En Argentine, dans la plus belle librairie du monde
A l’ère numérique, une librairie qui attire les foules? Ça existe. A Buenos Aires, les Grüneisen, une famille argentino-suisse, ont transformé un ancien théâtre Belle Époque en librairie. Ils reçoivent chaque année un million de visiteurs du monde entier.
En 2000, les Grüneisen ont décidé de changer le destin d’un monument d’architecture. Depuis, l’ancien théâtre El Ateneo Grand SplendidLien externe est signalé par les guides de voyage et par les blogs comme un must pour qui visite la capitale argentine. En 2019, National Geographic l’a même nommé plus belle librairie du mondeLien externe.
Ricardo Arturo Grüneisen, président du groupe d’éditions ILHSA, nous montre les lieux où en 2018, le président Emmanuel Macron, ébloui, a passé un heure et demie lors de sa visite en marge du G20. Il regarde aussi en arrière, vers l’an 2000, quand a commencé ce chapitre de l’histoire familiale: «Peu avant la fermeture du théâtre, nous avons décidé de le louer et de la transformer».
En Argentine depuis 1902
Les Grüneisen sont relativement nouveaux dans le monde de l’édition. En arrivant en Argentine au début du 20e siècle, ils cherchent d’abord – comme beaucoup d’émigrants – des terres à cultiver.
«Mon grand-père Karl Otto est arrivé en 1902, à l’âge de 25 ans. En 1908, il a acheté des terres forestières à exploiter à El Chaco, à 1200 kilomètres au nord de Buenos Aires», raconte Ricardo Arturo Grüneisen.
Avec un autre Suisse du nom de Jules-Ulysse Martin, Karl Otto fonde la ville de Villa Ángela et l’entreprise La Chaqueña, qui produit des agents tannants pour l’industrie du cuir.
De la terre au pétrole
Mais la carrière d’entrepreneur de Karl Otto Grüneisen ne s’arrête pas là. «En 1928, il sauve la première compagnie pétrolière d’Argentine, Astra, installée à 1800 kilomètres au sud de Buenos Aires. Elle était alors en difficultés financières, et il en était le vice-président», se souvient son petit-fils.
«Nous avions 25’000 actionnaires à Genève et à Buenos Aires. Mais la situation politique et économique a souvent été difficile. De 1944 jusqu’aux années 1990, nous avons connu 20 gouvernements successifs, dont quatre étaient des régimes militaires – une démocratie avec des interruptions. Et nous avons souvent eu des taux d’inflation à trois chiffres», raconte Ricardo Arturo.
En 1996, les Grüneisen décident de vendre Astra. Avec l’achat du groupe ILHSA, la famille entre dans le monde de l’édition. ILHSA possède aujourd’hui 54 librairies, dont l’ancien théâtre Ateneo Grand Splendid.
«Le théâtre allait fermer, et nous avons décidé d’en faire une librairie», se souvient le petit-fils du fondateur de l’empire familial. Et pour faire grandir nos trois entreprises, La Chaqueña, Astra et maintenant les librairies, dans ce pays atypique, nous avons appliqué une politique très prudente, avec des dividendes très bas».
Visite à Diemtigen
Aujourd’hui, la famille Grüneisen réalise 25% du chiffre d’affaires du marché du livre en Argentine. Cependant, la génération actuelle est retournée au secteur agricole, alors que le pays traverse une nouvelle crise économique.
«Nous faisons la même chose que mon arrière-grand-père. Nous sommes fiers de poursuivre dans cette voie», explique Felipe Cayetano Grüneisen, un des fils de Ricardo Arturo.
Il y a 15 ans, la famille a entrepris un voyage, «pour découvrir nos racines, notre village d’origine, comme il est écrit dans nos passeports: Diemtigen, canton de Berne», raconte Felipe Cayetano. Il s’intéresse beaucoup à ses origines suisses et a passé de nombreuses heures à faire des recherches sur l’arbre généalogique de la famille.
Il y a trente ans, les Grüneisen ont récupéré leurs passeports suisses et depuis, ils participent à distance à la vie politique du pays.
Quelles sont les valeurs héritées de votre arrière-grand-père Karl Otto? «Fondamentalement le travail, l’effort, le dévouement et le sérieux», répond l’autre fils Ricardo Gabriel, lui aussi membre de la quatrième génération des Grüneisen en Argentine, en nous faisant découvrir «la plus belle librairie du monde».
760’200 Suissesses et Suisses vivent à l’étranger, dont 15’000 en Argentine.
(Traduction: Marc-André Miserez)
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