Berlin et son aéroport « maudit », une décennie de turbulences
(Keystone-ATS) Le nouvel aéroport international de Berlin, qui ouvre ses portes samedi, devait être le symbole de l’Allemagne réunifiée. Mais une série noire de pannes et de problèmes d’organisation en ont surtout fait un objet de moqueries et d’agacement.
Après la chute du mur de Berlin en 1989, les autorités de la ville voulaient un nouvel aéroport comme symbole d’un pays réunifié. Les études sont lancées en 1996, l’ouverture prévue en 2011.
Outre les initiales techniques BER, l’aéroport porte le nom de l’ancien chancelier ouest-allemand Willy Brandt. Ce dernier a noué des relations avec le bloc de l’Est au début des années 1970, en pleine guerre froide.
Lors de la réunification en 1990, la capitale allemande disposait de trois aéroports de rang intermédiaire: Tegel et Tempelhof à l’ouest et Schönefeld dans l’ancien territoire communiste. Tempelhof, connu pour son immense auvent de l’époque nazie, a fermé ses portes en 2008. Les deux autres aéroports sont restés en service en attendant le BER.
Inauguration reportée
En 2010, le changement de règles européennes relatives à la sécurité dans l’aviation, et la faillite d’une société de planification, décalent d’un an l’inauguration. Dès lors, l’ouverture ne cesse d’être repoussée: en 2012, le chantier est brutalement stoppé car les dispositifs de sécurité incendie ne fonctionnent pas. L’inauguration, prévue quelques semaines plus tard en présence d’Angela Merkel et de 10’000 spectateurs, est précipitamment annulée.
Système d’éclairage défaillant, escaliers mécaniques trop courts, erreurs de planification, défauts de construction, soupçons de corruption… L’inauguration est reportée pendant presque dix ans, suscitant colère et railleries des Berlinois et ternissant la réputation d’efficacité de l’Allemagne.
Le coût du chantier, qui a presque quadruplé, est devenu un véritable boulet pour la municipalité de Berlin, déjà très endettée. Le scandale a emporté en 2014 le charismatique ancien maire de la ville, Klaus Wowereit, après treize ans de pouvoir. Il occupait le poste de président du conseil de surveillance de la société gestionnaire de l’aéroport.
Lors d’un référendum consultatif d’initiative citoyenne en 2017, une majorité de votants plaide pour le maintien de l’aéroport de Tegel. Ce plébiscite met en lumière l’attachement des Berlinois pour cet aéroport à taille humaine, situé non loin du centre-ville, construit en 90 jours pendant le blocus de la ville par les Soviétiques en 1948-1949. Mais Tegel fermera définitivement fin 2020. Son site doit devenir à terme un quartier d’habitations et de bureaux.
Trop petit
Avec l’explosion du tourisme et des compagnies à bas coût, le BER était, avant son ouverture et la pandémie de Covid 19, jugé trop petit.
Le nouvel aéroport disposera, dans une première phase, d’une capacité de 27 millions de passagers par an, qui pourra être portée à plus de 33 millions grâce à l’ouverture d’un deuxième terminal. Or, 35 millions de personnes ont transité par Berlin en 2019, un chiffre en forte et constante hausse ces dernières années.
L’aéroport Schönefeld, continuera donc de fonctionner pendant plusieurs années, devenant le terminal 5 du BER. La crise sanitaire devrait toutefois offrir un répit: le trafic s’est effondré de 70% en août par rapport à l’an passé.
Perte de superbe
L’aéroport de Berlin n’est pas la seule entreprise de prestige à avoir enchaîné les déboires ces dernières années en Allemagne. Plusieurs grands noms ont perdu de leur superbe après des scandales retentissants.
La mise au jour en 2015 du « Dieselgate » a terni l’image d’un modèle économique fondé sur la qualité et vivant des exportations. Le « Dieselgate » est une gigantesque fraude sur les émissions polluantes des moteurs diesel, révélée par le cas de Volkswagen, premier constructeur allemand.
Dans le secteur financier, Deutsche Bank, la première banque allemande, continue de payer le prix de multiples procédures judiciaires. Elle est poursuivie en Europe et aux Etats-Unis, pour différentes affaires de malversations et de blanchiment.
Dernier scandale en date, la faillite cet été de la société de paiement Wirecard a jeté une lumière crue sur les lacunes des mécanismes de supervision financière. Elle est soupçonnée d’une fraude comptable massive.