Garantie suisse pour le «nouveau» canal de Panama
Cette route maritime et passage stratégique entre l’Atlantique et le Pacifique fêtera son centenaire en août, mais sans grandes célébrations. Un ambitieux projet d’extension a en effet provoqué un conflit financier dont la résolution dépend en grande partie du rôle que jouera la Zurich Assurances dans le projet.
Le problème est que les chiffres ne concordent pas. En 2009, les coûts prévus pour les travaux d’agrandissement du canal de Panama étaient estimés à 3,3 milliards de dollars. Mais cinq ans plus tard, on a appris que le surcoût serait de 1,625 milliard. Est-ce dû à une erreur dans les estimations? A l’inefficacité des constructeurs? Et surtout, qui payera la facture?
De là est né le contentieux qui oppose l’Autorité du canal de Panama (ACP), formée de membres du gouvernement et du parlement du Panama, et le consortium international Groupe Uni pour le canal (GUPC), dont font partie les entreprises Sacyr (Espagne), Salini Impregilo (Italie), CUSA (Panama) et Jan de Nul (Belgique). Cette bataille a mis quelque 10’000 emplois en danger. Quant à la Zurich Assurances, elle est la clef pour l’obtention d’argent frais.
Problèmes géologiques
Au début de l’année, Paolo Moder, le coordinateur du consortium, a dénoncé publiquement la responsabilité du Panama dans l’augmentation de 50% du coût initialement prévu. Selon le consortium, les autorités panaméennes n’ont pas clairement identifié avant même l’appel d’offres toute une série de problèmes géologiques qui ont empêché les entreprises de construction de respecter les délais et le budget prévus.
Les autorités ont rejeté ces accusations et ont demandé au consortium de respecter la parole donnée. Le conflit a atteint son apogée en février, bloquant totalement les travaux. Cette situation, coûteuse pour les deux parties, a donné lieu à l’ouverture d’un arbitrage international à Miami.
«On s’attendait à ce que le projet soit terminé d’ici la fin de cette année. L’impact économique de ce retard est estimé à 300 millions de dollars par année», a affirmé Jorge Quijano, administrateur de l’ACP durant le lancement du sommet régional du Forum économique mondial (WEF) à Panama.
La controverse a également beaucoup nui à l’image de l’entreprise espagnole Sacyr, leader du consortium de constructeurs. Ses actions ont fortement reculé sur les marchés boursiers.
Pour Zurich Assurances, en revanche, ce conflit a confirmé l’existence d’un nouveau marché: les méga travaux de construction ont besoin d’une sécurité que le secteur des assurances peut fournir.
Selon le gouvernement panaméen, quelque 14’000 navires – pour plus de 200 millions de tonnes de cargaison – traversent chaque année ce canal qui relie l’Atlantique au Pacifique.
Après un échec avorté de la France, le canal a été terminé il y a 100 ans par les Etats-Unis, qui avaient alors le contrôle sur toute cette zone. L’ouvrage, d’une longueur de 77 km, a été ouvert en 1914 et inauguré officiellement un an plus tard.
Washington a restitué le canal et la zone qui l’entoure au Panama le 1er janvier 2000.
Depuis, le canal est géré par l’Autorité du canal, un organisme d’Etat. La construction d’un troisième ensemble d’écluses constitue le premier projet d’extension du canal. Il doit permettre le passage de navire avec une plus gros tonnage.
Intervention de la Zurich
Les travaux ne peuvent pas être bloqués ad aeternam. Le Conseil de résolution des conflits – un organe de médiation panaméen composé d’experts indépendants – a conseillé aux parties de poursuivre les travaux, ce qui représente la solution la moins coûteuse. Zurich Assurances leur a également préconisé de s’entendre.
Après plusieurs semaines de négociations, l’Autorité du canal et le consortium sont parvenu en mars à un accord qui permet une reprise graduelle des travaux. Le conflit n’est toutefois pas totalement résolu, notamment parce que la procédure d’arbitrage est encore en cours à Miami.
Le consortium confirme que des progrès ont été réalisés: «Tant l’Autorité du canal que nous autres constructeurs, nous nous sommes engagés à fournir 100 millions de dollars chacun pour permettre de faire avancer le chantier. Par ailleurs, il est également prévu un financement extraordinaire d’environ 400 millions de dollars de la part des constructeurs, pour lequel la Zurich Assurances, qui a également signé l’accord, jouera un rôle».
Le 90% des nouveaux fonds injectés par l’Autorité du canal et le consortium est destiné à payer les factures en souffrance auprès des sous-traitants. «L’intention est de terminer la troisième série d’écluses d’ici décembre 2015, soit environ 15 mois après la date prévue», affirme le consortium.
Zurich Assurances n’a pas voulu commenter sa participation à l’agrandissement du canal de Panama, invoquant le caractère confidentiel de son rôle. Cependant, des sources panaméennes proches du dossier, mais qui préfèrent rester anonymes, ont confirmé à swissinfo.ch que la multinationale suisse a fourni une caution de bonne exécution (Performance Bound) d’un montant de 400 millions de dollars. Cela ne signifie pas que l’assureur devra forcément débourser cette somme, précise notre source. Sa contribution sert uniquement de garantie, afin que le consortium puisse accéder à de nouveaux crédits de financement auprès des banques.
Le consortium a par ailleurs prévu de vendre des machines, ce qui permettra de réunir 200 millions supplémentaires.
Le travail a repris en février dernier
Nouveau marché
Depuis 2008, les garanties d’assurance sont devenues un élément fondamental pour les projets de construction de grande envergure. Dans une étude récente, Michel Bond, responsable de la division garanties de la filiale nord-américaine de Zurich Assurances, a indiqué que la crise économique a favorisé ce marché.
Les sources panaméennes contactées par swissinfo.ch affirment qu’au cours des prochaines semaines, les détails du financement seront dévoilés et le cas résolu. Mais ils confirment aussi que «sans garanties, pas d’argent».
(Traduction de l’espagnol: Olivier Pauchard)
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.