Dans la tempête, les banques tentent de tracer leur voie
Après une nouvelle année difficile, les deux plus grandes banques suisses, UBS et Credit Suisse, ont adopté des stratégies différentes afin de minimiser les risques pour l'économie nationale tout en restant compétitives sur le marché mondial.
Les deux établissements marchent sur la corde raide: d’un côté, un abîme réglementaire, de l’autre, un gouffre d’opportunités manquées et de profits envolés. Actionnaires, concurrents et régulateurs sont à l’affût, prêts à bondir à la moindre erreur.
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UBS, une hypothèque sur l’image de la Suisse
Depuis le milieu des années 1990, les deux rivales ont progressivement convergé vers une stratégie similaire, basée sur un développement de la banque d’affaires au détriment du bastion traditionnel de la gestion de fortune.
Ce faisant, UBS et Credit Suisse ont couru après des richesses fictives, tout comme la plupart des établissements globaux d’autres pays. Bien que Credit Suisse ait vu le piège se refermer avant la plupart de ses concurrentes, les deux grandes banques helvétiques se sont brûlé les doigts.
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Banque suisse
UBS, une suite de désastres
Depuis 4 ans, UBS a enchaîné les désastres: des affaires d’évasion fiscale qui ont sonné le glas du secret bancaire, un courtier fraudeur responsable d’une perte de plus de 2 milliards de francs et, enfin, une implication dans le scandale du Libor qui a coûté une amende de plus d’1,4 milliard de francs à la plus grande banque du pays.
Face aux pressions tous azimuts – gouvernement, opinion publique, actionnaires, régulateurs internationaux – UBS annonçait en octobre le démantèlement de sa banque d’affaires et la suppression de près de 10’000 emplois. Seules les activités de conseil à la clientèle d’entreprise demeurent, ainsi que certaines fonctions visant à soutenir les opérations de gestion de fortune et de gestion d’actifs.
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«UBS tourne la page du bling-bling»
La deuxième banque du pays va poursuivre la totalité de ses activités mais entend réduire les actifs à risque de sa banque d’affaires. Elle a également annoncé une réorganisation visant à séparer les opérations à risque du reste du groupe. Contrairement à UBS, elle n’abandonne ainsi pas ses activités spéculatives, dans l’espoir d’engranger des profits plus importants lorsque les marchés se rétabliront.
Présentée en 2010, la réforme bancaire dite de Bâle III est au cœur du dispositif déployé par le G20 pour endiguer une crise financière qui a vu des milliards de dollars d’argent public être déversés pour préserver le système bancaire. Elle prévoit notamment que les banques retiennent au moins 7% de leur capital pour couvrir leurs risques.
Les régulations dites «Swiss finish» exigent pour leur part qu’UBS et Credit Suisse disposent d’un matelas de fonds propres de 19% d’ici 2019 pour couvrir leurs risques, soit bien plus que ce qui est prévu par les règles de Bâle III
10% de ces fonds propres devront être de qualité supérieure, les 9% restants pouvant prendre la forme d’emprunts à conversion obligatoire sous certaines conditions, ce que les experts nomment les «contingent convertible bonds».
La BNS soulagée
Les décisions de Credit Suisse et d’UBS semblent cependant avoir apaisé la Banque nationale suisse (BNS). En décembre, Jean-Pierre Danthine, le vice-président de la direction, a indiqué que la situation s’était améliorée, en particulier chez Credit Suisse. Les deux grandes banques «prévoient de continuer à accroître leurs fonds propres pouvant absorber des pertes, de réduire leurs risques et, notamment, le total de leurs bilans respectifs et entendent mener une politique restrictive en matière de dividendes», a-t-il relevé. Mais il a également déclaré que les risques en cas d’aggravation de la crise de l’euro restaient «considérables».
Les investisseurs ont pour leur part donné un signal très clair quant au modèle remportant leurs faveurs. Après les annonces respectives des deux banques, le titre UBS a pris l’ascenseur alors que celui de Credit Suisse a baissé.
L’attachement de Credit Suisse à sa banque d’investissement ne surprend pas les analystes, puisque la deuxième banque du pays est fortement dépendante de ce type d’opérations. Des doutes subsistent toutefois quant à la stratégie de Credit Suisse, qui entend rester un acteur global sur ce marché pourtant très volatil.
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Quel futur?
Reste désormais à savoir comment UBS et Credit Suisse vont se porter face à la concurrence internationale. Les régulations dites «Swiss finish», dont l’entrée en vigueur va débuter le 1er janvier, forcent UBS et Credit Suisse à constituer des réserves de fonds propres allant bien au-delà des standards internationaux.
A première vue, cela met le duo helvétique dans une situation désavantageuse. Mais les banques des autres pays, qu’elles se trouvent en Europe ou aux Etats-Unis, doivent encore finaliser leurs propres réglementations nationales.
Bien que le «Swiss finish» soit plus sévère que les standards internationaux, le fait que les banques suisses sachent exactement ce que l’on attend d’elles pourrait se révéler un avantage, selon les observateurs. Cela permet au moins à Credit Suisse et UBS d’avoir quelques certitudes concernant l’avenir et leur donne la possibilité de s’organiser.
(Traduction de l’anglais: Sophie Gaitzsch & Samuel Jaberg)
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