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Votations fédérales du 25 septembre 2022

L’assurance-vieillesse, enjeu majeur des votations depuis 70 ans

Dépôt d une initiative populaire devant la Chancellerie fédérale
L’AVS occupe depuis des décennies la scène de la politique fédérale suisse avec sur cette photo l’un de ses plus récents épisodes: le dépôt, le 28 mai 2021, d’une initiative demandant le versement d’une 13e rente mensuelle par an. Keystone / Anthony Anex

Les Suisses sont appelés aux urnes le 25 septembre pour se prononcer sur une énième révision de l’assurance-vieillesse et survivants. L’AVS fait régulièrement l’objet de votations populaires depuis sa création en 1948, car elle mobilise des problématiques fondamentales telles que la solidarité, l’égalité hommes-femmes, la précarité ou encore le financement des assurances sociales. 

Le 25 septembre, le peuple suisse vote sur une nouvelle réformeLien externe de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS), qui prévoit notamment une hausse de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans, à l’égal des hommes. Il s’agit du 24e scrutin fédéralLien externe lié à cette assurance depuis son entrée en vigueur, il y a plus de 70 ans.

  • 1952: proposition du gouvernement de baisser les taxes en faveur de l’AVS prélevées auprès de l’industrie du tabac, acceptée à 68%
  • 1972: le principe des trois piliers (AVS, prévoyance professionnelle, prévoyance individuelle), proposé par le gouvernement et le Parlement, est soutenu par le peuple à 74% et fait son entrée dans la Constitution
  • 1972: l’initiative du Parti suisse du travail «pour une véritable retraite populaire», qui propose d’étendre et de renforcer l’assurance-vieillesse, est refusée à 78%
  • 1978: la 9e révision de l’AVS, qui prévoit d’adapter automatiquement les rentes à l’évolution des salaires et des prix, est acceptée à 65%
  • 1978: l’initiative des Organisations progressistes de Suisse (gauche estudiantine) pour diminuer l’âge de la retraite à 60 ans pour les hommes et 58 ans pour les femmes est refusée à 79%
  • 1988: la nouvelle initiative des Organisations progressistes de Suisse visant à abaisser l’âge de la retraite à 62 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes est refusée à 64%
  • 1995: la 10e révision de l’AVS, qui prévoit un relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 62 à 64 ans et la possibilité de prendre une retraite anticipée, est acceptée à 60%
  • 1995: l’initiative lancée par l’Union syndicale suisse visant à renforcer l’AVS et à fixer la retraite pour toutes et tous à 62 ans est refusée à 72%
  • 1998: l’initiative de l’Union syndicale suisse demandant l’annulation du relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 64 ans prévu dans la 10e révision de l’AVS est refusée à 58%
  • 2000: l’initiative lancée par la Société suisse des employés de commerce contre le relèvement de l’âge de la retraite des femmes est refusée à 60%
  • 2000: l’initiative lancée par le Parti écologiste suisse en faveur d’une retraite flexible pour toutes et tous dès 62 ans est refusée à 54%
  • 2001: l’initiative du Parti écologiste suisse visant à financer l’AVS et les autres assurances sociales en prélevant une taxe sur les énergies non renouvelables et sur l’énergie hydraulique est refusée à 77%
  • 2002: l’initiative de l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice) pour verser au fonds AVS les réserves d’or excédentaires de la Banque nationale suisse est refusée à 51%
  • 2002: le contre-projet à l’initiative sur l’or de l’UDC est aussi refusé, à la majorité des cantons
  • 2004: la 11e révision de l’AVS, qui veut relever l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, est refusée à 67%
  • 2004: une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en faveur de l’AVS est refusée à 68%
  • 2006: l’initiative de la gauche visant à reverser les bénéfices de la Banque nationale suisse à l’AVS et refusée à 58%
  • 2008: l’initiative lancée par l’Union syndicale suisse pour instaurer une retraite à la carte pour toutes et tous dès 62 ans et refusée à 58%
  • 2015: l’initiative de la gauche voulant instaurer un nouvel impôt sur les successions afin de financer l’AVS est refusée à 71%
  • 2016: l’initiative de l’Union syndicale suisse pour augmenter le montant des rentes AVS est refusée à 59%
  • 2017: le projet Prévoyance vieillesse 2020, qui prévoyait de réformer à la fois l’AVS et le deuxième pilier (prévoyance professionnelle) avec un relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, est refusé à 52%
  • 2017: une hausse de la TVA en faveur de l’AVS est refusée à la majorité des cantons
  • 2019: la réforme de la fiscalité des entreprises (RFFA), qui prévoit également une hausse des cotisations à l’AVS et une participation plus importante de la Confédération, est acceptée à 66%

Durant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement profite de ses pouvoirs extraordinaires pour développer les assurances sociales. Il introduit notamment les allocations pour perte de salaire et de gain destinées aux militaires. L’organisation et le financement de ces prestations servent de modèle au nouveau projet d’assurance-vieillesse, accepté par les citoyens suisses à 80% des voix en 1947. 

La première loi sur l’AVS prévoit déjà un mode de financement par répartition: les cotisations, versées à parts égales par les employeurs et les employés, sont directement affectées aux rentiers-ères. Les personnes actives financent donc les personnes retraitées. Il s’agit d’une assurance solidaire, car les hauts salaires s’acquittent de cotisations élevées tout en touchant des rentes limitées. 

