Le chômage inquiète les chefs d’entreprise
Pour l’homme de la rue, la reprise économique naissante ne se traduit pas par la création de nouveaux emplois, ni par une amélioration des revenus. Les participants au Forum économique de Davos (WEF) craignent le tic-tac de la véritable bombe à retardement que représente le chômage.
L’an dernier, cinq millions de personnes supplémentaires sont venues rejoindre les rangs des chômeurs, qui sont désormais 202 millions à l’échelle mondiale. Dans le même temps, la prospérité ne profite qu’à quelques-uns. L’ONG Oxfam a ainsi calculé que la fortune des 85 personnes les plus riches équivalait à celle de la moitié de la population mondiale.
Le Rapport sur les risques globaux du WEF avait déjà évoqué ce fossé qui se creuse entre nantis et démunis. Mais si les délégués aisés présents à Davos ont reconnu le problème, ils sont moins enthousiastes à y trouver une solution, selon Philip Jennings, secrétaire général de la fédération syndicale internationale, UNI Global Union, qui a son siège à Genève.
«Les bénéfices de la reprise économique ne sont pas répartis; ils gravitent autour de l’élite. Les hommes d’affaires ne vont pas ouvrir volontairement leur portemonnaie», estime le syndicaliste.
Une reprise économique durable ne peut se baser que sur une demande des consommateurs stimulée par une amélioration des revenus accordés par les conseils d’administration. Pour y parvenir, le monde des affaires et les gouvernements doivent collaborer pour que plus de gens aient un travail, déclare Philip Jennings.
«Cancer de la société»
Avec quelque 74,5 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans actuellement sans travail, le chômage des jeunes est particulièrement préoccupant, selon l’Organisation internationale du travail (OIT).
«Toute une génération qui n’atteint pas son potentiel constitue un énorme gaspillage qui aura un impact sur l’avenir économique, écrit son directeur général Guy Ryder sur le site du WEF. Dans certains pays, il est possible que cela mène à une augmentation des troubles sociaux qui pourraient déborder dans l’arène politique.»
Le président de la Confédération a pour sa part déclaré aux délégués que le chômage était un «cancer de la société». «Les coûts humains et sociaux sont dramatiques», a constaté Didier Burkhalter, mercredi dans son discours d’ouverture.
Selon l’Organisation international du travail. 202 millions de personnes étaient sans emploi l’an dernier, soit 5 millions de plus qu’en 2012.
Si le climat actuel se poursuit, le BIT estime que le nombre de chômeurs atteindra 215 millions d’ici 2018.
Le phénomène touche durement les jeunes. Selon un rapport que le BIT a publié en janvier, quelque 74,5 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans sont sans travail, soit plus d’un million de plus que l’année précédente.
Au niveau mondial, 13,1% des jeunes sont sans travail. Mais cette part varie fortement selon les pays, allant de 57% en Espagne à 6% en Suisse.
Le BIT estime que si les pays de l’OCDE doublaient les crédits destinés à financer des mesures actives pour favoriser la création d’emplois (par exemple le renforcement des programmes d’apprentissage), cela permettrait de créer quelque 3,9 millions d’emplois supplémentaires au cours des deux prochaines années.
L’apprentissage comme solution
Didier Burkhalter a présenté le système suisse d’apprentissage comme solution possible au chômage des jeunes. Des experts suisses conseillent déjà l’Inde et la Birmanie pour la mise en place d’un système similaire et la Suisse accueillera en septembre une réunion internationale ayant pour thème la formation professionnelle.
Mais un tel système ne peut pas fonctionner dans de nombreux pays, avertit Klaus Kleinfeld, président directeur général du géant américain de l’aluminium Alcoa. «Le modèle de l’apprentissage a fonctionné extrêmement bien dans certains pays, mais il tire ses origines du système des corporations, vieux de 500 ans, a-t-il expliqué. Si vous tentez de le transposer aux Etats-Unis, vous serez alors confronté au fait que nous n’avons pas cette tradition et qu’elle n’a pas le soutien du public. Adapter un tel système à une autre région est beaucoup plus compliqué que ce qu’on pourrait penser au premier abord.»
Klaus Kleinfeld est donc d’avis que des modèles alternatifs de partenariat entre le monde économique, les écoles et les pouvoirs publics locaux pourraient également être mis en place pour stimuler le marché de l’emploi dans différents pays.
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Les leaders dans l’oeil de l’objectif
Trop éduqués?
Un autre obstacle à la diminution du chômage provient du fait que trop de diplômés universitaires veulent entrer sur le marché du travail sans avoir les compétences recherchées par les entreprises.
Dans le cadre de l’Open Forum – une série de sessions tenues à l’extérieur du Centre des congrès et ouvertes au public – on a pu entendre le témoignage de l’Américain Zach Sims, qui a quitté l’université Columbia pour créer, en 2011, Codeacademy, un site Internet qui enseigne le langage de programmation des logiciels.
Pour cet entrepreneur, les 200’000 dollars (185’000 francs) nécessaires pour financer une formation de quatre ans dans les universités américaines présentent un «faible retour sur investissement», étant donné qu’une fois leur diplôme en poche, la moitié des étudiants ne trouvent pas de travail ou en prennent un qui n’aurait pas nécessité de diplôme.
«Nous voyons des diplômes qui ne valent même pas le papier sur lequel ils sont imprimés, a a-t-il déclaré. La plus grande partie de ce qui est enseigné n’est pas pertinent. L’éducation a toujours du retard par rapport aux besoins des employeurs. Il faut que les gens apprennent les choses dont ils ont besoin d’une autre manière.»
Le décalage entre les employeurs et la main d’œuvre émergente peut aller dans les deux sens, a pour sa part souligné Muhtar Kend, président directeur général de Coca-Cola. Alors que les employeurs luttent pour trouver les bonnes compétences, des jeunes gens recherchent des places de travail différentes de celles offertes par de nombreuses entreprises.
«La définition du travail va changer dans le monde occidental, prédit le patron de Coca-Cola. Dans le monde d’aujourd’hui, vous n’avez pas besoin de vous lever et d’aller sur le lieu de travail pour créer de la valeur. Beaucoup de travail peut être accompli depuis la maison. Nous devons mieux tirer profit de la technologie et des réseaux sociaux.»
(Traduction de l’anglais: Olivier Pauchard)
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