrairement à la plupart des États européens, la Suisse n’était pas présente au niveau ministériel. Une absence qui a été critiquée à domicile. Impossible d’oublier la déclaration de l’ambassadeur américain à Berne, qui affirmait que la Suisse profite de manière disproportionnée du cercle de défense de l’alliance qui l’entoure.

Une conférence de paix sur l’Ukraine est annoncée pour cette année en Suisse, mais peu de promesses de participation ont à ce jour été communiquées – en particulier du côté des États non occidentaux qui considèrent la guerre comme une affaire occidentale et tentent de prendre leurs distances. La Russie elle-même a souligné à plusieurs reprises que la Suisse ne pouvait pas être considérée comme un médiateur fiable, car elle avait renoncé à sa neutralité en adoptant les sanctions de l’Occident.

La Suisse ne s’en est pas vantée lors de la conférence, mais le président ukrainien l’a tout de même évoqué dans son discours: en Suisse, la communauté internationale peut décider de la manière dont elle souhaite rétablir l’ordre fondé sur des règles. Un message bien reçu en Suisse, mais qui ne convaincra pas nécessairement tout le monde.

Le président ukrainien à Munich
Quand il parle, on l’écoute – la question est de savoir pour combien de temps encore. Volodymyr Zelensky a prononcé le discours le plus important de la conférence sur la sécurité. KEYSTONE

On a pu l’observer à la Conférence de Munich: les conditions préalables au dialogue dans les crises actuelles sont de moins en moins réunies. Un constat illustré par la conférence de presse du Premier ministre palestinien Mohammad Shtayyeh. Pendant trois jours, il a beaucoup été question de la guerre israélo-palestinienne, qui continue de faire rage, mais aucun résultat concret n’a été présenté – et la conférence de presse du Premier ministre, la dernière de la conférence, a été annulée.

Texte relu et vérifié par Mark Livingston, traduit de l’allemand par Dorian Burkhalter

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