Revirement de Novartis: satisfaction perplexe
La presse de mercredi salue la décision de Novartis de ne pas fermer son usine de Prangins, dans le canton de Vaud. Pour les commentateurs, un tel revirement montre que la résistance des employés peut être efficace. Mais aussi le chantage des entreprises…
Dans leurs titres et commentaires, les journalistes ne font pas mystère de leur satisfaction de voir le géant pharmaceutique renoncer à couper des emplois en Suisse.
Pour le journal régional vaudois La Côte, cette décision est «historique»; c’est «une victoire sur toute la ligne». Encore plus lyrique, le quotidien populaire romand Le Matin estime qu’il s’agit de «la victoire éclatante de l’intelligence collective sur la brutalité d’une décision prises un jour d’octobre dans les locaux américains de Novartis».
Le journal romand des affaires L’Agefi se distingue cependant en estimant que «le maintien du site n’est pas forcément une bonne nouvelle. Elle fait penser à la brasserie Cardinal à Fribourg. La mobilisation citoyenne de 1996-1998 avait fait reculer la direction suisse, qui s’était même résolue à réinvestir sur le site industriel. Douze ans plus tard, la cessation définitive d’activité permettait à la ville et au canton de reprendre le site pour en faire un parc technologique.»
La mobilisation compte
Les commentateurs sont d’avis que le revirement de Novartis tient notamment à la forte mobilisation tant des employés du groupe que des pouvoirs publics.
Une mobilisation d’autant plus forte que l’annonce des licenciements avait été très mal accueillie, comme le rappelle le quotidien populaire alémanique Blick: «Le démantèlement à grande échelle prévu par Norvartis dans ses usines rentables de Nyon et de Bâle était un peu comme un remède de cheval contre une maladie qui n’existe pas du tout. En effet, Novartis a engrangé des milliards de francs de bénéfices malgré la force du franc, le marché de la pharma croît malgré la pression sur le prix et aucun groupe suisse ne paye mieux ses managers.»
«Cette victoire n’est pas seulement celle de Prangins, relève Le Matin. C’est aussi un coup de semonce que les citoyens envoient à tous les conseils d’administration qui persistent à penser que quelques dividendes de plus valent bien 320 employés de moins.»
«En s’entêtant, Novartis s’exposait aussi à une rapide détérioration de son image, alors qu’il représente une industrie sensible. Dans ce petit jardin qu’est la Suisse, les groupes pharmaceutiques bénéficient aussi d’une grande bienveillance dans le domaine délicat du prix des médicaments, généralement plus élevé que chez nos voisins. Cela aussi, Novartis ne pouvait l’ignorer», note enfin la Tribune de Genève.
Un fâcheux précédant
Malgré leur satisfaction, les commentateurs restent très critiques. Ils considèrent que le cas de Prangins peut aussi faire figure de fâcheux précédent, car il montre que les entreprises peuvent se livrer avec succès à un chantage aux emplois.
C’est ainsi, par exemple, que la Basler Zeitung note que: «Pour les entreprises, cela signifie qu’une annonce drastique peut tout à coup, selon la disponibilité et les possibilités du canton où elles sont localisées, déboucher sur de meilleures conditions cadres».
Cette thèse est reprise notamment par L’Agefi, mais dans des termes encore plus durs: «Il y a enfin l’hypothèse plus cynique encore d’une direction suisse qui aurait d’abord annoncé la délocalisation pour obtenir ensuite, rapidement, dans la fierté et la bonne humeur, ce qu’elle annonçait hier: diminution des salaires, augmentation du temps de travail, allègement des impôts cantonaux. C’est difficile à croire, mais il ne faudra pas s’étonner (ni approuver) que ce genre de scénario inspire des entreprises bien plus modestes.»
Dans de telles conditions, plusieurs journaux se posent des questions quant à l’avenir. Notamment Le Temps qui se demande: «Mais que feront les autorités lorsque de petites et moyennes entreprises frapperont à la porte pour demander, au nom de la réglementation appliquée au géant bâlois, un allègement fiscal sous prétexte qu’elles renoncent à supprimer des emplois ou à délocaliser?»
Et le grand quotidien romand de conclure, un peu pessimiste: «Qu’il le veuille ou non, le gouvernement vaudois est entré dans une logique de chantage déguisé qui pourrait le dépasser.»
Le groupe Novartis a annoncé mardi qu’il renonce à fermer son site de Prangins, dans le canton de Vaud, et à y biffer 320 emplois.
Mieux, le groupe va effectuer des investissements à Prangins, afin de moderniser le site au cours des prochaines années. Aucun montant n’a été avancé.
Mais Novartis a obtenu des compensations.
Le personnel de Prangins renonce partiellement aux augmentations de salaire et quelque 160 collaborateurs qui bénéficiaient d’une semaine de travail à 37,5 heures passent à 40 heures.
De son côté, le canton de Vaud a annoncé que Novartis bénéficierait d’une réduction fiscale temporaire et qu’une parcelle de 21’000 mètres carrés que le groupe détient à Prangins serait réaffecté, afin de construire des logements.
A Bâle, Novartis reconsidère à la baisse les 760 licenciements prévus. Le groupe pharmaceutique espère trouver un autre poste au sein de la société à un tiers des collaborateurs touchés et compte mettre un autre tiers à la retraite anticipée.
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