Swiss tombe dans le giron allemand
Lufthansa rachète Swiss pour 460 millions de francs maximum mais la compagnie helvétique Swiss conserve sa marque et le hub de Zurich.
La satisfaction est générale en Suisse. A commencer par les gros actionnaires, dont le principal, la Confédération, qui pourrait toucher 80 millions de francs.
La reprise de Swiss par Lufthansa est officielle. Le président du conseil d’administration de la compagnie helvétique, Pieter Bouw, le patron de la compagnie helvétique Christoph Franz et le président du directoire de Lufthansa, Wolfgang Mayrhuber, ont signé mardi soir l’accord entre les deux compagnies dans un hôtel à proximité de l’aéroport de Zurich-Kloten.
Dans un premier temps, les Allemands se borneront à acheter les actions des petits porteurs, soit 15% du capital. Il lanceront, vraisemblablement en mai, une offre publique d’achat (OPA) à un prix basé sur le cours moyen des 30 derniers jours de Bourse, ce qui donne un montant d’environ 70 millions de francs.
Les grands actionnaires (Confédération, canton de Zurich, UBS et Credit Suisse Group, ainsi que de grandes entreprises) ne sauront qu’en 2008 ce qu’ils toucheront. Au pire, ils ne renecevront rien. Au mieux, un montant maximal de 390 millions de francs.
Le rachat de Swiss par Lufthansa servira au mieux les intérêts de la Suisse à long terme du point de vue économique et du rattachement aux liaisons aériennes. Fort de cet avis, le gouvernement a accepté mardi de céder la part fédérale dans la compagnie aérienne suisse.
L’Etat pourrait toucher 80 millions
La participation de 20,4 % au capital de Swiss détenue par la Confédération, actuel actionnaire majoritaire, sera cédée contre un bon de récupération. Dans la meilleure des hypothèses, suivant le cours de l’action Lufthansa, l’Etat pourrait toucher 80 millions de francs dans trois ans. Au pire, aucun versement n’aura lieu.
Mais l’injection initiale de 600 millions dans le capital de Swiss n’a jamais eu pour but de rapporter des deniers, a assuré le ministre des Finances Hans-Rudolf Merz à la presse.
Il s’agissait avant tout de maintenir des emplois et le rattachement de la Suisse au réseau aérien intercontinental. Il était aussi clair depuis le départ que l’Etat devrait se désengager à terme.
Meilleure alternative
Dans cette optique, l’alliance avec Lufthansa est la meilleure des alternatives, aux yeux du gouvernement. Elle permettra à Swiss de préserver son autonomie en tant que compagnie aérienne suisse.
Le projet de la compagnie allemande de doter Swiss de deux avions long courrier supplémentaires en est une preuve. Quelque 500 emplois pourraient ainsi être créés, a précisé le ministre de l’Economie Joseph Deiss.
De même, le maintien de fonction de plate-forme (hub) pour l’aéroport de Zurich et l’amélioration des possibilités offertes aux sites de Genève et Bâle doivent être vus comme des atouts pour la place économique suisse.
Risques
L’intégration dans Lufthansa comporte des risques, comme le souligne aussi une analyse d’un société de conseil mandatée par la Confédération. Aucune garantie chiffrée n’a pu être obtenue sur le nombre d’emplois, d’avions ou les destinations desservies.
Le marché décidera, a noté M. Merz. Avant d’ajouter que les autres alternatives envisagées, en particulier la voie solitaire, auraient représenté des risques supérieurs.
Accord aérien
Autre avantage apporté par le rachat allemand, même si rien de tel n’est fixé dans le contrat, Berlin s’est montré disposé à reprendre des négociations concernant les approches de l’aéroport de Zurich.
Une solution pour le survol de l’espace aérien allemand pourrait être trouvée d’ici une année, a signalé le ministre des Transports Moritz Leuenberger.
L’accord avec Lufthansa prévoit néanmoins des conditions qui pourraient remettre théoriquement en cause la reprise de Swiss si elles ne sont pas tenues.
Au plus tard dans 18 mois, la Suisse devra avoir négocié avec six pays (Etats-Unis, Canada, Japon, Inde, Thaïlande et Hong-Kong) des accords aériens bilatéraux accordant à des compagnies aériennes non majoritairement suisses des droits d’atterrissage.
Syndicats satisfaits mais vigilants
Les partis politiques ont réagi avec résignation. Comme les syndicats, qui ont salué la reprise comme la seule possibilité de survie pour la compagnie helvétique. S’ils jugent que les chances de maintenir les emplois sont bonnes, ils resteront néanmoins vigilants.
«Les chances pour Swiss sont plus importantes que les risques», a dit Christian Frauenfelder, d’Aeropers, le syndicat des ex-pilotes de Swissair. «Je suis confiant pour l’heure, car c’est la seule chance de survie pour Swiss», a renchéri Christoph Frick, président de Swiss Pilots (ex-Crossair).
Kapers, syndicat du personnel de cabine, s’est montré un peu plus réticent, estimant que les garanties en matière d’emploi manquent. Ces garanties sur une durée de trois à cinq ans auraient dès le départ permis d’écarter de nombreuses craintes et incertitudes, a déclaré Urs Eicher, président de Kapers.
Pour sa part, le syndicat du personnel au sol SEV-GATA a trouvé étrange que les salariés de Swiss n’aient jusqu’à présent obtenu aucune garantie pour leur emploi. Et Lufthansa n’est pas responsable de cet état de fait, a souligné le président du SEV-GATA, Philipp Hadorn.
Satisfaction à Zurich-Kloten
L’aéroport de Zurich, de son côté, voit la chance d’améliorer ses conditions-cadres et de devenir ainsi plus compétitif par rapport aux autres aéroports européens.
«Pour continuer à pouvoir assurer des liaisons entre notre pays et les destinations les plus importantes, il est indispensable de disposer de conditions concurrentielles», indique le communique de Unique.
swissinfo et les agences
Swiss a été constituée en 2002 lors de la fusion de feue Swissair et du transporteur régional Crossair.
Dans un premier temps, les actions des petits porteurs, soit 15% du capital seront rachetées en mai pour environ 70 millions de francs
Le gouvernement suisse est le principal actionnaire de la compagnie avec 20,4% des actions.
Les deux grandes banques UBS et Credit Suisse Group ainsi que la Banque cantonale zurichoise possèdent chacune une part d’environ 10%.
Mais ces grands actionnaires ne sauront qu’en 2008 ce qu’ils toucheront. Au pire, rien. Au mieux, 390 millions de francs.
Le mandat du patron de la Lufthansa, Wolfgang Mayrhuber, a été prolongé mardi de cinq années supplémentaires. Il courra ainsi jusqu’à fin 2010.
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