«Il est quasiment impossible d’être élu au Parlement en tant que Suisse de l’étranger»
Dans moins d’un mois, les Suisses éliront leur nouveau Parlement, aussi depuis l’étranger. La classe politique tiendra-t-elle compte des préoccupations spécifiques des Suisses de l’étranger durant la nouvelle législature? Nous en avons discuté avec trois parlementaires qui s’engagent pour la Cinquième Suisse.
Sur les quelque 5,6 millions de citoyennes et citoyens suisses en âge de voter, 630’000 se trouvent à l’étranger. Cette population a des besoins et des attentes spécifiques, comme la mise en place du vote électronique ou encore l’amélioration des relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE). Or, elle se sent parfois quelque peu délaissée par la classe politique suisse.
La nécessité d’une représentativité directe
Ainsi, l’idée de créer une circonscription propre à la diaspora suisse refait régulièrement surface, à l’instar de l’interventionLien externe parlementaire que le conseiller national écologiste Nicolas Walder a déposée en juin 2023 au Parlement.
«Aujourd’hui, la possibilité pour une Suissesse ou un Suisse de l’étranger d’être élu au Parlement est quasi nulle», argumente-t-il. Il plaide pour que «les intérêts de la diaspora soient directement défendus au sein des deux chambres du Parlement» et a donc demandé au Conseil fédéral d’étudier différentes options en ce sens.
L’une d’entre elles serait de fonder un 27e canton qui entraînerait de facto une représentativité des Suisses de l’étranger au Conseil national et au Conseil des États. Une seconde variante consisterait à faire élire des représentantes et représentants des Suisses de l’étranger au Conseil national uniquement.
Les places sont chères
«Pour ce faire, il faudrait cependant supprimer des sièges aux cantons, sur les 200 disponibles au Conseil national. Et là j’émets des doutes sur le fait qu’on réussisse à trouver une majorité qui soutienne l’idée au Parlement, puisque chacun va sentir son propre siège menacé, quel que soit le parti», lui a répondu le conseiller aux États Carlo Sommaruga.
En 2007, le socialiste genevois avait lancé une initiative similaire, qui n’avait pas abouti. S’il reste convaincu qu’il ne faut pas abandonner l’idée, Carlo Sommaruga pense que, parallèlement, «il est indispensable que le Conseil des Suisses de l’étranger (CSE) soit mieux représentatif de la communauté et soit élu démocratiquement».
Le CSE est l’organe suprême de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), une sorte de «Parlement» de la Cinquième Suisse, et est reconnuLien externe par les autorités fédérales comme porte-parole de la diaspora.
Génératrice de frustration
Si «l’idée est belle» aux yeux de Laurent Wehrli, le conseiller national du Parti libéral-radical (PLR) n’est toutefois pas convaincu que cette représentation directe de la diaspora puisse vraiment peser à Berne. Il craint qu’elle ne génère plus de frustration que la situation actuelle. En outre, «les parlementaires sont souvent liés à d’autres intérêts que celles des Suisses de l’étranger. Ils sont aussi orientés politiquement et liés à leur canton d’origine», a souligné le député vaudois.
Laurent Wehrli, lui-même membre du Comité du CSE, estime que la solution pourrait résider dans le fait que les résolutions du CSE soient automatiquement traitées par les commissions adéquates du Conseil national et du Conseil des États. «Cela donnera une plus grande voix politique aux Suisses de l’étranger de passer par des organes reconnus», avance-t-il.
>> Nous avons demandé à des Suisses de l’étranger ce qu’ils et elles attendiaent des responsables politiques suisses en cette année électorale:
Unanimité autour du vote électronique
Les trois parlementaires invités dans l’émission Let’s Talk de swissinfo.ch sont en revanche unanimes sur la nécessité de généraliser l’utilisation du vote électronique afin que la diaspora puisse exercer plus facilement ses droits politiques. «Le système fonctionne et il faut rassurer les Suisses», a affirmé Carlo Sommaruga.
«Les inquiétudes autour du vote électronique sont les mêmes que celles qui existaient lorsque nous sommes passés au vote par correspondance», estime de son côté Laurent Wehrli. Interrogé sur les risques liés à la sécurité de ce canal de vote contesté, il rappelle que «les seules fraudes connues à ce jour ont été commises sur papier».
Nicolas Walder plaide quant à lui pour une solution de vote électronique étatique et une facilitation de l’inscription au registre électoral qui permettrait d’accroître la participation de la diaspora aux votations et élections. Actuellement, seul un quart environ des 227’000 Suisses de l’étranger inscrits sur un registre électoral font régulièrement usage de leurs droits politiques.
Reprendre rapidement les négociations avec l’UE
Depuis la rupture des négociations sur l’accord-cadre par le Conseil fédéral en 2021, nombres de citoyennes et citoyens suisses à l’étranger s’inquiètent de l’état délétère des relations entre la Suisse et l’UE. Près de 450’000 Suisses de l’étranger vivent en effet dans un pays de l’UE, soit plus de la moitié de la diaspora helvétique.
Les représentants du PLR, du PS et des Vert-e-s s’accordent à dire que le Conseil fédéral doit rapidement reprendre les négociations, pour le bien notamment de l’économie et de la recherche.
Nicolas Walder a rappelé que le renouvellement de la Commission européenne aura lieu à l’été 2024. Il craint que si les négociations ne reprennent pas avant cette échéance, leur reprise ou leur poursuite se trouve repoussée de plusieurs années.
>> Trois représentant-es des autres grands partis politiques suisses, à savoir l’UDC, Le Centre et les Vert’libéraux, ont été invités à participer à la version en allemand de ce débat. Il est à retrouver ici:
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