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A l’assaut du marché chinois du luxe

Navyboot va tenter de prendre pied en Chine. Keystone

Une nouvelle compagnie suisse spécialisée dans le haut de gamme s’attaque au lucratif marché chinois. Le jeune milliardaire Philippe Gaydoul (39 ans) explique à swissinfo.ch pourquoi et comment il compte vendre Navyboot, Fogal et ses autres marques à ses pairs de l’Empire du Milieu.

En 2000, Philippe Gaydoul prend la tête de Denner, la chaîne de magasins discount fondée par son grand-père Karl Schweri. Sept ans plus tard, il revend l’enseigne à Migros, numéro un suisse du commerce de détail, pour une somme qui restera confidentielle. Puis il fonde le groupe Gaydoul, une compagnie d’investissement orientée vers le luxe.

Le groupe compte aujourd’hui quatre marques: Navyboot (chaussures et accessoires), Fogal (collants et lainages), Jet Set (vêtements de sport) et Hanhart (montres). Navyboot est la première à tremper son orteil pédicuré dans les eaux chinoises.

swissinfo.ch: Les marques du groupe Gaydoul sont avant tout actives dans les zones germanophones de l’Europe. Et maintenant, vous visez la Chine. C’est le grand saut…

Philippe Gaydoul: Oui, vraiment. Il est clair pour nous que si vous voulez vous étendre dans le secteur du luxe, il faut tôt ou tard être présent en Chine.

swissinfo.ch: Allez-vous y diffuser toutes vos marques ?

P.G.: C’est notre plan à moyen terme. Mais nous y allons pas à pas.

swissinfo.ch: Et à quel pas en êtes-vous ?

P.G.: Nous allons ouvrir nos cinq premiers magasins dans les 18 mois. Nous en sommes aux discussions finales avec les propriétaires et les centres commerciaux. Nous essayons aussi de nous assurer des emplacements dans des centres qui ne sont pas encore construits.

Nous cherchons dans plusieurs villes dans tout le pays. C’est à Shanghai qu’il est le plus difficile de trouver un emplacement. Notre premier magasin sera très vraisemblablement à Hong Kong. Mais des villes de second rang comme Chongqing ou Chengdu seront aussi intéressantes pour nous à moyen terme.

swissinfo.ch: Vos marques sont complètement inconnues en Chine…

P.G.: C’est vrai, sauf pour Fogal, qui est déjà présente à Hong Kong et au Japon et qui y marche très bien. Nous pouvons apprendre de cette expérience.

Mais quand je cherchais des marques à acheter, je n’ai pas ciblé des noms déjà établis au niveau international. J’ai choisi des entreprises avec un potentiel de réussite dans le monde.

swissinfo.ch: Comment avez-vous approché la Chine ?

P.G.: Prendre pied sur un nouveau marché est toujours une approche par paliers, qui nécessite une combinaison de différents outils.

Tout d’abord, il a fallu s’assurer que nous faisions assez de bénéfices ailleurs pour nous permettre d’investir en Chine. Ensuite, nous avons installé un bureau à Hong Kong, il y a 18 mois, avec quatre personnes, Européens et Chinois, qui ont apporté leur connaissance du pays. J’ai aussi utilisé mon réseau personnel, et parlé avec de nombreux hommes d’affaires chinois expérimentés.

swissinfo.ch: Quelles difficultés avez-vous rencontré ?

P.G.: Au niveau opérationnel, aucune jusqu’ici, puisque nous venons de commencer. Au niveau stratégique, la plus grosse difficulté, c’est clairement de positionner des marques nouvelles et inconnues dans un pays aussi vaste que la Chine. Il n’est pas toujours facile non plus d’établir les bons contacts.

swissinfo.ch: Créer une conscience de marque est quelque chose de très difficile et de très coûteux…

P.G.: C’est vrai. La construction d’une image est un processus de longue haleine, qui prend au minimum deux à trois ans. Et nous avons un plan d’action différent pour chacune de nos marques. Bien sûr, la présence physique, avec des magasins, est importante. Nous allons essayer de créer le «buzz» de manière innovante – en gardant toujours à l’esprit les particularités des consommateurs asiatiques.

swissinfo.ch: Justement, quelles sont les particularités des consommateurs chinois ?

