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Atrocités au Liberia: un exemple finlandais pour les juges suisses

scene from Liberia civil war
En juillet 2003, un soldat des forces gouvernementales de Charles Taylor pendant la guerre civile à Monrovia, au Liberia. Le 4 juin 2007, Taylor a refusé de comparaître à l'ouverture de son procès devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (SCSL) à La Haye où il était jugé pour crimes de guerre. Keystone / Nic Bothma

Plus de cinq ans après son arrestation, un ancien chef rebelle libérien est actuellement jugé en Suisse pour de présumés crimes de guerre. En Finlande, un tribunal fait mieux et vite dans une procédure similaire.

Au tournant du siècle, la Sierra Leone, puis le Liberia et ont été ravagés par des guerres intestines et connectées, alimentées par le contrôle des ressources minières de la région. Elles ont causé des centaines de milliers de morts, des millions de personnes déplacées et des actes de violence extrême tels que la mutilation de civils, le viol systématique, le cannibalisme, l’enlèvement d’enfants et leur embrigadement comme soldats.

En l’absence de justice locale pour les victimes de ces crimes de guerre, des ONG les ont aidées à porter des affaires devant les tribunaux d’autres pays – dont la Suisse, la France, la Finlande et la Belgique – en vertu du principe de compétence universelle.

Les affaires suisse et finlandaise ont été menées par une ONG suisse basée à Genève, Civitas MaximaLien externe, avec son partenaire libérien, le Global Justice and Research Project. Près de vingt ans après les présumés crimes de guerre et crimes contre l’humanité, l’ancien chef rebelle libérien Alieu Kosiah est en cour de jugement en Suisse. Simultanément, l’ancien commandant rebelle du Front révolutionnaire uni (RUF) de Sierra Leone, Gibril MassaquoiLien externe, est en procès en Finlande. Cette dernière procédure a été menée bien plus rapidement qu’en Suisse.

Directeur de Civitas Maxima, Alain WernerLien externe relève en premier lieu que ces deux procès sont historiques et que les deux tribunaux doivent être félicités pour les avoir menés à bien en dépit de la pandémie de coronavirus, avec toutes les précautions de sécurité que cela implique. «Près de 20 ans après la fin de la guerre civile, aucun procès pour crimes de guerre des auteurs présumés libériens n’avait eu lieu au Liberia ou ailleurs. C’est la première fois, relève cet avocat rompu à ce type de procès. Je pense que c’est important pour le Liberia et pour toute la sous-région.»

Un procès historique en Suisse

Ce procès est également un événement pour la Suisse. C’est la première fois qu’un tribunal suisse non militaire juge un crime international. Détenu en Suisse depuis novembre 2014, Alieu Kosiah est accusé de divers crimes, notamment d’avoir ordonné le meurtre et le traitement cruel de civils, le viol et le recrutement d’enfants soldats pendant la première guerre civile du Liberia, de 1989 à 1996.

Le procès devait initialement commencer en avril 2020. Mais il a été reporté en raison de la pandémie de coronavirus. Il a finalement commencé en décembre et a été divisé en deux parties. La plus importante est en cours, avec les témoignages d’une quinzaine de victimes et de témoins venus du Libéria.

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Dans le même temps, un procès similaire a débuté en Finlande, où Gibril Massaquoi est accusé de graves crimes de guerre commis au Liberia entre 1999 et 2003. Certains dirigeants du RUF en Sierra Leone avaient à l’époque des liens étroits avec le gouvernement libérien d’alors dirigé par Charles Taylor, un criminel de guerre condamné (pour des crimes en Sierra Leone). Massaquoi a été arrêté en Finlande en mars 2020, à l’issue d’une enquête qui a débuté en 2018.

C’est un temps record pour qu’une affaire de compétence universelle aussi complexe soit jugée. Mais ça n’est pas tout. Le tribunal finlandais s’est également rendu au Liberia, pour visiter des sites et recueillir des preuves. L’équipe est toujours sur le terrain aujourd’hui. Plus tard, elle se rendra en Sierra Leone pour entendre les victimes et les témoins.

Le conservatisme suisse

Thierry Cruvellier, rédacteur en chef de justiceinfo.netLien externe (un média spécialisé de la Fondation suisse Hirondelle dont l’auteure est contributrice), estime qu’il est trop tôt pour comparer l’issue des procès, mais ajoute que les phases préliminaires du procès mettent déjà en évidence «deux méthodes de travail et une rapidité différente».

