Les riches Allemands attendent un accord fiscal
Les Allemands détenant des avoirs non déclarés en Suisse comptent sur la conclusion d’ici la fin du mois d’un accord de double imposition afin d’échapper aux sanctions. L'anonymat leur serait garanti à condition qu’ils paient les impôts dus.
De nombreux titulaires de comptes en Suisse ont des sueurs froides depuis que les autorités allemandes ont acheté des données bancaires volées. Récemment, la ville de Münster a déboursé 2,03 millions de francs pour un CD contenant environ 200 noms de clients.
Sur la base de ce type d’informations, les autorités allemandes ont procédé à une perquisition des bureaux de Credit Suisse en mars dernier.
Cette pratique controversée a été inaugurée en 2008 avec le Liechtenstein: la principauté avait été forcée de transmettre des informations à l’Allemagne et à la Grande-Bretagne, a qui des données avaient été communiquées.
La Suisse négocie depuis plusieurs mois une convention de double imposition avec l’Allemagne. La première s’engagerait à remettre à la seconde les informations requises par les réglementations internationales sans avoir à se plier à un échange automatique d’information.
«Coûteux mais attrayant»
Certains points de l’accord ont déjà été ébruités par la presse, notamment sur la question des avoirs non déclarés détenus par les banques suisses.
Ainsi, les banques suisses se proposent de calculer les gains réalisés par les comptes secrets durant les dix dernières années et d’en restituer les 35% au fisc allemand.
En outre, les banques devraient introduire une retenue de 25% sur les futurs bénéfices des clients concernés. Le tout à condition que les données de ceux-ci demeurent confidentielles et que l’Allemagne s’engage à ne pas utiliser des données volées pour demander l’intervention de la Suisse en cas de fraude fiscale.
«La plupart des Allemands détenteurs de comptes non déclarés devraient être satisfaits de cette solution, indique l’expert fiscal Toni Ammon. Ce n’est pas une solution bon marché mais je pense qu’elle devrait convaincre ceux qui souhaitent se mettre en règle sans perdre leur anonymat.»
L’avantage de demeurer anonyme leur permet entre autres d’éviter de figurer sur la liste noire du fisc allemand et, donc, de diminuer le risque de voir les contrôles se multiplier, précise l’expert.
Peser le pour et le contre
Resterait aux personnes concernées à calculer le coût impliqué par un tel accord et de le comparer avec les risques encourus s’ils ne s’y plient pas.
Actuellement, tout détenteur allemand d’un compte secret qui se dénonce doit payer des impôts avec intérêts pour les dix dernières années, selon la filiale allemande du cabinet international Allen & Overy.
Un taux de 25% sur les gains a été imposé pour 2009 mais auparavant, ceux-ci étaient soumis à un impôt sur le revenu de 45%. En outre, si les fonds investis n’étaient pas déclarés, ils seraient soumis à des taxes supplémentaires, comme la TVA.
Un citoyen allemand qui soustrait de l’argent au fisc de son pays et se fait prendre risque jusqu’à dix ans de prison.
Alors que les banques suisses espèrent que la signature d’une convention de double imposition permettra de normaliser leurs activités avec des clients allemands, certains craignent un exode de ces avoirs vers d’autres pays.
Ça passe ou ça casse
De son côté, Robert Waldburger, expert fiscal de l’Université de Saint-Gall, estime que ce risque ne pourra être évalué que lorsqu’on connaîtra le nombre d’Allemands devant payer des impôts rétroactivement.
«Il y a un risque que des clients concernés quittent la Suisse avec leurs avoirs pour éviter de payer ces arriérés d’impôts. Tout dépend de la somme finale.»
«Un tel accord permettrait aux clients de se mettre à jour sans avoir à révéler leur identité ou d’autres détails. A chacun de décider combien il est prêt à payer pour cela», ajoute l’expert.
Pour Toni Ammon, il ne faut pas minimiser la crainte d’être découvert. «La plupart des gens qui ouvrent un compte secret commencent à se méfier et à avoir des problèmes. Si un compromis peut être trouvé, cela ne peut que les soulager.»
«Nous sommes convaincus que ce système d’impôt à la source est efficace et correct pour les deux parties», conclut-il.
Le secret bancaire a été ancré dans la loi suisse en 1934.
Durant ces derniers 18 mois, la Suisse a été maintes fois accusée de favoriser l’évasion fiscale.
L’OCDE a mis la Suisse sur la «liste grise» des paradis fiscaux en avril 2009.
Elle en a été tracée en septembre, après avoir renégocié plus de 12 conventions de double imposition mais en refusant tout transfert automatique d’informations bancaires sans la preuve d’un crime avéré.
Plusieurs pays, dont l’Italie, la France, la Grande-Bretagne et les USA ont proposé des amnisties fiscales afin de rapatrier des fonds soustraits au fisc.
Le cas le plus grave a touché UBS, condamné en février 2009 à une amende de 780 millions de dollars pour avoir aider des clients américains à se soustraire au fisc. La banque a également été forcée de transmettre les données de 285 détenteurs de comptes.
En septembre, le gouvernement suisse a accepté de transmettre au fisc américain les données de 4450 clients d’UBS – en violation du secret bancaire – pour éviter un procès ruineux à UBS.
Plusieurs CD contenant des données bancaires volées ont été achetés par les autorités allemandes.
La Suisse et l’Allemagne devraient conclure d’ici à fin octobre un accord créant un impôt à la source sur les avoirs des clients allemands des banques suisses.
(Traduction de l’anglais: Isabelle Eichenberger)
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