Le village suisse de Messine, témoin silencieux du séisme de 1908
Pour de nombreux habitants de Messine, le «village suisse» est seulement le nom d’un quartier de leur ville. Mais ce nom rappelle l’aide importante que la Suisse a apportée au Royaume d’Italie après un terrible tremblement de terre qui avait frappé la Calabre et la Sicile.
Si vous demandez votre chemin pour le village suisse de Messine, tout le monde sait exactement où vous devez aller. En revanche, beaucoup de gens ne savent pas répondre lorsqu’on les questionne sur l’origine de ce nom. Peut-être est-ce parce qu’il ne reste presque plus rien du village suisse, peut-être est-ce aussi parce que plus d’un siècle s’est écoulé depuis sa construction; mais le fait est que pour beaucoup, ce n’est qu’un nom comme un autre.
La vérité, cependant, est tout autre. Le nom de «village suisse» rappelle l’une des plus graves tragédies qui n’ait jamais frappé la ville sicilienne: le terrible tremblement de terre calabro-sicilien qui a secoué les provinces de Messine et de Reggio Calabria à l’aube du 28 décembre 1908. Une secousse de magnitude 7,3 qui a tout balayé en 37 secondes seulement, tuant entre 75’000 et 82’000 personnes.
À l’époque, cette tragédie avait choqué le monde entier. Tant et si bien que dans les jours suivants, une course à la solidarité avait commencé entre plusieurs pays amis du Royaume d’Italie pour envoyer de l’aide à la Sicile et la Calabre. Ce fut l’un des premiers exemples de solidarité internationale à la suite de catastrophes naturelles.
La Suisse faisait partie de ces pays donateurs. «Les chalets en bois offerts par la Confédération ont été construits dans cette zone, d’où le nom de village suisse», explique Antonino Principato, architecte et grand connaisseur de l’histoire de Messine.
Plus qu’un chalet survivant
113 ans plus tard, il reste très peu de choses de ce groupe d’habitations: un nom et une petite maison. Ce chalet est le seul survivant des 21 qui ont été construits par les artisans suisses venus à Messine pour aider la population. «Chacun des 21 chalets portait le nom d’un des cantons. Malheureusement, nous n’avons pas pu trouver le nom de celui-ci, le seul survivant», raconte Antonio Principato.
Lorsque, dans les premiers jours de 1909, le gouvernement est appelé à organiser l’aide à la population frappée par le séisme, il apparaît immédiatement que le principal problème à résoudre est de donner un toit aux survivants. C’est à l’ingénieur Riccardo Simonetti qu’est confié l’honneur de préparer en peu de temps le «plan des cabanes» de la ville de Messine. Prenant note des offres d’aide arrivant progressivement de différentes parties du monde, il décide de créer trois villages à Messine: le village américain, celui qui porte le nom de la reine Elena, reine du Monténégro, et le village suisse.
«Ce sont des ingénieurs et des ouvriers des pays donateurs qui ont conçu et construit ces villages, et les matériaux venaient aussi de ces pays. C’est pourquoi chacun des villages rappelait les agglomérations urbaines des pays dont ils étaient originaires», explique encore l’architecte.
Ainsi, les chalets qui formaient le village suisse étaient des constructions en bois avec un toit en pente, un grenier habitable et des clôtures tout autour. Et c’est un Suisse qui a été appelé à diriger le chantier du village suisse de Messine et celui de Reggio de Calabre – de ce dernier, cependant, il ne reste rien – et même à choisir à qui confier les nouvelles maisons.
La Gazzetta di Messina e delle Calabrie du 30 juillet 1909 écrit: «Pour le village suisse de Messine, les travaux se déroulent maintenant sans problème (…). Le choix des futurs habitants des chalets se fera parmi les nombreuses candidatures reçues (…). Le délai d’acceptation des candidatures expire le 5 août, et ce n’est qu’après cette date que nous connaîtrons le résultat des candidatures. Les personnes qui souhaitent en profiter doivent donc, dans les quelques jours qui restent, adresser leur demande au capitaine Spychgrol, village suisse de Reggio, en précisant leur profession, leur situation familiale et les dommages subis à la suite de la catastrophe.»
Victimes de la spéculation immobilière
C’est ainsi que 30 familles ont trouvé refuge au village suisse plusieurs mois après le terrible tremblement de terre. Des personnes chanceuses, car contrairement aux nombreuses cabanes qui ont surgi au cours de ces mois pour héberger les survivants, celles offertes par la Suisse étaient de véritables maisons construites avec des matériaux de qualité et conçues pour durer. C’est pour cette raison que lorsque le régime fasciste a décidé de démolir toutes les cabanes du tremblement de terre, celles du village suisse ont été épargnées.
«Ces chalets ont non seulement survécu au plan de démolition fasciste, mais aussi aux bombardements de 1943, qui furent très violents ici à Messine, explique Antonino Principato. Mais ils n’ont en revanche malheureusement pas survécu à la spéculation immobilière des années 1950.»
En effet, à partir de l’Après-guerre, le quartier a été touché par une série de démolitions pour laisser place aux immenses immeubles d’habitation qui caractérisent encore le lieu aujourd’hui. Et c’est ainsi que même les petites maisons suisses en bois ont commencé, une à une, à tomber sous l’emprise du béton. Toutes sauf une.
«Le chalet survivant est encore debout, en partie grâce à la chance et en partie parce qu’en 1998, lorsque j’étais employé municipal et que j’ai été appelé à élaborer le plan d’urbanisme, j’ai placé une restriction sur ce chalet. La raison? Ce bâtiment raconte une partie de l’histoire de notre ville et ne peut et ne doit donc pas être démoli», justifie Antonio Principato.
Aujourd’hui, la petite maison est une propriété privée. Bien qu’abandonnée, elle est en bon état. «Dommage, cependant, que son histoire ne soit pas valorisée, déplore l’homme qui l’a sauvée. La structure est bonne et l’intérieur est très spacieux. S’il y avait des fonds publics et un accord avec le propriétaire, elle pourrait être rénovée et, pourquoi pas, transformée en musée du tremblement de terre de 1908. Mais pour l’instant, il n’existe pas de projet de ce type. À l’heure actuelle, il reste un monument silencieux à la grande action charitable de la Suisse envers notre ville.»
Traduit de l’italien par Olivier Pauchard
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