Une partie de l’économie pratique la «politique de l’autruche»
Trop d’employeurs ne respectent pas les directives du Conseil fédéral pour protéger les employés et la population de la propagation du coronavirus. C’est le cri d’alarme lancé mercredi par les syndicats.
Maintenir les distances, se laver les mains, éviter les rassemblements: autant de directives qui s’appliquent aussi sur le lieu de travail. «Dans les faits, de nombreux employeurs les ignorent, que ce soit dans la vente, sur les chantiers, dans les sites de production ou dans les véhicules d’entreprise. Les autorités doivent maintenant agir», a souligné mercredi le syndicat Unia, après de nombreuses alertes données par les travailleurs.
«Le credo: pas de baisse du chiffre d’affaires»
La présidente d’Unia, Vania Alleva, souligne dans un communiquéLien externe que si les entreprises ne sont plus en mesure de respecter les directives fédérales, elles doivent «cesser immédiatement le travail». Cependant, de nombreuses entreprises adoptent la politique de l’autruche. «Leur credo semble être: ‘pas de baisse du chiffre d’affaires’», déplore la syndicaliste.
Au Tessin, le canton jusqu’à présent le plus touché par le coronavirus, une partie des activités se sont déjà arrêtées. «Nous avons deux semaines de retard sur l’Italie, mais nous sommes en avance sur le reste de la Confédération», note Giangiorgio Gargantini, secrétaire régional d’Unia. De nombreux chantiers se sont arrêtés, bien que certains travaillent encore par crainte de perdre des clients. Le syndicat demande désormais la «fermeture totale des activités de construction».
La collaboration avec la section tessinoise de la Société des entrepreneurs du bâtiment a été excellente, indique Giorgio Fonio, du Syndicat chrétien tessinoisLien externe. «Ce que nous demandons, c’est une plus grande attention à un niveau plus élevé. Je ne pense pas, par exemple, que le goudronnage d’un tronçon d’autoroute soit actuellement indispensable», illustre Giorgio Fonio, qui lance un appel à l’Office fédéral des routes, responsable de ces chantiers.
Le personnel de vente très exposé
En première ligne pour fournir un service essentiel à la population, le personnel de vente est très préoccupé. Ces derniers jours, les témoignages de personnes, en particulier de caissières, qui estiment que leur santé est négligée, se sont multipliés. En plus des clients qui ne respectent pas les règles de base, comme la distance, un grand distributeur a par exemple interdit aux employés d’utiliser des masques, sous prétexte que cela ferait fuir la clientèle.
L’entreprise en question a par la suite fait marche arrière en introduisant des mesures plus sévères et en fournissant des masques (dont l’utilité pour des sujets sains — faut-il le préciser — n’est pas démontrée) à ses employés. Par ailleurs, des gants et des désinfectants ont été mis à la disposition des clients.
«La semaine dernière, nous sommes intervenus pour demander le renforcement de la protection des travailleurs», souligne Giorgio Fonio, en particulier le personnel de vente. «Certaines entreprises ont fait quelque chose. Mais il a été décidé de maintenir les magasins ouverts le jeudi 19 mars, jour de la Saint-Joseph. Pour nous, c’est incompréhensible, d’autant plus qu’il n’y a aucun problème d’approvisionnement. Nous aurions pu laisser respirer un peu ces gens qui sont aujourd’hui sur le front.»
Afin de soulager la pression et de mieux préserver la santé du personnel de vente, Unia demande qu’un maximum de 50 personnes (y compris les employés) soit fixé pour les commerces alimentaires. Le même chiffre avait été initialement fixé pour les restaurants (désormais fermés).
Le reste du pays en retard
Alors qu’au Tessin, cette prise de conscience gagne du terrain, le reste de la Suisse semble être à la traîne. «À ce jour, aucun détaillant n’applique systématiquement les recommandations de l’Office fédéral de la santé publique», constate-t-on au siège central d’Unia.
Dans le secteur industriel, les entreprises continuent en grande partie à fonctionner, du moins au nord des Alpes. Au Tessin, en revanche, «plusieurs entreprises ont cessé le travail de manière autonome, relève Giangiorgio Gargantini. Il est toutefois difficile de dire si c’est en raison d’une réelle prise de conscience ou parce qu’il est devenu objectivement difficile de travailler.»
Télétravail
L’appel du gouvernement en faveur du télétravail semble avoir pris racine dans de nombreuses entreprises et administrations publiques. Dans certains cas, cependant, des entreprises semblent avoir du mal à franchir le pas.
«Je pourrais facilement faire mon travail à la maison, mais on m’a dit que ce ne serait pas juste pour les gens qui doivent venir travailler parce qu’ils font des tâches qu’ils ne pourraient faire nulle part ailleurs, témoigne un employé du Swatch Group. Ils ont pris des mesures pour préserver la santé des employés, par exemple en mettant du désinfectant à disposition partout ou en augmentant l’espace entre les postes de travail. De ce point de vue, ils ont été impeccables. Mais ils me forcent à venir travailler, même si je dois prendre les transports publics.»
La multinationale horlogère souligne pour sa part avoir pris une longue liste de mesures «en pleine conformité avec les recommandations fédérales». Le télétravail en fait partie. «Le mot d’ordre de notre groupe est le télétravail partout où cela est possible, souligne Bastien Buss, responsable de la communication du Swatch Group. Certaines entreprises et filiales ont également mis en place un système d’alternance des équipes.» Dans le cas précité, le groupe préfère ne pas s’exprimer, ne connaissant pas les détails.
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Coronavirus: la situation en Suisse
(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)
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