«Le plus vieux métier du monde»
Transitaire entre l'Europe et l'Afrique du Nord, Didier Sigrist est le descendant d'une des plus anciennes familles suisses encore établies à Marseille.
Alliant rondeur du Sud et rigueur du Nord, l’entrepreneur d’origine glaronnaise est un des piliers de la communauté suisse de Marseille.
«C’est le plus vieux métier du monde », lance d’emblée Didier Sigrist pour qualifier sa profession de transitaire, un métier qu’il pratique dans une ville pas moins ancienne – Marseille – fondée 600 ans avant notre ère.
«C’est le marché offert par la France aux vendeurs du vaste monde. Les chameaux portant leur faix vers les mahonnes d’au-delà nos mers, sans le savoir, marchent vers lui. Port de Marseille : cour d’honneur d’un imaginaire palais du commerce universel», s’enthousiasme le grand reporter Albert Londres en 1926.
Aujourd’hui, Marseille a bien perdu de sa superbe. Même si les signes d’un renouveau économique se multiplient avec, entre autres, le projet d’aménagement Euroméditerranée.
Un port en panne
Marseille reste l’un des trois grands ports d’Europe. Mais le trafic de conteneurs continue, lui, de stagner. Des conflits sociaux paralysant régulièrement le port, les entreprises ont fini par privilégier Gênes, Barcelone, ou Hambourg comme point de passage de leur commerce international.
Ce qui n’empêche pas Didier Sigrist d’envisager l’avenir de son entreprise avec confiance. «Marseille est en pleine mutation, mais il faudra au moins 10 ans pour moderniser la ville et son port», estime ce Marseillais d’origine glaronnaise.
De fait, beaucoup d’opérateurs misent sur la réforme des ports autonomes (dont celui de Marseille) promise par le président Nicolas Sarkozy.
La banlieue de l’Afrique du Nord
«Si l’on veut travailler avec les pays bordant la Méditerranée, assure Didier Sigrist, Marseille reste un excellent endroit pour comprendre la manière de fonctionner de l’autre rive. C’est la banlieue du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, voire de l’Egypte. »
La qualité de l’information est en effet un élément essentiel du métier de transitaire – l’organisation du transport et du transit d’une marchandise – qu’il pratique depuis 35 ans.
En 2002, Didier Sigrist fait le grand saut en lançant sa propre société, une PME employant 3 personnes et des intérimaires selon les besoins. Une taille réduite compensée par un système informatique qu’il qualifie lui-même de surdimensionné.
Fort de cet outil, Didier Sigrist peut suivre en tout lieu le parcours des marchandises dont il a la charge et démarcher de nouveaux clients de manière très rapide.
Sauf l’Algérie
L’entrepreneur travaille essentiellement avec l’Afrique du Nord. Ce qui signifie jongler avec des normes et des règlements de pays du Nord et du Sud.
«Mais que ce soit en Egypte, au Maroc ou en Tunisie, les entreprises sont gérées de façon de plus en plus rigoureuses.
Seule l’Algérie n’est pas aux normes, puisque à part les hydrocarbures, ce pays n’a pratiquement pas d’industrie d’exportation», explique Didier Sigrist en affaire également avec des entreprises suisses et françaises.
Emigré de la 4e génération
«Je fais du cousu main», assure Didier Sigrist. Une démarche qualitative qui lui permet d’exister face aux géants de la branche pas toujours à l’aise avec les marchés d’Afrique du Nord.
Cultivant ses origines helvétiques, Didier Sigrist met en avant le sérieux et la qualité du travail dont la Suisse est toujours réputée. Emigré de 4e génération, Didier Sigrist y a acquis tolérance et bonhommie. L’alliage de ces vertus à priori contradictoires lui permet de naviguer avec aisance du Nord au Sud de la Méditerranée.
Ses liens avec la Suisse restent étroits. Outre des clients, s’y trouvent également une partie de sa famille dont une fille et un frère.
Didier Sigrist joue également un rôle important au sein de la communauté des Suisses de Marseille, puisqu’il s’occupe de la société immobilière de la Maison suisse, propriétaire de l’immeuble où se trouve le consulat suisse et de la Fondation Helvetia Massilia, chargée de maintenir le lien entre la communauté et la mère patrie.
L’esprit d’entreprise
Un lien qui a une longue histoire puisque des commerçants suisses jouent déjà un rôle important à Marseille dès le 16e siècle. L’arrière arrière-grand-père de Didier Sigrist débarque, lui, dans la cité phocéenne au 19e siècle.
«C’est le début de l’âge d’or pour la communauté suisse qui connut à Marseille jusqu’à 3000 familles, raconte Didier Sigrist dont les ancêtres glaronnais émigrent également pour l’Amérique latine, les Etats-Unis et la Russie.
Atelier de tricotage de bonnets napolitains au début du 19e, l’entreprise fondée par l’émigré suisse se développe et se diversifie au cours du siècle. Une manufacture de chapeaux de paille – J.J Sigrist & Cie – lui succède dès 1870. Elle emploie quelques 300 personnes en 1914. L’entreprise produit par la suite des casques coloniaux.
«C’est mon père qui décida de vendre l’entreprise dans les années 70 à une filiale de Saint-Gobain », précise le descendant d’une des plus veilles familles suisses de Marseille.
L’héritage de cette aventure entrepreneuriale et helvétique ? «Une façon de penser et de se comporter, de savoir ce qui est bien ou mal. Une image que l’on donne et qui permet d’être crédible. »
Frédéric Burnand, de retour de Marseille
Plus de 1500 Suisses vivent à Marseille et plus de 4000 dans le département des Bouches du Rhône. Une communauté qui augmente de 1,8 % par année.
La région Provence-Alpes -Côte d’Azur (PACA) compte près de 13’000 ressortissants suisses.
La façade méditerranéenne de la France abrite près de 20’000 Suisses, dont 15’000 binationaux.
Elle compte environ 60 entreprises à capital suisse. Des sociétés comme Swiss Life, UBS, Crédit Suisse, ABB, Schindler, SGS ou Nestlé y sont implantées.
Le Consulat général de Marseille a été fondé en 1799, une année après Bordeaux, le tout premier ouvert par la Suisse. Le 3e plus vieux consulat suisse est celui de Gênes.
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