Chasse aux microplastiques dans le massif du Mont-Blanc
(Keystone-ATS) Les microplastiques sont partout sur la planète et sans aucun doute aussi dans le massif du Mont-Blanc, toit de l’Europe. Pour en avoir le coeur net, une équipe scientifique franco-suisse effectue des prélèvements dans les torrents glaciaires.
Partie le 2 juin de Chamonix (F), l’équipe achève une boucle de quelque 160 kilomètres autour du massif du Mont-Blanc, traversant les frontières francaise, italienne et suisse. Elle était vendredi à La Fouly (VS) pour informer les médias de son expédition.
Les trois scientifiques ont prélevé douze échantillons dans autant de torrents glaciaires. S’y ajouteront quatre derniers prélèvements réalisés samedi et dimanche aux glaciers du Trient, du Tour, d’Argentière et de la Mer de Glace.
« Pour l’instant, tout s’est bien passé. Nous avons effectué le parcours à pied et à VTT électrique, mais aussi en voiture pour effectuer les prélèvements sur sol italien en raison de la neige qui rendait impossible le passage de deux cols », raconte Olivier Kressmann, directeur exécutif de Summit Foundation, partenaire suisse du projet « Clean Mont-Blanc ».
Vêtus de coton et de cuir
Au total les scientifiques auront prélevé huit échantillons sur territoire français, cinq en Italie et trois en Suisse. « A ma connaissance, c’est la première fois qu’un aussi grand nombre d’échantillons est prélevé dans les torrents glaciaires à l’échelle d’un massif montagneux d’envergure, note Frédéric Gillet, directeur de l’association française Aqualti, partenaire scientifique du projet.
Pour chaque prélèvement, les chercheurs revêtent une large combinaison en coton et enfilent des gants en cuir, histoire de ne pas contaminer le site des microplastiques provenant des textiles de leur équipement d’alpiniste. Ils mesurent le débit de l’eau du torrent qu’ils mettront plus tard en perspective avec la quantité de particules récoltées grâce à un filet collecteur au maillage de 50 microns (l’épaisseur d’un cheveu).
Celui-ci reste une trentaine de minutes dans le torrent, puis est placé dans un bocal en verre selon un protocole bien défini, et envoyé à l’université Savoie Mont-Blanc à Chambéry (F) d’où est issu l’un des chercheurs de l’expédition. « Les premiers résultats des analyses devraient tomber d’ici l’automne prochain », espère Frédéric Gillet.
Les analyses permettront de déterminer s’il y a des microplastiques et si oui, leur nombre et leur type (polymère, polychlorure de vinyle (PVC), polyéthylène, polyester,…), mais pas leur source. « Il s’agit d’un projet exploratoire qui nous permettra de mieux comprendre les mécanismes de dépôts atmosphériques de particules plastiques. Cette pollution planétaire ne connaît pas de frontière et les sites isolés ou éloignés des sources de pollution, comme les glaciers du massif du Mont-Blanc, sont également susceptibles d’être contaminés, rappelle Frédéric Gillet.
L’Italie salue l’initiative
L’étude du transport atmosphérique des microplastiques qui polluent des zones éloignées de toute source de pollution est au coeur du travail de Aqualti. « Depuis 2016, nous avons mené des missions au Nord et au Sud de Groenland, sur l’île de Spitzberg en Norvège et dans les lacs alpins d’altitude. Notre but est d’alimenter la communauté scientifique en données et de faire réfléchir les gens à la problématique, au-delà de tout discours moralisateur », souligne Frédéric Gillet.
Sensibiliser la communauté scientifique, les gouvernements, le grand public et toute la chaîne de production du plastique est aussi le but de Summit Foundation: « Il y a un manque de données sur la présence de microplastiques chez nous, en Suisse. L’opération au massif du Mont-Blanc, emblématique, connu du monde entier et difficile d’accès doit marquer les esprits et nous permettre de travailler sur le développement de solutions alternatives ».
Le budget de « Clean Mont-Blanc » s’élève à 25’000 francs. Un « projet qui vaut beaucoup et coûte peu », résume Olivier Kressmann. Il est financé par des mécènes et par des partenaires logistiques et financiers.
« Faute de contacts sur place, l’Italie n’est pas représentée dans l’équipe de chercheurs. Mais ses autorités ont salué l’initiative et soutenu le passage de l’équipe sur le territoire », assure le directeur exécutif de la fondation environnementale.