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La France s’intéresse à l’apprentissage «à la suisse»

Emmanuel Macron (à droite) avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, et Muriel Pénicaud, ministre du Travail
Emmanuel Macron (à droite) avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, et Muriel Pénicaud, ministre du Travail, lors d'une visite à l'Ecole d'Application aux Métiers des Travaux Publics (EATP), consacrée à l'apprentissage et à la formation professionnelle à Egletons le 4 octobre 2017. AFP/Ludovic Marin

Visites, conférences: Paris étudie soigneusement le modèle helvétique en matière d’apprentissage. Mais le fossé est si profond qu’il sera difficile de faire du «copier-coller», reconnaît la ministre du Travail Muriel Pénicaud.

«On va mettre de l’apprentissage dans les filières d’excellence, car l’apprentissage, c’est une bonne chose. Je veux qu’on donne un vrai statut à l’apprenti», déclarait en octobre dernier Emmanuel Macron. Le président a depuis lancé une concertation chargée d’examiner comment réformer cette filière qui associe enseignement scolaire et formation rémunérée en entreprise. La concertation rendra ses conclusions début 2018.

En attendant, la ministre du Travail Muriel Pénicaud Lien externeétudie les expériences étrangères en matière d’apprentissage. Là où ça marche, au Danemark et en Suisse, où elle s’est rendue en octobre. «On ne peut pas faire du ″copier-coller″, reconnaissait mercredi la ministre, à l’occasion d’une conférence donnée à l’ambassade suisse à Paris. Mais cette visite nous a encouragés.»

De son passage dans les ateliers de la firme Bobst dans le canton de Vaud, Muriel Pénicaud a retenu la forte implication des entreprises et «l’accent mis sur la formation des maîtres d’apprentissage».

«Révolution culturelle»

«Il nous faut faire une petite révolution culturelle», admet la ministre. Car en France, l’apprentissage se porte mal. Le nombre d’apprentis stagne depuis 2014 à environ 400’000, soit 7% des jeunes de 15 à 25 ans. Plus grave, le total des apprentis au niveau secondaire (15-18 ans) a diminué de 24 % en huit ans, avec un reflux très marqué dans les métiers traditionnels de l’apprentissage (bâtiment, industrie, hôtellerie-restauration).

Responsable d’un centre de formation pour apprentis du nord de la France, Luc Florent se désole de ces 150 offres de contrat d’apprentissage que propose son centre et qui ne trouvent pas preneurs. «Cette situation paradoxale, dans un pays où 23 % des moins de 25 ans sont au chômage, conduit certaines entreprises à renoncer à des contrats, à faire appel à de la main-d’œuvre étrangère, à délocaliser et parfois à fermer», écrit-il dans le journal Le MondeLien externe.

Pourquoi un tel manque d’intérêt pour des contrats qui débouchent à 85% sur des postes de travail? «En France, nous avons une passion pour l’école. Dans les mentalités, l’apprentissage arrive derrière l’enseignement général, professionnel et technique», déplore Stéphane Lardy, directeur-adjoint du cabinet de Muriel Pénicaud.

A la recherche de personnalités

Ce serait donc une question d’image. «Arrêtons de présenter l’apprentissage comme une relégation scolaire», prône Muriel Pénicaud. Laquelle cherche des personnalités susceptibles d’incarner l’apprentissage à la française. Des membres du gouvernement? Aucun. «Pas comme en Suisse», glisse la ministre, en référence aux deux conseillers fédéraux qui furent apprentis dans leur jeunesse, Johann Schneider-Ammann et Guy Parmelin. Faute de ministre, Mme Pénicaud compte beaucoup sur les chefs cuisiniers français, notamment le très médiatique Thierry Marx.

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A vrai dire, le mot apprentissage ne recouvre pas tout à fait la même réalité dans les deux pays. En France, il concerne autant l’enseignement secondaire (15-18 ans) que supérieur (18-25 ans). Or, «l’alternance école-entreprise «fonctionne bien de 15 à 19 ans, quand les élèves se contentent de salaires bas et que le coût n’est donc pas trop élevé pour les entreprises», insiste le Suisse Mauro Dell’Ambrogio, Secrétaire d’EtatLien externe à la formation, à la recherche et à l’innovation.

Un Secrétaire d’Etat exemplaire

En Suisse, ce sont les entreprises qui définissent le contenu de l’enseignement en fonction de leurs besoins. «Ce n’est pas à l’Etat de s’en occuper, mais à l’économie elle-même», résume Mauro Dell’Ambrogio, dont la famille a donné l’exemple en matière d’apprentissage : cinq de ses sept enfants ont été apprentis. «Ils gagnent davantage que les deux autres», sourit le Tessinois.

En France, c’est l’Education nationale qui fixe le contenu pédagogique. «Les entreprises doivent pouvoir davantage piloter l’offre des formations.» En prononçant ces mots en novembre, Mme Pénicaud a déclenché de fortes oppositions chez les autres (nombreux) acteurs impliqués dans la filière : les régions et les syndicats notamment. 

Généalogie de l’apprentissage en Suisse

Issu du système des corporations du Moyen-Age, l’apprentissage se codifie en Suisse à la fin du XIXe siècle.

En plus de l’apprentissage pratiqué dans l’entreprise, les jeunes bénéficient dès les années 1870 d’une formation théorique dans des cours complémentaires, futures écoles professionnelles. L’arrêté fédéral de 1884 permet de développer le fameux système “dual”.

Aujourd’hui, 63% des jeunes passent par l’apprentissage. Dans 90% des cas, ces formations se font à la fois en entreprise et en école professionnelle. Seuls 10% des jeunes suivent une école professionnelle à plein-temps.

(Tiré du Dictionnaire historique de la SuisseLien externe)

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