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La presse salue un avenir aussi radieux qu’incertain

Encore une victoire pour Doris Leuthard. Depuis qu'elle est au gouvernement, l'Argovienne a gagné sur 13 des 15 dossiers qu'elle a défendu devant le peuple. Keystone

La majorité des éditorialistes suisses saluent ce matin le oui des citoyens à la sortie du nucléaire, même si la nouvelle stratégie énergétique peut prendre des allures de grand saut dans l’inconnu.

Vote «historique», comme l’ont clamé dimanche soir les vainqueurs, et comme le rapportent le ‘Bund’ de Berne et le ‘Tages-Anzeiger’ de Zurich. «Six ans après Fukushima, on voit enfin clairement comment doit se dérouler la sortie de l’atome. Et la distance temporelle avec la catastrophe japonaise fait de ce verdict une décision mûrement réfléchie».

Un verdict qui doit beaucoup, selon les deux quotidiens, au travail préparatoire du Parlement. «Ce n’est qu’avec les années de négociations que l’on a pu concrétiser la décision-réflexe prise en 2011. Et c’est parce que tous les camps ont consenti à des compromis que l’on a pu arriver à un projet capable de réunir une majorité».

‘La Tribune de Genève’ et ‘24 heures’ saluent également une «politique des petits pas», qui «n’a jamais si bien porté son nom».

«La majorité des citoyens a admis que nous vivons aux frais des générations futures, écrit le ‘Blick’. Bien que les technologies durables soient depuis longtemps commercialisables, nous laissons des montagnes de déchets radioactifs et nous brûlons à toute vitesse les réserves d’hydrocarbures de la planète».

«Pour une fois, poursuit le tabloïd alémanique, il n’y a pas eu sur cette question de différence entre le peuple et les élites, pas de méfiance à l’égard des décideurs. Et la raison en porte un nom: Doris LeuthardLien externe. C’est clairement sa victoire».

La douche froide est pour l’UDC

La presse est d’ailleurs unanime à saluer le courage et la crédibilité de la populaire ministre de l’Environnement et de l’Energie, qui avait porté la décision de la sortie du nucléaire en 2011, comme elle a porté la campagne en faveur de cette Stratégie énergétique 2050.

A contrario, les commentateurs sont nombreux à fustiger la campagne axée sur la peur qu’ont menée les opposants, UDC (doite nationaliste) en tête.

«La raison l’a emporté sur la peur», estime ‘Le Temps’, qui parle des «sottes menaces, proférées par l’UDC, de devoir payer 3200 francs de plus par année, se doucher à l’eau froide ou rationner sa consommation de bananes. La population suisse ne s’est pas laissé duper».

‘La Regione Ticino’ et ‘La Liberté’ sont parmi ceux qui notent fort opportunément que «c’est l’UDC qui a pris la douche froide qu’elle promettait au peuple». Pour le quotidien tessinois, ce résultat marque «une nouvelle défaite du parti et de son président Albert Rösti, qui n’ont jamais gagné une votation fédérale dans cette législature». Pour le Fribourgeois, «ses estimations farfelues quant au coût réel de la réforme ne constituaient qu’un écran de fumée visant à masquer l’absence de solutions alternatives sérieuses».

Toujours sur le thème de la douche froide, dont les opposants avaient fait le sujet d’une affiche évoquant un peu la fameuse scène d’horreur du ‘Psycho’ d’Hitchcock, la ‘Südostschweiz’ note que peu de temps après la défaite de la IIIe Réforme de la fiscalité des entreprises, «une nouvelle campagne basée sur la peur a tourné à vide. Car les Suisses sont un peuple optimiste. Ils croient que les progrès techniques pourront répondre dans les décennies à venir à quelques-unes des questions qui restent ouvertes. Ou plus simplement, qu’ils pourront encore à l’avenir continuer à prendre des douches chaudes».

Optimisme pour le ‘Blick’ également, qui relève que «normalement, les citoyens qui ne voient pas clairement les conséquences d’une décision votent non. Et cette fois, l’estimation était vraiment difficile: personne ne sait à quoi ressemblera le marché de l’énergie en 2050. Personne ne sait combien coûtera alors l’énergie propre».

Tout reste à faire

Nombre de commentateurs partagent ce type d’inquiétudes face à l’avenir. Pour ‘Le Temps’, par exemple, la Stratégie énergétique 2050 fixe certes «un cadre global pour l’approvisionnement énergétique futur du pays. Mais elle n’est pas parfaite. Ni complète. Tout (ou presque) est à construire».

Au Tessin, le ‘Giornale del Popolo’ avertit également que «face à la satisfaction générale qu’affiche la Suisse pour son tournant énergétique, le citoyen peut légitimement s’inquiéter du fait que personne aujourd’hui ne sait exactement comment avancer, comment concrétiser dans les faits et dans les chiffres ce qui vient de se décider dans les urnes».

«Il faut maintenant écrire le prochain chapitre, celui des énergies renouvelables, notent ‘La Tribune de Genève’ et ‘24 heures’. Si personne ne croit à une Suisse piquetée d’éoliennes, l’opposition systématique aux rotors ne peut plus être la règle. Même chose pour l’efficience énergétique, qui doit diminuer par deux notre consommation d’énergie. Aux propriétaires de profiter du coup de pouce financier de la Confédération».

Pour ‘La Liberté’ aussi, «les énergies renouvelables sont appelées à monter en puissance alors qu’elles ne font aujourd’hui que saupoudrer de vert notre ‘mix’ énergétique». Mais «pour assurer son approvisionnement, y compris en hiver, la Suisse risque de devoir importer du courant ‘sale’ (nucléaire, gaz) tant qu’elle n’aura pas résolu ses problèmes de stockage. Enfin, Doris Leuthard devra arbitrer les appétits financiers des producteurs, et les propriétaires de barrages manifestent déjà un appétit vorace».

Cette course annoncée aux subventions et aux aides diverses fâche la ‘Neue Zürcher Zeitung’, qui signe une des seuls commentaires clairement chagrins au lendemain du vote. Pour elle, la nouvelle loi constitue un nouveau pas «sur le chemin qui fera de la politique énergétique une seconde politique agricole», celle-là même qui a fait des paysans suisses «des experts dans la chasse aux subventions».

Et le quotidien zurichois réputé proche des milieux d’affaires de juger que «l’avenir énergétique de la Suisse est devenue ce dimanche non seulement plus cher, mais moins sûr en termes d’approvisionnement et même pas plus favorable à l’environnement».

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