«Nous ne devons pas laisser le peuple iranien seul»
Des parlementaires suisses ont parrainé des personnes condamnées à mort dans le cadre du mouvement de contestation en Iran. Cette action vise à attirer l’attention et à inciter le gouvernement helvétique à clarifier sa position.
«Nous devons attirer l’attention sur ces violations des droits humains et donner une voix à ces personnes», déclare Sibel Arslan, conseillère nationale verte. Elle est la «marraine politique» de l’acteur Hossein Mohammadi, condamné à mort pour «corruption sur terre». Plusieurs personnes ont récemment été condamnées à mort en Iran, à l’issue de procès expéditifs, menés sans la présence d’avocats. Des actes fortement critiqués au niveau international que les ONG et activistes des droits humains qualifient de «parodies de procès».
Afin d’attirer l’attention sur le sort de ces personnes, plusieurs parlementaires suisses, tous partis confondus, ont entrepris des parrainages politiques. Lilian Studer, conseillère nationale et présidente du Parti évangélique suisse, en fait partie. Elle est la marraine d’Amir Hossein Rahimi, un jeune de 15 ans, blessé lors d’une manifestation et qui a passé deux mois en prison. L’attention médiatique a permis sa libération sous caution, mais accusé de «guerre contre Dieu», il risque encore la peine de mort. «Il est maintenant important de maintenir cette pression», estime Lilian Studer.
La pression internationale sur l’Iran se reflète également à l’ONU. Le pays a été expulsé la semaine dernière de la Commission de la condition de la femme des Nations unies. À Genève, le Conseil des droits de l’homme s’est prononcé à une large majorité en faveur d’une investigation internationale indépendante sur les violences commises par Téhéran. Jusqu’à présent, 460 personnes ont été tuées, dont plus de 60 mineurs, selon les données de l’ONG Iran Human Rights.
Une campagne internationale
Les deux conseillères nationales font partie des membres fondateurs du groupe parlementaire Free Iran. Plus de 50 politiciennes et politiciens représentant l’ensemble de l’échiquier politique en sont aujourd’hui membres.
Plusieurs parlementaires du Bundestag en Allemagne avaient avant cela accepté des parrainages similaires. Selon l’historien Kijan Espahangizi, d’autres pays suivront. Il fait partie de la plateforme indépendante Free Iran Switzerland, qui organise des actions de solidarité avec le mouvement démocratique iranien et est en contact avec la diaspora du pays en Allemagne. «Les parrainages sont enregistrés en Iran, les personnes voient exactement qui sont les gens qui se solidarisent avec elles», explique Kijan Espahangizi.
Selon lui, la violence étatique et les exécutions témoignent de la faillite morale du régime iranien. Comme d’autres spécialistes, il est convaincu que le régime est dépassé et que la majorité de la population souhaite un changement de système. «Parler de dialogue maintenant, c’est passer à côté de la réalité. Il est temps d’opérer un tournant dans la politique iranienne», déclare-t-il.
Kijan Espahangizi plaide pour que la Suisse reprenne intégralement les sanctions de l’Union européenne. Il est convaincu que cela ne mettrait pas en péril le mandat de puissance protectrice de la Suisse, par lequel Berne entretient le seul canal de communication officiel entre Washington et Téhéran. «L’Iran a intérêt à ce que ce canal soit maintenu», estime-t-il.
Faut-il adopter des sanctions?
Ce mandat est au cœur des relations bilatérales entre la Suisse et l’Iran. La secrétaire d’État Livia Leu a récemment clarifié la position officielle de Berne dans une interview accordée à la SonntagszeitungLien externe: «Nous ne participons pas aux sanctions qui pourraient compromettre notre dialogue ouvert et critique avec les autorités». Cette activité de médiation internationale est particulièrement importante en ce moment. Berne souligne toujours qu’œuvrer de façon confidentielle permet d’obtenir davantage en matière de droits humains.
La conseillère nationale PLR Doris Fiala a parrainé Shayan Charani, accusé, sans procès équitable, du meurtre d’un milicien bassidji. Elle salue le fait que la Suisse ait déjà repris certaines sanctions de l’UE en rapport avec la production de drones iraniens livrés à la Russie. «Si je décidais avec mon cœur, je reprendrais toutes les sanctions de l’UE. Mais je pense que la cause est mieux servie si nous exerçons une influence via les canaux que notre mandat nous procure», déclare Doris Fiala. Dans ce rôle particulier, la Suisse pourrait faire jouer ses bons offices et, comme par le passé, éviter le pire pour certaines personnes.
Selon Lilian Studer du Parti évangélique suisse, les relations avec l’Iran ont toujours été difficiles. «Notre parti a toujours attiré l’attention sur le sort des personnes iraniennes demandant l’asile. La situation dans le pays est précaire depuis longtemps», déclare-t-elle. La sévérité avec laquelle les manifestations sont désormais réprimées l’a néanmoins surprise. Elle concède qu’il est important de maintenir le dialogue et d’entretenir la confiance. «Mais en raison de cette violence excessive, il est temps de parler clairement», ajoute-t-elle.
La verte Sibel Arslan évoque une fausse tolérance: «Nous perdons notre crédibilité si, après tout ce qui s’est passé, nous maintenons le statu quo». Selon elle, il faudrait adopter des sanctions et, au stade actuel, remettre en question le mandat de puissance protectrice de Berne ou envisager de le suspendre. Faisant référence à la tradition humanitaire du pays, Sibel Arslan estime que la Suisse a des obligations: «Nous ne devons pas laisser les gens seuls».
Texte traduit de l’allemand par Dorian Burkhalter
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