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Swisscom et Sunrise, la guerre des nerfs

Jesper Theill Eriksen, patron de Sunrise. Keystone

Sunrise n'est pas à vendre. Dans un entretien exclusif, Jesper Theill Eriksen, patron du deuxième opérateur suisse, dément les rumeurs colportées par son rival Swisscom.

Sunrise attend la libéralisation du «dernier kilomètre» pour offrir de nouveaux services, mais elle estime que la TV par la ligne téléphonique, prochaine offre vedette de Swisscom, ne sera pas un marché important.

Le 1er novembre prochain, Jens Alder, ancien patron de Swisscom, prendra la direction de l’opérateur danois TDC, maison-mère de TDC Suisse qui opère sous la marque Sunrise. Va-t-il démanteler l’entreprise ?

Pour Swisscom, la réponse est évidente. «Je pense que Jens Alder a un mandat clair, c’est de revendre Sunrise», affirmait mi-août Carsten Schloter, nouveau directeur général du géant bleu, lors de l’émission «Classe Eco» de la TSR.

Début septembre, dans une interview à la Neue Luzerner Zeitung, Carsten Schloter énumérait même une liste des candidats potentiels à ce rachat.

Auprès des employés de Sunrise, cette annonce a engendré inquiétude et désarroi. Comme Jens Alder est tenu au silence pour des raisons contractuelles jusqu’à son entrée en fonction, c’est Jesper Theill Eriksen, patron de TDC Suisse depuis huit mois, qui met les choses au point.

swissinfo: Ces dernières semaines, le patron de votre rival Swisscom a annoncé que Sunrise était à vendre. Est-ce le cas?

Jesper Theill Eriksen: Non. Je suis catégorique, Sunrise n’est pas à vendre. D’habitude nous ne commentons pas ce genre de spéculations, mais les affirmations de Carsten Schloter m’ont fortement étonné. Il est surprenant qu’il émette un avis dans les médias sur un sujet que visiblement il ne connaît pas. Ses déclarations sont des absurdités.

swissinfo: Pourtant le groupe TDC a été racheté en 2005 par un consortium de cinq fonds d’investissement qui veut rapidement faire de l’argent et accroître la valeur du groupe…

J. T. E.: Sunrise a déjà investi plus de 3,5 milliards de francs en Suisse et dès que la libéralisation du dernier kilomètre sera effective, nous allons encore investir un montant à trois chiffres en millions (soit entre 100 millions et 900 millions, ndlr) pour proposer des solutions à haut débit.

Cet investissement, approuvé par nos actionnaires, à pour but d’accroître notre offre et de développer notre base de clientèle. Si Sunrise était à vendre nous n’investirions pas dans les infrastructures notamment pour équiper les centraux téléphoniques. Ma mission est d’augmenter la valeur de l’entreprise et la qualité de ses services, pas de la vendre.

swissinfo: Reste qu’en moyenne, les fonds d’investissements revendent un achat après 5 à 7 ans…

J. T. E.: Oui, c’est leur modèle d’affaires. Personnellement, je travaille pour le groupe TDC depuis 10 ans et j’ai connu cinq propriétaires différents. Mais cela n’a pas empêché la compagnie de se développer, y compris Sunrise.

La stratégie du groupe est axée sur le long terme, peu importe qui le rachètera d’ici quelques années. Sunrise sera toujours là pour ses clients et la société n’aura pas été vendue en pièces détachées. Cela ne serait d’ailleurs pas très intelligent de le faire puisque notre force c’est justement d’être présent dans tous les domaines de la téléphonie en Suisse: fixe, mobile et Internet.

swissinfo: Mais alors pourquoi Carsten Schloter annonce-t-il que Sunrise est à vendre?

J. T. E.: Posez-lui la question. Peut-être que Swisscom commence à avoir peur de nous et qu’il cherche à nous déstabiliser.

swissinfo: Vos résultats trimestriels ne sont pas bons, le bénéfice et le chiffre d’affaires sont en baisse. Comment pensez-vous rétablir la situation?

J. T. E.: Cette performance moyenne reflète pour l’essentiel les baisses de prix dans la branche des télécoms, mais l’entreprise dégage des profits. Les chiffres correspondent à nos prévisions et nos actionnaires n’ont pas été surpris.

Le dégroupage du dernier kilomètre nous permettra de mettre un terme à cette érosion. Nous comptons offrir nos services indépendamment de Swisscom sur plus de 80% des raccordements téléphoniques. Et même si nous baissons les prix après cette libéralisation, nos marges seront supérieures à celles que nous avons aujourd’hui.

swissinfo: Swisscom joue-t-il le jeu de la concurrence ou profite-t-il de sa position de force que lui confère son monopole sur le dernier kilomètre?

J. T. E.: Actuellement Swisscom pratique un dumping sur les tarifs ADSL, l’accès à Internet à haut débit. Swisscom vend l’ADSL aux particuliers à un prix inférieur à celui qu’il nous facture. Nous sommes obligés de combiner l’ADSL avec d’autres services comme la téléphonie pour dégager une faible marge sur ces produits.

Il y aura probablement des difficultés pour se mettre d’accord avec Swisscom sur l’accès aux centraux, les prix de location du dernier kilomètre et les aspects techniques, mais j’espère que les autorités de surveillance seront attentives pour que ces problèmes se résolvent rapidement. Il en va de l’intérêt général.

swissinfo: Swisscom va proposer avant la fin de l’année la TV sur les lignes téléphoniques ADSL. C’est l’un de ses projets-phare. Aurez-vous un service similaire?

J. T. E.: TDC commercialise déjà l’IPTV au Danemark, nous pourrions donc avoir assez vite des offres aussi en Suisse. Mais je suis sceptique quant à l’existence d’une forte demande pour ce produit. Ce ne devrait pas être un marché important ces prochaines années. La vidéo à la demande ne devrait pas non plus devenir un service de masse. Mais nous sommes prêts à réagir si besoin était.

Interview swissinfo: Luigino Canal

Le parlement a décidé fin mars de lever le monopole de Swisscom sur le dernier kilomètre, le câble de cuivre reliant les 1380 centraux de l’opérateur historique aux 3,8 millions de raccordements téléphoniques que compte la Suisse.

Ainsi, les concurrents de Swisscom pourront offrir leurs propres services à leurs clients du réseau fixe.

Ils devront alors soit installer leurs équipements techniques dans les centraux de Swisscom, soit utiliser ceux du géant bleu (au maximum durant quatre ans). Swisscom leur facturera cette mise à disposition de ses infrastructures, à un prix qui devrait être l’objet d’âpres discussions.

Chez Sunrise, c’est l’impatience. L’opérateur prévoit de commercialiser ses premières offres aux entreprises dès l’été prochain et aux particuliers avant la fin 2007. Un scénario plutôt optimiste.

«Il est temps d’en finir avec les atermoiements. Dès que cette libéralisation sera entrée en vigueur les consommateurs bénéficieront de nouveaux services. Ils obtiendront beaucoup plus, pour moins cher. Le parlement a adopté une loi, elle doit entrer en vigueur au plus vite pour le bien de tous», s’emporte Jesper Theill Eriksen, patron de Sunrise.

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