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Pas de crise, mais encore des remous en vue

Les quelque 450 employés du producteur de cellulose Borregaard à Soleure apprennent que leur usine va fermer ses portes (2008). Keystone

Economie mondiale vacillante, crise de la dette, contentieux fiscal, franc fort: les entreprises suisses devront affronter cette année encore des vents contraires. Quelles en seront les répercussions sur l’emploi? Les avis des spécialistes divergent.

En 2012, près de 10’000 suppressions d’emploi ont été annoncées en Suisse, principalement suite à des restructurations menées par de grandes entreprises. Avec 2500 postes de travail à la trappe, UBS a été responsable à elle seule du quart de ces coupes. Dans le même temps, ces pertes ont été compensées par la vigueur de l’économie suisse, qui a continué à créer de nombreux postes de travail. Le taux de chômage s’est ainsi stabilisé à un niveau extrêmement bas, passant de 2,8 en 2011 à 2,9% sur l’ensemble de l’année 2012.

Pour le professeur Yves Flückiger, de l’université de Genève, qui s’est exprimé en fin d’année dernière dans les colonnes du magazine L’Hebdo, si la Suisse a pu préserver jusqu’ici cette situation favorable, c’est grâce à la très grande diversité de ses débouchés et surtout à des gains de productivité conséquents qui ont permis d’absorber la cherté du franc par une réduction des coûts unitaires de production. Cependant, l’économie suisse se trouve à un tournant, estime le professeur: «Les réserves sont désormais quasiment épuisées et, à moins que l’économie mondiale ne se redresse dans les prochains mois, on devrait voir davantage de licenciements collectifs l’an prochain.»

Une vague de licenciements collectifs a déjà été observée à l’automne, parallèlement à l’annonce des résultats du 3e trimestre des sociétés cotées en bourse. «Ces restructurations sont évidemment un message adressé aux investisseurs», affirme le consultant économique Klaus J.Stöhlker. Mais les firmes pourraient aussi avoir agi par opportunisme, profitant de «dégraisser» en même temps que les autres dans l’espoir de ne pas focaliser trop longtemps  l’attention médiatique, soutient-il.

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«Les PME en crise»

Klaus J.Stöhlker est l’un des conseillers en affaires et en communication les plus réputés du pays. Pour lui, 2012 n’a été qu’un avant-goût de ce qui attend les salariés suisses en 2013. Il appuie ses dires sur les nombreux contacts qu’il entretient avec des dirigeants d’entreprise. Il s’attend à des restructurations et à l’externalisation de certains services, notamment dans le domaine des technologies de l’information (IT). De nombreux emplois devraient ainsi être délocalisés en l’Europe de l’est, notamment en Pologne et en Bulgarie.

Mais Klaus J.Stöhlker est également préoccupé par la situation des petites et moyennes entreprises (PME): «La crise au sein des PME est bien plus grave qu’elles ne le laissent transparaître à l’extérieur. Beaucoup d’entre elles sont au bord de la faillite. Cette crise a jusqu’ici été complètement négligée!»

Si l’économie européenne continue de vaciller, cela se répercutera sur les exportations suisses, qui sont acheminées pour près de 60% au sein de l’Union européenne. Les fournisseurs de l’industrie automobile, une branche qui emploie 60’000 personnes en Suisse, sont les plus exposés, d’après Klaus J.Stöhlker.   

Divers instituts et entités de recherche conjoncturelle réalisent chaque année des prévisions quant à la croissance du Produit intérieur brut (PIB) et du taux de chômage en Suisse. A titre de comparaison, les chiffres de 2012 se montaient respectivement à +1% pour le PIB et 2,9% pour le taux de chômage.

SECO (Confédération): +1,3% et 3,3%

KOF (école polytechnique de Zurich): +1,2% et 3,2%

BAK Basel (institut privé): +1,5% et 3,0%

Credit Suisse (banque): +1,5% et 3,0%

UBS (banque): +0,9% et 3,2%

Economiesuisse (association patronale): +0,6% et 3,3%

OCDE (international): +1,1% et 4,1%

Consommation privée: +1,3% (moyenne de toutes les prévisions); 2012 +2,1%

Indice des prix à la consommation: +0,4% (moyenne de toutes les prévisions)

2012: -0,7%

«Une situation de plein-emploi»

Hans-Ulrich Bigler, directeur de l’Union suisse des arts et métiers (USAM), ne croit pas à cette crise des PME suisses, qui représentent 99,7% de l’ensemble des sociétés suisses. Il s’attend même à une croissance du PIB supérieure à celle de l’an dernier, l’évaluant entre 1,2 et 1,5%. En 2012, le produit intérieur brut avait cru de 1%. «Nous sommes dans une situation de plein-emploi, l’ambiance est fondamentalement bonne au sein des PME».

Certaines firmes connaissent certes des difficultés et sont parfois contraintes de mettre la clé sous la porte. «Mais on ne peut pas parler de crise en s’appuyant sur quelques cas particuliers. En période de récession, les PME suppriment par ailleurs proportionnellement moins d’emplois que les grandes entreprises», poursuit le directeur de l’USAM.

«Elles préfèrent conserver leur personnel spécialisé pour maintenir une certaine flexibilité. Ainsi, à l’heure de la reprise, elles peuvent rapidement produire à nouveau à plein régime». En période de difficultés économiques, les PME agissent comme des amortisseurs conjoncturels, soutient Hans-Ulrich Bigler.

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Légère hausse du chômage

Directeur de l’Union patronale suisse (UPS), Thomas Daum estime que 2012 a plutôt été une bonne année sur le plan de l’emploi. Il ne s’attend pas à une évolution dramatique pour 2013. «Il est normal qu’un marché du travail avec 4,5 millions d’actifs soit constamment en mouvement. Il faudra se garder, en cas de licenciements collectifs – et il y en aura très probablement –, d’en conclure à une dégradation générale».

Tout comme le Secrétariat d’état à l’Economie (SECO), Thomas Daum s’attend à une légère hausse du taux de chômage en 2013. Le SECO anticipe un taux de 3,3% sur l’ensemble de l’année, contre 2,9% en 2012. Mais malgré cet optimisme prudent, le directeur de l’UPS estime que le système économique dans son entier se trouve encore dans un «état très instable». Les mots-clés sont toujours les mêmes: crise de l’euro et de la dette, craintes de récession et franc fort, même si ce dernier s’est quelque peu affaibli depuis le début de l’année.

D’après Thomas Daum, les secteurs qui courent le plus de risques sont l’industrie d’exportation et le tourisme, alors que des conditions plus stables prévaudront sur le marché intérieur.

Industrie sous pression

Du côté des syndicats, le discours n’est pas très différent. Economiste en chef de l’Union syndicale suisse (USS), Daniel Lampart s’attend surtout à des suppressions d’emploi dans le secteur des machines, de l’imprimerie, du textile et de la métallurgie. Le secteur financier, l’informatique et l’hôtellerie ne seront pas non plus épargnés. Il s’agira en partie de mises en œuvre de mesures déjà annoncées.

Dans la construction, «la création de postes de travail pourrait s’essouffler. Le commerce de détail n’embauchera que prudemment du personnel», poursuit-il.

La consommation intérieure restera le principal moteur de l’économie suisse. Reste que l’avenir de nombreuses places de travail dépendra de comment et avec quelle rapidité les pays européens reprendront le contrôle de leur économie et de la crise des dettes souveraines.

(Adaptation de l’allemand: Samuel Jaberg)

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