A New Delhi, la Suisse joue la séduction économique
Le ministre de l’Economie Johann Schneider-Ammann est en Inde pour une visite officielle de 3 jours. Jeudi, à New Delhi, il a enchaîné les rendez-vous avec plusieurs ministres indiens, avant de s’envoler vendredi matin vers Pune et Bombay, afin de visiter des usines Suisses installées dans la région.
«Le conseiller fédéral est en retard, c’est bon signe : ça veut dire qu’il a beaucoup discuté avec Anand Sharma [le ministre du commerce et de l’industrie]», observe l’une des employées de l’ambassade, alors que les journalistes attendent le ministre pour une conférence de presse.
Quelques minutes plus tard, le voici qui arrive, très détendu dans son rôle de VRP : «ça s’est très bien passé. Ils nous ont offert du temps, le climat des discussion était très bon.» Le ministre indien du travail, le ministre des finances, le ministre du commerce et de l’industrie, et dans quelques heures, le ministre du développement urbain… Pour sa première journée de visite officielle dans le pays, Johann Schneider-Ammann a eu programme officiel bien chargé. Et pas toujours en parfaite harmonie : « Le ministre des finances s’est mis à parler des impôts et de l’évasion fiscale. Moi, j’ai essayé de lui parler du G20.»
Traité de libre échange
L’un des principaux thèmes dans les bagages du ministre de l’Economie : le traité de libre échange entre l’Inde et l’AELE (Association Européenne de Libre Echange qui réunit la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Lichtenstein) en cours de négociation depuis deux ans. Depuis le dernier sommet du World Economic Forum, en janvier dernier, et la première rencontre entre Johann Schneider-Ammann et son homologue Anand Sharma, les deux parties ne cessent de promettre qu’un accord peut être trouvé d’ici la fin de 2011.
C’est ce qu’espèrent fortement les membres de la délégation économique qui accompagne le conseiller fédéral dans son séjour indien, mais le résultat est encore lointain. «Le ‘devil’ [ndlr :diable, en anglais] est dans le détail», modère Johann Schneider-Amman, pris de court par une question francophone sur l’éventualité d’un accord de libre échange bientôt.
Cleantech : un accord de partenariat
Pour l’instant, cette visite officielle a débouché sur un résultat tangible : la signature, vendredi soir, d’un accord de partenariat entre Cleantech Suisse, l’organisme helvétique pour la promotion du secteur des technologies vertes, et l’organisation indienne de l’industrie.
«C’est un pas important», se réjouit Uwe Krüger, le président de Cleantech Suisse, «les autorités indiennes ont décidé de soutenir massivement le secteur du développement durable. Elles ont alloué un budget de 15 milliards de CHF pour la subvention de panneaux solaires, d’éoliennes, etc… C’est une somme non-négligeable !»
Un marché à conquérir, et dans lequel les entreprises Suisses ont un savoir-faire reconnu au niveau international. Parmi les invités de vendredi soir : Sandeep Joshi, un consultant pour des entreprises étrangères en Inde et qui a volontairement choisi de se concentrer sur les compagnies helvétiques.
«Je travaille avec des PME suisses dans le domaine des communications sécurisées, du rail, ou encore des tunnels. Toutes ont un très haut niveau de connaissances technologiques et de respect de l’environnement.» «Et puis, les capacités des sociétés suisses répondent bien aux besoins indiens», rajoute son concurrent Shivendra Singh, faisant allusion aux énormes besoins d’infrastructure que connaît le pays.
Vous goûterez bien un peu de raclette ?
Pendant ce temps-là, sur la pelouse de l’ambassade suisse, les 25 chefs d’entreprise de la délégation helvétique dînent en compagnie d’invités indiens. Chacun arbore sur sa veste un pin’s représentant le drapeau vert, blanc et orange de l’Inde, à côté du rouge à croix blanche.
Vous connaissez la raclette ?
– Oui, mais je n’en ai jamais mangé.
– Le goût de fromage est moins fort que dans la fondue. Vous devriez essayer…
Et voilà l’entrepreneur indien embarqué vers le stand de raclette, installé à côté des plateaux de chicken tikka et de chappatis. L’ambiance est aux rencontres.
Il y a là Jean-Daniel Pasche, le président de la fédération horlogère, Alain Robert, vice-président de la gestion de fortune chez UBS ou encore Jasmin Staiblin, qui dirige ABB Suisse. «Des membres de haut vol», comme le décrit l’un des proches du conseiller fédéral, qui ont décidé de faire le voyage eux-mêmes.
Argent sale
« Aujourd’hui, l’Inde est un marché essentiel. Pour l’instant, dans notre secteur de l’horlogerie, nous exportons pour 100 millions de CHF en Inde, contre 1 milliard de CHF en Chine. C’est beaucoup moins. Mais dans l’absolu, l’Inde est un marché potentiel aussi grand que la Chine ! », analyse Daniel Pasche.
Pourtant, pas loin, les relations indo-suisses sont à la peine. Toute la soirée, les médias indiens vont se succéder pour interviewer le conseiller fédéral sur l’argent sale indien placé dans les banques suisses. Le principal sujet de conversation à New Delhi, lorsque la Suisse est invoquée.
Les échanges commerciaux entre l’Inde et la Suisse sont passés de 15 milliards de CHF en 2009 à 18 milliards de CHF en 2010.
Les exports suisses se trouvent notamment dans les secteurs de la machinerie, de la pharmaceutique et des instruments à haute précision.
La Suisse importe d’Inde du textile, des produits agricoles et des composants aéronautiques.
La Suisse vend plus qu’elle n’achète à l’Inde : l’excédent commercial positif entre les deux pays est de1,6 milliard de CHF en 2010 – plus ou moins similaire à celui entre la Suisse et la Chine.
Environ 170 entreprises suisses sont présentes en Inde. Avec un taux de croissance espéré de 8,4% cette année, il s’agit de la deuxième économie la plus dynamique du monde après celle de la Chine.
Avec des investissements directs en Inde à hauteur de 3,3 milliards de CHF fin 2009, la Suisse se place au 23ème rang des investisseurs étrangers, avec seulement 0,4% de la somme totale investie dans le pays.
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