Un «non» du bout des lèvres à un meilleur traitement fiscal des couples
Au terme d’une longue après-midi de suspense, le peuple suisse a finalement repoussé l’initiative «Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage». Le résultat est toutefois très serré avec seulement 50,8% de «non». Il revient désormais au gouvernement de trouver une solution pour mettre fin aux inégalités fiscales que subissent encore les couples mariés.
L’initiative sur la fiscalité des couples mariés s’est finalement heurtée au refus du peuple suisse. L’incertitude aura régné jusqu’à la fin de l’après-midi pour finalement aboutir à un rejet du texte par 50,8% des votants.
L’initiative du Parti démocrate-chrétien (PDC), basée sur une vision traditionnelle de la famille, a tout de même obtenu l’aval de la majorité des cantons. Seuls huit d’entre eux ont repoussé le texte, et les rejets les plus nets sont venus des cantons urbains.
Les résultats montrent un net clivage entre régions catholiques et protestantes. L’initiative a surtout fait un tabac dans les cantons catholiques ou conservateurs.
Les autorités fédérales ont désormais les mains libres pour supprimer les dernières inégalités fiscales frappant les époux. A l’issue du vote, le ministre des finances Ueli Maurer a indiqué que le gouvernement allait continuer à œuvrer pour mettre en place un système d’imposition des couples mariés conforme à la Constitution. Il a aussi rappelé que le Conseil fédéral avait déjà essayé à plusieurs reprises de résoudre le problème.
Le PDC n’a pas dit son dernier mot
La question du mariage pour tous a peut-être joué un rôle dans les centres urbains lors de la votation, reconnait le vice-président du PDC Dominique de Buman. Concernant la définition du mariage comme l’union entre une femme et un homme, décrite dans l’initiative, Dominique de Buman estime toutefois que «c’est un procès anachronique que les opposants lui ont fait.» Il rappelle que la question du mariage homosexuel n’était pas encore ouverte aux Chambres en 2011, lors du lancement de l’initiative.
«Vu la véritable ligue mise sur pied contre nous, c’est quand même un résultat extraordinaire, avec cette majorité écrasante des cantons», indique Dominique de Buman. «Désormais, j’attends de voir ce que nos opposants, gauche et PLR, vont proposer pour régler la question.»
Le président du PDC Christophe Darbellay a lui annoncé qu’il comptait bien remettre l’ouvrage sur le métier. «Si nécessaire, on relancera une initiative sur ce thème», a-t-il promis. Mais l’imposition individuelle n’entre pas en ligne de compte: ce modèle soutenu par l’alliance PS-PLR est un «monstre bureaucratique».
Les homosexuels applaudissent
L’Organisation suisse des lesbiennes (LOS) et la Fédération suisse des gays (Pink Cross) se disent soulagées de ce «non» à ce qu’ils décrivent comme une interdiction du mariage pour les personnes de même sexe. Le mariage n’est pas «l’union durable et réglementée par la loi d’un homme et d’une femme», écrit l’organisation LOS. Il est une institution qui, dans un Etat libéral, devrait être ouverte à tous.
Les lesbiennes et les gays demandent maintenant une mise en oeuvre rapide d’une initiative parlementaire des Vert’libéraux qui prévoit d’ouvrir le mariage aux couples homosexuels. LOS annonce la création d’une organisation nationale commune pour atteindre ces objectifs. Elle contactera à cet effet diverses organisations.
Quant à Pink Cross, elle aura le PDC à l’oeil, avertit-elle. Durant la campagne, le parti a toujours affirmé qu’il n’était pas contre une ouverture du mariage. La faîtière des gays observera attentivement si le PDC et les autres partis tiennent leurs promesses.
Et après?
Après le rejet de l’initiative du PDC, la suppression des dernières inégalités fiscales frappant les couples mariés dépendra de la volonté du Parlement. Le Conseil fédéral devrait lui faire des propositions dans les six mois.
Trois grandes options se dessinent. La gauche, le PLR et le Vert’libéraux misent sur l’imposition individuelle. Mais il faudrait passer outre les réticences du Conseil fédéral et de nombreux cantons, qui devraient appliquer ce modèle. Le PDC et l’UDC soutiennent de leur côté le « splitting », qui permet d’imposer les couples mariés à un taux plus bas.
Une autre option pour le gouvernement serait de relancer «le calcul alternatif de l’impôt», une idée de l’ancienne ministre des finances Eveline Widmer-Schlumpf gelée en 2013 faute de soutien en procédure de consultation. Les impôts des conjoints seraient calculés selon le barème actuel, puis comme s’il s’agissait de deux concubins. La facture la moins lourde serait appliquée.
Une longue histoire
La question de la «pénalisation fiscale» du mariage a déjà fait couler beaucoup d’encre en Suisse. En 1984, elle avait été évoquée dans un arrêt du Tribunal fédéral. Il avait décrété que les impôts d’un couple marié sont anticonstitutionnels s’ils dépassent de 10% le montant que le couple paierait sans être marié.
Malgré des mesures correctives introduites par les cantons, 80’000 couples continuent à être pénalisés fiscalement parce qu’ils sont mariés ou vivent en partenariat enregistré. C’est pour remédier à cette situation qu’il considère comme une injustice que le Parti démocrate-chrétien (PDC / centre-droit) a lancé en 2011 son initiative «Pour le mariage et la famille – Non à la pénalisation des couples mariés» et a recueilli les signatures nécessaires pour pouvoir la soumettre au peuple.
Le PDC s’est toutefois heurté à l’opposition de tous les partis, sauf de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), avec pour conséquence un rejet de l’initiative par le Parlement. Le Conseil fédéral a aussi recommandé à la population de rejeter le texte. Si tout le monde s’accorde sur la nécessité d’abolir la discrimination que subissent les couples mariés, les opposants n’approuvent pas la manière dont le PDC propose de le faire.
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