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Le harcèlement sexuel de chirurgiens tout-puissants dans les hôpitaux romands

Dans les hôpitaux romands, des chirurgiens et chefs de service tout-puissants pratiquent sans complexes le harcèlement sexuel. Propos obscènes, attouchements, chantage sexuel et droit de cuissage, les étudiantes ou jeunes médecins en sont les principales victimes. Plusieurs femmes harcelées ont accepté de témoigner dans Temps Présent.

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Ces pratiques d’un autre âge ont lieu, aujourd’hui encore, et plus fréquemment qu’on ne l’imagine, dans les salles de garde et blocs opératoires.

« Dans ce service de chirurgie, durant tout le stage, souvent on nous considère soit comme des putes soit comme des merdes. On se fait hurler dessus et humilier devant tout le monde si on fait une erreur, ou alors on reçoit des propos sexistes ou des questions sur notre vie sexuelle »

Léa, étudiante en médecine

Car dans le milieu hospitalier, tous les critères sont réunis pour que les harceleurs s’épanouissent. Une hiérarchie très verticale dominée par des hommes, avec des chefs et chirurgiens jugés irremplaçables, et autour d’eux, de jeunes médecins, souvent des femmes, qui doivent gagner leur place dans un système très compétitif.

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« La chirurgie est un monde différent. C’est un monde intense. Et dans ce monde intense, il y a parfois aussi beaucoup de testostérone. Et parfois, ça peut dépasser les limites »

Barbara Wildhaber, cheffe de la chirurgie pédiatrique aux HUG

Ces femmes médecins décrivent l’humiliation, les agressions, la honte parfois d’avoir accepté un chantage sexuel, ou encore le sentiment de gâchis lorsque après 10 ans d’études et de stages, il faut se résoudre, brisée, à changer de voie.

« Comme tous les chirurgiens, il choisissait quels médecins pouvaient venir avec lui en congrès. Mais pour une femme, être choisie, ça impliquait des choses. Le soir à l’hôtel, après le dîner et le verre au piano-bar, il fallait monter dans sa chambre. Si tu voulais grader, tu devais y passer. Et il menaçait de briser la carrière de celles qui se plaindraient et lui causeraient du tort »

Une soignante dans un service de chirurgie du CHUV

Souvent, les victimes n’osent pas porter plainte, pour ne pas briser leur carrière. Certaines prennent le risque de rapporter ces faits aux ressources humaines. Mais notre enquête montre que ces plaintes sont peu suivies d’effets, voire ignorées. Les sanctions restent rares à l’égard des harceleurs, protégés par une forme d’impunité, malgré le message de tolérance zéro prôné par les hôpitaux.

« L’institution est persuadée qu’elle peut faire mieux, avec la mise en place de structures de prévention, de possibilités de déposer des plaintes sur les cas spécifiques dont vous parlez », plaide ainsi Stéphane Benoit-Godet, chef de la communication du CHUV.

Mais « c’est clair que décider de licencier une personne qui est très rémunératrice, qui peut lui apporter des clients, qui peut lui apporter un savoir-faire, qui peut lui apporter une image, c’est une décision qui est très difficile à prendre pour un hôpital », indique David Raedler, avocat et spécialiste FSA en droit du travail.

Ce sentiment d’impunité renforce le climat de peur et la loi du silence qui règnent à l’hôpital. Celles qui s’expriment aujourd’hui portent l’espoir d’un changement de culture médicale. Ne plus se taire et porter plainte, pour pousser les hôpitaux à protéger les victimes plutôt que les harceleurs.

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