Chez les 16-39 ans, les clivages politiques entre hommes et femmes sont marqués
C’est un phénomène observé dans de nombreuses démocraties occidentales: les convictions politiques des jeunes femmes et des jeunes hommes empruntent des chemins toujours plus distincts. Un vaste sondage mené par la SSR dévoile, en Suisse, les domaines où ces écarts se creusent le plus.
En Suisse, les jeunes femmes et jeunes hommes de 16 à 39 ans affichent des divergences frappantes sur des sujets sensibles tels que la tolérance et les relations avec les minorités. C’est ce que montre un sondage de la SSR réalisé par l’institut de recherche GFS Berne en mai 2024 sur plus de 51’000 personnes.
Ainsi, en 2024, plus de 63% des jeunes hommes estiment que les débats autour du «wokisme» et des questions de genre ne sont que des préoccupations artificielles, propres à des citadins privilégiés. Un peu moins de 40% des jeunes femmes ont le même point de vue. Et cet écart s’est creusé sur une année, entre 2023 et 2024.
Sur la question de la liberté d’expression, 65% des jeunes hommes pensent que chacun devrait pouvoir exprimer ses opinions, même s’ils sont offensants. A contrario, 59% des jeunes femmes estiment que la liberté d’expression ne doit pas dépasser cette limite.
Ces contrastes se retrouvent aussi dans les réactions face aux blagues racistes: 46% des jeunes femmes sont opposées à de tels propos dans leur cercle d’amis, alors que 74% des jeunes hommes jugent l’humour à connotation raciste sans gravité.
Pourtant, du point de vue de la «tolérance», la situation s’inverse lorsqu’il s’agit de relations amoureuses et d’idéologies politiques: 64% des jeunes femmes affirment qu’elles ne pourraient envisager une relation avec une personne ayant des opinions politiques divergentes; en revanche, 52% des jeunes hommes disent qu’une telle relation ne leur poserait aucun problème.
Les résultats de l’enquête «Comment ça va, la Suisse» sont basés sur une enquête représentative menée auprès de 51’182 résidentes et résidents suisses, réalisée par l’institut de recherche gfs.bern du 22 mai au 16 juin 2024 sur mandat de la SSR. C’est la deuxième fois que cette enquête a été menée. Par rapport à la version de 2023, certaines questions ont été ajoutées et d’autres reformulées, mais la plupart d’entre elles sont identiques.
Trois mille des personnes interrogées ont été sélectionnées à partir d’un panel en ligne de gfs.bern de manière à créer une image représentative de la population suisse (16 ans et plus). L’échantillon a été stratifié selon la région linguistique et cité en fonction de l’âge et du sexe. Les autres participants ont rempli un questionnaire en ligne. Ils ont été sollicités via les canaux de la SSR, mais ont décidé eux-mêmes s’ils souhaitaient participer ou non à ce sondage.
Le questionnaire contenait environ 300 questions. Afin d’éviter qu’un entretien ne dure plus d’une vingtaine de minutes, gfs.bern n’a pas posé les mêmes questions à tous les participants. La marge d’erreur est de +/- 1,8 point de pourcentage.
Finance, travail, environnement
Si des points de convergence existent, notamment en matière de satisfaction générale – environ la moitié des deux groupes se disent globalement «satisfaits» de leur vie (avec des notes de 8 à 10 sur 10) –, des écarts réapparaissent lorsqu’il s’agit d’anticiper l’avenir financier. Un tiers des jeunes hommes se déclarent confiants, contre seulement 18% des jeunes femmes.
Sur le plan professionnel, les différences sont moins tranchées, mais demeurent marquées: 91% des jeunes femmes estiment que le stress et la cadence de travail pèsent lourdement sur les individus, contre 79% des jeunes hommes. Le clivage se renforce sur la question de la méritocratie: une majorité de 56% des jeunes hommes croient qu’un travail acharné permet d’échapper à la pauvreté. A contrario, une majorité de 69% des jeunes femmes réfutent cette proposition.
Les préoccupations environnementales accentuent encore les écarts. Alors que 70% des jeunes femmes pensent qu’il est nécessaire de renoncer à un certain confort matériel pour lutter contre le changement climatique, une majorité des jeunes hommes refusent cette perspective.
Les inégalités de genre, toujours un point de tension
La question de l’égalité des sexes est, elle aussi, source de désaccord. Alors que trois quarts des jeunes femmes estiment que la société suisse ne traite pas de manière équitable les hommes et les femmes, 58% des jeunes hommes pensent que l’égalité est atteinte.
Cette perception divergente pourrait en partie s’expliquer par l’expérience personnelle. En effet, 57% des jeunes femmes déclarent avoir été victimes de discrimination sexiste, contre seulement 18% des jeunes hommes.
Contrairement aux idées reçues sur le clivage urbain-rural, le sondage ne révèle pas un fossé béant entre les habitants des villes et ceux des campagnes. Sur des sujets comme le «wokisme» ou les questions de genre, bien que les jeunes hommes et jeunes femmes soient divisés, les différences entre citadins et ruraux demeurent relativement modestes. En campagne, 67% des répondants estiment que ces thèmes sont des préoccupations artificielles. Ils sont 56% dans les grandes villes.
De même, sur la question de la réalité ou non de l’égalité des sexes en Suisse, les différences entre ville et campagne sont faibles: 58% des citadins considèrent que les hommes et les femmes sont traités équitablement. Ils sont 55% en campagne.
Quant à l’affirmation selon laquelle «la Suisse ne prend pas assez soin de ses régions rurales», si 56% des ruraux en sont convaincus, les urbains ne sont pas loin derrière. Autant de signaux qui témoignent d’une harmonie relative entre ces deux mondes, loin des clichés d’un antagonisme systématique.
Texte traduit de l’allemand par Julien Furrer (RTS)
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