Moins de pauvreté grâce aussi à la bonne conjoncture
En Suisse il y a environ 360'000 pauvres, dont un tiers de «working poor», des personnes qui travaillent sans pour autant dépasser le seuil de pauvreté.
Ces chiffres sont en diminution, grâce à l’excellente conjoncture économique… mais aussi en raison d’une nouvelle méthode de calcul. Ils sont donc à relativiser.
En Suisse, on peut travailler beaucoup et ne pas arriver à joindre les deux bouts à la fin du mois. C’est ce que montre la statistique établie pour les personnes âgées de 20 à 59 ans et publiée lundi par l’Office fédéral de la statistique (OFS).
Ces chiffres indiquent une baisse de 4,5% à 4,2% en une année du nombre de travailleurs pauvres. Ces données devraient encore baisser car elles réagissent généralement avec un temps de retard à la conjoncture et, de plus, l’année 2006, excellente sur le plan économique, n’est pas incluse dans la statistique.
Nouvelle méthode de calcul
Toutefois, en 2005, on dénombrait encore 125’000 «working poors», soit plus d’un travailleur sur 14: les familles monoparentales et nombreuses en représentent une bonne part, tout comme les étrangers et les personnes sans formation.
La baisse observée entre 2004 et 2005 correspond à une évolution à plus long terme: «entre 2000 et 2005, le taux de pauvreté est passé de 9,1% à 8,5% et celui des working poors de 5% à 4,2%», relève l’OFS.
Le chiffre de 125’000 travailleurs pauvres «ne peut pas être comparé à celui publié les années précédentes, car les méthodes de calcul ont changé et ont été améliorées, a précisé Eric Crettaz, de l’OFS.
L’Office a en effet adapté ses calculs aux nouvelles normes émises par la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS).
Entre chiffres et réalité
Pour Michel Cornu, chef du service social de la ville de Lausanne, cela ne veut pas dire que le nombre de pauvre a vraiment reculé. «Ce qui a baissé, c’est le taux de pauvreté, autrement dit le nombre de personnes pauvres exprimé en pourcent de la population active.»
«L’OFS a une définition très précise qui ne tient pas compte des gens qui travaillent sur appel ou à temps partiel sans l’avoir choisi», ajoute Michel Cornu.
De son côté, Caritas avait publié l’année dernière sa propre enquête, qui concluait que le nombre de pauvres atteignait un million de personnes. Ce chiffre nettement plus important s’explique du fait que l’œuvre d’entraide y incluait également les enfants et les retraités.
Et les frais dentaires ou scolaires?
Jürg Krummenacher, directeur de Caritas Suisse, critique le changement de mode de calcul adopté par l’OFS. «Les chiffres sur les pauvres en 2005 sont inférieurs de quelque 40% à ceux publiés par le même office pour 2004», déplore-t-il.
Walter Schmid, président de la CSIAS, indique qu’il s’agit d’un calcul «relatif» du seuil de pauvreté, qui ne tient pas compte par exemple des frais dentaires ou scolaires.
Pour M. Schmid, la bonne conjoncture ne suffit pas pour améliorer la situation de tous. Il faut, par exemple, offrir des améliorations structurelles aux familles monoparentales, car une simple augmentation des emplois ne suffit pas.
Augmentation de l’aide sociale
Le taux de travailleurs pauvres varie dans le même sens que le taux de sans-emploi, mais avec un décalage pouvant aller jusqu’à trois ans de retard.
Le lien entre les deux taux serait dû au fait que la hausse du chômage s’accompagne d’un développement des emplois précaires, comme l’a montré une ancienne étude du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco).
Or, la précarité est un facteur d’appauvrissement des travailleurs.
Sur la Radio Suisse romande, Michel Cornu a relevé lundi que «les services sociaux des grandes villes de suisses constatent une forte augmentation du nombre de personnes qui doivent demander l’aide sociale (+54% à Lausanne entre 2000-2005).
Et d’expliquer que «l’augmentation des emplois offerts par l’embellie économique ne sont pas ceux que les plus pauvres qui n’ont pas forcément la formation nécessaire, toujours plus exigeante.
swissinfo et les agences
Selon la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS), le seuil statistique de pauvreté se monte à 2200 francs par mois pour les personnes seules et à 3800 francs pour les ménages monoparentaux avec deux enfants de moins de 16 ans. Il est de 4600 francs pour les couples avec deux enfants.
Ces valeurs moyennes nationales recouvrent le loyer, la prime d’assurance-maladie, un forfait pour l’entretien et 100 francs par membre du ménage ayant 16 ans révolus.
Les «working poor» sont les personnes qui, malgré leur emploi, ne parviennent pas à obtenir un revenu suffisant.
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