L’âge de la retraite est fixé à 65 ans pour toutes et tous. Une rente de couple est toutefois prévue à partir du moment où l’homme atteint 65 ans et son épouse 60 ans. Au fil des différentes réformes de l’AVS, qui visent essentiellement à adapter les rentes et les cotisations au niveau des salaires et au coût de la vie, l’âge de la retraite des femmes diminue progressivement: il passe à 63 ans en 1957 et à 62 ans en 1964. Ce sont alors les hommes qui prennent ces décisions, les femmes n’ayant obtenu le droit de vote et d’être élues qu’en 1971.

Des rentes trop basses

Dans les années 60, les autorités s’inquiètent de la précarité des personnes âgées: l’AVS ne remplit pas son mandat constitutionnel de couvrir les besoins vitaux et une partie importante des rentiers et des rentières vit sous le seuil de pauvreté. Le Parlement décide en 1966 d’introduire des prestations complémentaires pour soutenir les plus retraités les plus démunis. Cette solution est alors considérée comme transitoire, en attendant que le développement de l’AVS et de la prévoyance professionnelle offre le minimum vital à chacune et chacun. Mais cet objectif ne sera jamais atteint et les prestations complémentaires font aujourd’hui partie intégrante du système de sécurité sociale. 

L’année 1972 marque un tournant majeur dans le système suisse des retraites: le principe des trois piliers est accepté en votation populaire et ancré dans la Constitution. L’AVS est toujours censée fournir le minimum vital, mais elle est complétée par la prévoyance professionnelle, obligatoire pour tous les salariés, ainsi que par la prévoyance individuelle facultative. Le Parti suisse du travail et l’aile la plus à gauche du Parti socialiste souhaitaient au contraire renforcer et développer l’AVS, mais le peuple n’est pas convaincu: il refuse leur initiative «Pour une véritable retraite populaire» et lui préfère le contre-projet gouvernemental donnant davantage de poids à la prévoyance privée.

L’âge de la discorde

En 1978, le refus par le peuple d’une initiative de la gauche estudiantine pour diminuer l’âge de la retraite amorce un long combat dans les urnes autour de l’âge de référence donnant droit aux prestations vieillesse. Les étudiants reviennent à la charge avec une proposition semblable en 1988, également balayée par le peuple.

En 1995, la 10e révision de l’AVS est soutenue par 60% des votants et des votantes. Celle-ci prévoit un relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 62 à 64 ans et introduit la possibilité de prendre une retraite anticipée. Le même jour, l’électorat refuse l’initiative de l’Union syndicale suisse qui voulait fixer l’âge de référence à 62 ans pour toutes et tous. Trois ans plus tard, les syndicats reviennent devant le peuple pour demander l’annulation de la hausse de l’âge de la retraite des femmes prévue dans la 10e révision. La proposition est refusée à 58%. 

Mais lorsque les autorités tentent de repousser encore une fois l’âge de référence des femmes de 64 à 65 ans, le peuple ne suit plus. La 11e révision de l’AVS est rejetée à 64% des voix en 2004. Dans la foulée, l’Union syndicale suisse relance une initiative en faveur d’une retraite à 62 ans pour toute la population. Et elle essuie un nouvel échec dans les urnes en 2008. 

Le gouvernement et le Parlement réintroduisent le concept de retraite à 65 ans pour toutes et tous dans leur réforme «Prévoyance vieillesse 2020», qui concerne à la fois l’AVS et la prévoyance professionnelle. En 2017, 52% de l’électorat rejette le projet. Les révisions du premier et du deuxième pilier sont alors séparées, et c’est une énième réforme de l’assurance-vieillesse qui est soumise au peuple le 25 septembre prochain. Avec, encore une fois, la tentative des autorités de faire passer l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans. 

Trouver l’argent

Cette obstination du gouvernement et de la majorité de droite du Parlement à vouloir relever l’âge de la retraite des femmes est motivée par les finances problématiques de l’AVS: avec le vieillissement de la population, les personnes actives ne sont plus assez nombreuses pour payer les rentes des personnes retraitées. D’après les projections de la Confédération, l’assurance-vieillesse sera déficitaire à partir de 2029. Les autorités doivent donc trouver rapidement un moyen de renflouer les caisses, pour permettre à l’AVS de continuer à jouer son rôle. La votation du 25 septembre est d’ailleurs accompagnée d’une demande de relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), afin d’affecter ce montant au fonds AVS. 

La trésorerie de l’assurance-vieillesse fait depuis longtemps l’objet d’une intense bataille politique: une multitude d’initiatives ont été déposées ces 20 dernières années pour élargir les sources de financement. Toutes ont été rejetées par le peuple. Le Parti écologiste (gauche) voulait taxer les énergies non renouvelables, l’Union démocratique du centre (droite conservatrice) utiliser les réserves d’or excédentaires de la Banque nationale suisse et la gauche introduire un nouvel impôt sur les successions. 

Vu que les dernières révisions de l’AVS ainsi que toutes les propositions de financement alternatif ont échoué dans les urnes, les autorités ont élaboré une solution à court terme pour que les comptes de l’assurance-vieillesse restent positifs jusqu’en 2031. Elles espèrent convaincre la population que la hausse de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans et le relèvement de la TVA prévus dans le projet «AVS21» vont dans la bonne direction.

Une réforme en profondeur du fonctionnement de l’AVS ainsi que de l’ensemble du système des retraites est inévitable pour garantir des rentes décentes sur le long terme, estiment la gauche et les syndicats, qui ont lancé le référendum contre «AVS21». Ils refusent une solution sur le très court terme qui pénalise les femmes ainsi que les personnes à bas revenus et exigent une remise en cause de l’ensemble du mécanisme des trois piliers avec l’introduction de nouvelles sources de financement. Au peuple de trancher le 25 septembre. 

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