P.G.: Les Asiatiques en général sont très ouverts d’esprit et curieux, mais aussi très critiques et sensibles aux prix.

swissinfo.ch: Mais l’industrie du luxe n’est-elle pas précisément celle où les prix comptent le moins ?

P.G.: Soyons prudents ! On ne regarde pas au prix uniquement pour une poignée de marques bien établies et connues dans le monde entier. Ce n’est pas là que nous sommes et ce n’est pas notre philosophie. Ce que nous voulons, c’est offrir du contenu, ajouter de la valeur et créer des émotions.

swissinfo.ch: Le fait d’être suisse est-il un bon outil de marketing ?

P.G.: C’est important pour Navyboot, dont les produits sont largement fabriqués en Suisse. Nous allons souligner cette origine – globalement associée avec la confiance et la qualité – mais sans en faire trop.

N’oublions pas que la qualité est une exigence de base du consommateur et pas quelque chose dont on doit se vanter – même dans le commerce d’alimentation à prix discount. Dans le secteur du luxe, la qualité ne peut en aucun cas être le seul argument de vente.

swissinfo.ch: Avez-vous fait des études de marché en Chine, pour collecter des données sur le comportement des consommateurs, leurs goûts ou leur disponibilité à mettre le prix pour des articles de luxe ?

P.G.: Nous avons fait nos devoirs. Nous avons analysé la concurrence et considéré quelques données macro-économiques. Mais je crois d’abord à l’expérience plus qu’aux statistiques. Je crois en le fait de travailler avec des gens habiles, qui savent sentir les tendances, qui regardent le monde avec les yeux ouverts et qui ont une profonde compréhension du marché. C’est le cas de notre directeur créatif pour Navyboot, qui en plus a une vaste expérience de l’Asie.

swissinfo.ch: En quoi votre job actuel ressemble-t-il à celui que vous aviez à la tête de Denner ?

P.G.: Pratiquement tout est radicalement diffèrent, à part la structure familiale de la propriété de l’entreprise. Denner, c’était de l’alimentation, du discount et une zone d’opérations limitée à la Suisse. Alors que maintenant, nous travaillons à l’international, avec des marques dans la mode et le «lifestyle», positionnées dans le segment du luxe haut de gamme.

Fabian Gull est rédacteur en chef de The Bridge, le magazine trimestriel officiel des Chambres de commerce suisses en Chine et à Hong Kong.

Sur 1,3 milliard de Chinois, 875’000 sont multimillionnaires et 55’000 sont milliardaires

Les multimillionnaires possèdent en moyenne 3 voitures et 4,4 montres de luxe. Les milliardaires ont en moyenne 4 voitures et 5 montres de luxe.

En 2009, la Chine a dépassé les Etats-Unis pour sa consommation d’articles de luxe, marché dont elle représente désormais 27,5%. Dès 2015, elle devrait avoir détrôné le Japon à la première place.

La Chine est le plus jeune marché du luxe au monde. 80% des consommateurs ont moins de 45 ans. Alors qu’en Europe, la moyenne d’âge des personnes les plus riches est de 60 ans, elle était de 47 ans en Chine en 2006, et elle est même tombée à 39 ans en 2010.

Les riches Chinois investissent volontiers leur argent dans des collections. 44% le font dans les montres et la bijouterie, 15% dans la peinture et la calligraphie anciennes, 13% dans le vin, 12% dans les voitures et 7% dans l’art contemporain.

(Recherche: Tingting Mo)

PIB de la Chine en 2010: 5878 milliards de dollars

Croissance par rapport à 2009: +10.3%

PIB par habitant: 4393 dollars

Exportations suisses en 2010: 7,467 milliards de francs

Croissance par rapport à 2009: +35.7%

Importations suisses en 2010: 6,085 milliards de francs

Croissance par rapport à 2009: +17.9%

Citoyens suisses résidant en Chine: 3503

(Source: Ministère suisse des Affaires étrangères. Ces chiffres n’incluent ni Hong Kong, ni Macao, ni Taiwan)

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