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L’argent sale reste une menace pour la société, alerte une ONG anticorruption

Billet de dollars accrochés à une corde à linge
La guerre en Ukraine a sensibilisé le monde entier à la question du blanchiment d'argent, mais elle rend aussi la détection et les poursuites plus difficiles. Keystone / Tsvangirayi Mukwazhi

La lutte mondiale contre le blanchiment d'argent est paralysée par son application inégale et son incapacité à suivre le rythme de criminels aux activités de plus en plus sophistiquées. C’est ce qu’affirme une nouvelle étude du Basel Institute on Governance.

Comme d’autres pays, la Suisse doit redoubler d’efforts afin d’empêcher les criminels d’utiliser son système bancaire pour dissimuler des biens mal acquis, estime le Basel Institute on Governance (en français, Institut bâlois sur la gouvernance).

Le «Basel AML IndexLien externe» (Indice de Bâle sur la lutte contre le blanchiment d’argent) établi par l’organisation estime que le blanchiment d’argent représente toujours une menace pour la société, et ce à un niveau plus ou moins équivalent à l’année dernière, tant dans le monde qu’en Suisse.

Bien que les pays disposent de davantage d’outils pour détecter les fonds criminels, ils n’ont ni la coopération ni la volonté politique suffisantes pour traduire cela en progrès concrets, note l’étude publiée mardi.

«Lorsqu’il s’agit de lutter contre l’argent sale, la plupart des pays font un pas en avant et quatre pas en arrière, et restent trop loin derrière les criminels qui cherchent à blanchir des fonds illicites», indique l’institut. Il est grand temps de corriger les points faibles du système financier, ajoute-t-il.

L’indice de Bâle a mesuré les efforts en matière de lutte contre le blanchiment d’argent fournis par 128 pays, en étudiant notamment leur système juridique, la transparence de leurs secteurs financier et public, et la propension à la corruption. L’indice s’appuie sur des données provenant du GAFI, du Tax Justice Network, de la Banque mondiale et d’autres sources.

Le Basel Institute on Governance est un organisme à but non lucratif de lutte contre la corruption et la criminalité financière. Il a été créé en Suisse en 2003.

La Suisse pénalisée par son secret

Avec un score de 4,55, légèrement meilleur que l’année dernière (10 étant la pire note possible), la Suisse reste un pays de rang moyen en matière de risque de blanchiment d’argent.

Classement du risque de blanchiment d argent dans les pays européens
Basel Institute on Governance

Les risques de corruption politique ou de criminalité environnementale y sont faibles, mais le pays est freiné par sa deuxième place dans le classement des secteurs financiers les plus secrets, établi par Tax Justice Network.

Puisqu’il a ajouté de nouveaux pays et modifié certaines de ses méthodes cette année, le «Basel AML Index» a décidé de ne pas publier de classement mondial. Mais, au niveau régional, la Suisse est considérée comme le huitième pays le plus susceptible d’abriter de l’argent sale, sur 31 pays de l’Union européenne et d’Europe occidentale.

Bien qu’elles aient mis fin au secret bancaire et adhéré à des normes internationales plus rigoureuses en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, les banques suisses se voient toujours reprocher de laisser passer trop d’argent sale dans leurs coffres.

En août, le Contrôle fédéral des finances a déploré que la législation ne parvienne pas à suivre le rythme des évolutions en matière de blanchiment d’argent et que la Suisse «anticipe rarement les développements au niveau international».

De nouvelles lois ciblant les ventes de biens immobiliers, d’or et de pierres précieuses ont été introduites récemment, ou entreront en vigueur au début de l’année prochaine. Mais le législatif a refusé d’accroître la pression sur les avocats pour les pousser à révéler les activités suspectes de leur clientèle.

Les lois suisses récemment entrées en vigueur ne sont pas prises en compte dans l’indice de Bâle, car leur efficacité n’a pas encore été évaluée par le Groupe d’action financière (GAFI), un organisme international qui définit les normes anti-blanchiment et contrôle leur application par les pays. La Suisse ne fera pas l’objet d’une prochaine évaluation par le GAFI avant 2024.

L’isolement de la Russie

L’invasion de l’Ukraine par la Russie aura des effets à la fois négatifs et positifs sur la lutte contre le blanchiment d’argent, selon Kateryna Boguslavska, cheffe de projet du Basel AML Index.

«Le conflit a révélé d’énormes lacunes dans l’architecture mondial de lutte contre le blanchiment d’argent», déclare-t-elle à SWI swissinfo.ch. «Cela a permis de mieux comprendre l’importance de la coopération entre pays et de susciter une volonté politique internationale plus forte que jamais pour lutter contre ce type de criminalité.»

Mais le fait que la Russie soit coupée d’une grande partie de la communauté internationale entrave actuellement les efforts de traque de l’argent sale.

«Pour enquêter et poursuivre les infractions de blanchiment d’argent, nous avons besoin d’une coopération internationale, souligne Kateryna Boguslavska. Il est évidemment plus difficile de poursuivre les flux illicites d’argent russe sans la coopération de la Russie.»

Traduction de l’anglais: Pauline Turuban

Pauline Turuban

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