L’impossible poursuite de l’objectif des 2°C
Avec l’entrée en vigueur en Suisse de l’accord de Paris sur le climat, le 5 novembre 2017, la Confédération prend davantage de poids dans les négociations internationales sur le réchauffement climatique. L’objectif de le limiter à 2°C degrés paraît toutefois toujours plus utopique.
«Nous commençons désormais à prendre les choses au sérieux», affirme Jürg Staudenmann, coordinateur de l’Alliance climatique suisseLien externe, qui regroupe une soixantaine d’organisations environnementales et humanitaires. Avec l’entrée en vigueur de l’accord international sur le climatLien externe, explique-t-il, la Suisse pourra participer pour la première fois à la Conférence des États parties de l’Accord de Paris en tant que membre à part entière. «La Suisse aura un poids juridique plus important lors des négociations. Toutefois, elle devra également assumer l’entière responsabilité de la réduction des émissions et du financement de la lutte contre le changement climatique en faveur des pays en développement.»
Concrètement, la Suisse pourra insister sur les aspects qu’elle juge les plus importants, et cela déjà à partir de la prochaine conférence internationale sur le climat (COP23Lien externe), qui aura lieu à Bonn du 6 au 17 novembre. Pour Franz Perrez, le chef de la délégation suisse, l’une des priorités est d’établir les règles de fixation des objectifs nationaux de réduction des émissions: «Sur la base de l’accord de Paris, chaque pays signataire doit formuler un nouvel objectif tous les cinq ans. La Suisse souhaite que cela soit transparent et quantifiable.»
En outre, ajoute Franz Perrez, des règles contraignantes sont nécessaires en ce qui concerne les instruments de marché respectueux du climat, par exemple des certificats de réduction des émissions, qui permettent de prendre des mesures là où elles sont le moins coûteuses, c’est-à-dire dans les pays les plus pauvres. «Nous espérons des dispositions respectueuses de l’environnement et qui interdisent le double comptage des mesures», souligne Franz Perrez. En d’autres termes, il faut éviter que la même mesure de réduction soit attribuée à plus d’un pays.
Objectif: pas plus de 2°C
Adopté dans la capitale française en décembre 2015, l’accord de Paris est le premier accord international sur le climat à caractère universel. Il a été signé par 195 pays, c’est-à-dire presque toutes les nations du monde. Font exception: la Syrie et les Etats-Unis, qui ont annoncé leur retrait cet été.
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Concrètement, l’accord prévoit de contenir le réchauffement «bien en deçà de 2°C» et appelle à «poursuivre les efforts pour limiter la hausse à 1,5°C», par rapport à l’ère préindustrielle. Il prévoit aussi une révision des engagements obligatoires «tous les 5 ans» dès 2025, ainsi qu’une aide financière en hausse pour les pays du Sud.
L’aide aux pays en développement, qui doit atteindre 100 milliards de dollars annuels en 2020, devra être «un plancher». Ce dernier est appelé à être revu à la hausse. Il s’agit là d’une exigence de longue date des pays du Sud.
Le pacte conclu à Paris doit permettre de réorienter l’économie mondiale vers un modèle à bas carbone. Cette révolution implique un abandon progressif des ressources fossiles (charbon, pétrole, gaz), qui dominent la production énergétique mondiale, un essor des énergies renouvelables, d’immenses économies d’énergies ou encore une protection accrue des forêts.
A la différence du protocole de Kyoto, l’accord de Paris ne fixe pas d’objectifs précis pour la réduction des émissions. Il revient à chaque pays de décider, sur une base volontaire, de l’ampleur de ses propres réductions. La Suisse compte réduire de moitié les émissions de CO2 d’ici à 2030, respectivement aux valeurs de 1990, par le biais de mesures nationales (30%) et de projets à l’étranger (20%).
Une Suisse peu ambitieuse
En matière de protection du climat, la Suisse dispose de trois instruments principaux, rappelle Jürg Staudemann: «Il y a la loi sur le CO2, actuellement en révision, la stratégie énergétique 2050 [SE 2050] et la coopération internationale.» Néanmoins, la Suisse manque d’une vision sur le long terme, déplore l’expert en matière de politique climatique et environnementale. «A part la SE 2050, l’horizon helvétique arrive seulement jusqu’à fin 2030. Ce n’est pas une véritable politique climatique à long terme telle que le recommande l’accord de Paris.»
En plus, ajoute Jürg Saudemann, la nouvelle loi sur le CO2, qui sera débattue au parlement au cours du premier semestre 2018 «n’est pas assez ambitieuse». «Les objectifs de réduction à l’intérieur du pays doivent être revus à la hausse, en particulier dans le secteur des transports, du bâtiment et de l’industrie. La taxe sur le CO2 doit être augmentée et les directives pour les voitures neuves doivent être renforcées. A l’heure actuelle, la loi proposée ne permet pas de poursuivre les objectifs de Paris.»
Efforts insuffisants
Selon un calculLien externe effectué par le bureau de conseil «EBP Suisse» à la demande du WWF, la Confédération devrait réduire ses émissions de CO2 d’ici à 2038 si elle souhaite contribuer à atteindre l’objectif global de 2°C. En d’autres termes, elle devrait renoncer complètement au pétrole et à toutes les autres énergies fossiles en l’espace de 20 ans. Utopique? Probablement. L’objectif même de 2 °C fixé à Paris semble utopique, compte tenu de l’engagement actuel des Etats. Selon un rapportLien externe des Nations Unies publié fin octobre, même si les Etats mettent pleinement en œuvre leurs engagements, l’augmentation de la température «devrait être d’au moins 3 °C d’ici à la fin du siècle». Un tableau qui pourrait encore être plus sombre si les Etats-Unis donnent suite à la volonté du président Donald Trump de se retirer de l’accord de Paris.
(Traduction de l’italien: Katy Romy)
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