Artiste engagé, le chanteur vaudois Michel Bühler est décédé
(Keystone-ATS) Le chanteur vaudois Michel Bühler est décédé subitement lundi au CHUV à Lausanne à l’âge de 77 ans. L’artiste prolifique et engagé avait composé plus de 250 chansons. Il était aussi l’auteur de plus d’une vingtaine de romans, essais et pièces de théâtre.
Michel Bühler est décédé des suites d’un problème cardiaque, a déclaré mardi à Keystone-ATS son éditeur Bernard Campiche. Une cérémonie d’adieux est prévue au temple de Ste-Croix, probablement en début de semaine prochaine.
Le chanteur est né à Berne le 30 avril 1945, « un peu par hasard », disait-il. Il grandit à Ste-Croix, où il arrive tout petit. Il vient d’une famille socialiste – son père, Suisse alémanique, a toujours gardé son accent -, une famille où on chantait beaucoup de chants populaires. « J’ai passé une enfance merveilleuse », confiait-il.
Instituteur de formation, il enseigne pendant quatre ans. Avec plaisir, même si cela ne le passionne pas. Avec ses amis de l’Ecole Normale, il gratte la guitare et chante Brel et Brassens.
Départ pour Paris
A la fin des années 60, dans la mouvance des mouvements contestataires, il rencontre Gilles Vigneault, qui devient un ami. Il décide de se consacrer à la chanson. Il mène une vie de bohème à Paris – des années insouciantes et fructueuses avec la maison de disques l’Escargot, fondée par Vigneault.
Bühler avait déjà fait un ou deux 45 tours à Paris et s’était dit qu’il allait essayer six mois ou une année: sa carrière durera plus de 50 ans. Elle sera récompensée en 2013 par le Prix Jacques-Douai.
Il voulait chanter, mais sur les gens d’ici, estimant qu’on ne parle bien que des gens qu’on connaît. A la fin des années 70, de retour à Ste-Croix, il s’engage sur différents dossiers. Il siégera de nombreuses années au Conseil communal. En 2013, il est récompensé par le Prix Jacques-Douai.
Chanteur engagé
Le Ste-Crix – qui vivait en partie à Paris – sera le chanteur de toutes les révoltes, engagé dans ses textes, mais aussi dans ses actes. Il s’est illustré dans la défense du droit d’asile, mais aussi contre les éoliennes qui sont actuellement en construction sur sa commune.
Il s’inquiétait du fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres. En 2020, il lançait avec plusieurs personnalités un manifeste pour bâtir un monde plus solidaire après la crise du coronavirus.
L’artiste a signé plusieurs livres dont « La parole volée », où il revient sur la fermeture des usines Hermes Précisa, à Ste-Croix. Pour le théâtre, il a notamment écrit la pièce « Le Retour du Major Davel », spectacle créé à Pully, puis repris de nombreuses fois en Suisse romande.
Encore des projets
S’il avait pris sa rentraite en douceur et n’acceptait quasi plus d’engagement – en raison notamment de ses problèmes de souffle – Michel Bühler avait récemment dit oui à la proposition de son ami Sarclo de reprendre le spectacle des « Trois cloches » de Jean Villard Gilles dans son théâtre de Paris.
Il y a quelques jours, les deux avaient chanté ensemble avec bonheur les oeuvres du poète suisse à Ste-Croix, a rapporté Sarclo. Le chanteur a salué la mémoire d’un être « irremplaçable », snobé par la presse, en raison de son mode d’expression.
Un artiste complet
Parmi les hommages rendus à l’artiste, le conseiller fédéral en charge de la culture Alain Berset a relevé que Michel Bühler « traquait la poésie dans la grisaille et la dureté du quotidien. Il disait vouloir raser les Alpes pour qu’on voie la mer. Il nous laisse une oeuvre vraie et touchante », a tweeté le ministre.
Le Conseil d’Etat vaudois a salué un homme attaché à la défense des droits humains et sociaux tout au long de sa vie. Un artiste qui « s’est appliqué par ailleurs dès que possible à démonter avec humour l’image cliché d’une Suisse peuplée de ‘banquiers, d’horlogers ou de fabricants de fromage et de chocolat' ».
La ministre en charge de la culture Nuria Gorrite a rendu hommage à un « véritable ambassadeur de la chanson francophone, un artiste complet d’une modestie toute vaudoise, doublé d’un humaniste ».
Figure incontournable du Balcon du Jura, « Michel Bühler demeura l’un des rares auteurs romands à rendre compte des problèmes politiques et sociaux de son pays », écrit de son côté la commune de Ste-Croix. « Il n’a pas hésité tout au long de sa vie à des actions de solidarité et de défense des opprimés ».
Le patron du Paléo Daniel Rossellat a évoqué « une très belle personne, restée fidèle à ses convictions durant 50 ans de carrière ».
Pas la grosse tête
Pour son éditeur et ami Bernard Campiche, « qui le voyait deux fois par semaine », Michel Bühler « n’a jamais eu la grosse tête. C’est ce que les gens aimaient ». Outre son engagement politique, il avait un côté « folklorique » et était beaucoup chanté dans les choeurs, a-t-il souligné. Les éditions Campiche sont d’ailleurs en train d’éditer ses oeuvres complètes en treize volumes.