Il n’a fallu aux Finlandais que deux ans et demi depuis le début des enquêtes et seulement un an après l’arrestation de Massaquoi pour porter l’affaire en justice, alors que les Suisses ont mis beaucoup plus de temps dans l’affaire Kosiah. En outre, les enquêteurs finlandais se sont rendus à plusieurs reprises au Liberia, ce que les Suisses n’ont jamais fait. Le tribunal finlandais tient maintenant une partie importante du procès au Liberia. «Cela fait un peu honte aux Suisses, estime M. Cruvellier, qui se trouve actuellement au Liberia avec les juges finlandais. Cette différence soulève de sérieuses questions sur leurs retards et leurs affirmations selon lesquelles ils n’ont pas pu enquêter au Liberia.»

D’autant qu’en 1999, la Suisse avait été le premier État européen à juger un criminel de guerre rwandais avec des juges ayant enquêté dans la commune de Mushubati où l’ancien bourgmestre avait sévi durant le génocide rwandais. À l’époque en Suisse, les crimes de guerre étaient de la compétence d’un tribunal militaire.

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Pourvu depuis 2011 de cette compétence, le Ministère public de la Confédération (MPCLien externe) répond à swissinfo.ch: «En raison des différents cadres et systèmes juridiques, nous nous abstenons de faire des comparaisons avec d’autres pays.  D’une manière générale, le MPC suit de près l’évolution du droit pénal international au niveau des États et des tribunaux internationaux.»

Un modèle finlandais?

Les Suisses ne sont pas les seuls à faire preuve de lenteurs, selon Thierry Cruvellier. Les Belges ont également une affaire liée aux crimes de guerre au Liberia, mais près de sept ans après l’ouverture de l’enquête, ils n’ont toujours pas entamé de procès. À l’inverse, les Français, qui enquêtent sur un Libérien arrêté en 2018, sont allés sur le terrain comme les Finlandais.

Alain Werner, qui assiste au procès devant le tribunal suisse, affirme que «chaque pays a sa propre approche», mais convient que la procédure finlandaise est «un exemple de rapidité et d’efficacité» en soulignant qu’une visite du tribunal sur le terrain permet de mieux comprendre l’affaire pour la juger au mieux.

C’est l’approche finlandaise depuis le début, relève Thierry Cruvellier. Elle a permis au tribunal de se faire une idée concrète des lieux du crime dont il s’occupe et des conditions de vie locales. Au cours de leur première semaine au Liberia, les Finlandais ont visité des sites de crimes présumés dans l’extrême nord du pays, près de la frontière sierra-léonaise. Bien que les preuves des atrocités aient disparu, ils affirment que cette expérience les a aidés à mieux comprendre ce à quoi ils ont affaire alors qu’ils commencent à entendre une cinquantaine de témoins dans la capitale libérienne, Monrovia.

Impact au Libéria

Pendant ce temps, le Tribunal pénal fédéral suisse à Bellinzone poursuit l’audition d’une quinzaine de victimes et de témoins libériens.

Quel pourrait donc être l’impact des procès au Libéria? Le pays s’est doté d’une Commission Vérité et Réconciliation de 2005 à 2010. Elle a recommandé la mise en place d’un tribunal national pour les crimes de guerre. Avec des personnes au pouvoir soupçonnées d’être parties liées aux atrocités commises à l’époque, un tel tribunal n’a jamais vu le jour. Le sujet reste politiquement sensible. «Mais le débat a pris de l’ampleur ces deux dernières années et les procès européens ont donné un nouveau sens au débat», souligne Thierry Cruvellier, auteur de Terre PromiseLien externe où le journaliste raconte sa longue expérience de la Sierra Leone.

Daniel Werner est d’accord. «Je pense que ces procès en Europe ont vraiment réactivé le sujet au Liberia sur sa manière de traiter les crimes des guerres civiles et la question de l’impunité. Les six témoins libériens qui ont témoigné en Suisse la semaine dernière ont tous dit aux juges suisses qu’ils avaient témoigné parce qu’ils voulaient que justice soit faite.»

Le poste de procureur général de la Confédération est remis au concours une troisième fois. Aucun des trois candidats auditionnés ce 24 février pour succéder à Michael Lauber n’a convaincu la commission judiciaire de l’Assemblée fédérale.

C’est la deuxième fois que la commission évalue des candidatures pour reprendre la tête du MPC après le retrait de Michael Lauber.

Mis en cause notamment pour ses rencontres informelles avec le président de la FIFA Gianni Infantino, Michael Lauber a remis sa démission pour le 31 janvier 2021. Dans les faits, il a quitté son poste le 31 août 2020.

Source: ATS

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