Quand les patients finissent par se prendre en charge eux-mêmes
Dans un système de santé où la relation entre médecin et patient a évolué, certaines personnes se retrouvent livrées à elles-mêmes. Xavière, une patiente valaisanne de 44 ans, a vécu cette solitude médicale. Après des mois de douleurs au dos et un diagnostic erroné, elle a dû se prendre en charge pour obtenir le bon traitement.
En janvier de l’année dernière, faute de produit de contraste, un neurochirurgien ne détecte rien de grave sur son IRM, la renvoyant avec quelques séances de physiothérapie et un rendez-vous six semaines plus tard pour voir comment la situation a évolué.
Mais les douleurs persistent. Une nouvelle IRM révèle une tumeur bénigne dans la moelle épinière. «Les douleurs s’expliquent, mais ce n’est que sur la base d’un rapport que j’ai dû encore quémander, parce que je ne l’avais pas reçu», détaille la Valaisanne, qui n’a jamais été recontactée par son neurochirurgien.

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Pour mettre un mot sur ses douleurs sept mois plus tard, il faudra l’aide de sa thérapeute de shiatsu qui transmet les images à son professeur, lequel identifie le problème et recommande de s’adresser aux Hôpitaux universitaires de Genève.
Xavière prend tout en main, seule, pour contacter les spécialistes. Elle transmet les dossiers et est finalement opérée en mars. Sans intervention, elle risquait la paraplégie.
Un changement dans la relation médecin-patient
Ce parcours illustre le changement dans la relation médecin-patient amorcée il y a cinquante ans. Vincent Barras, historien de la médecine à l’Université de Lausanne, explique que la médecine est passée d’une relation paternaliste, un médecin omniscient, à une relation plus horizontale, avec aussi son lot d’avantages.
«Le patient est beaucoup plus livré à lui-même. Il est beaucoup plus considéré comme autonome. Pour le coup, il endosse aussi beaucoup plus de responsabilités dans la relation, alors que le modèle précédent impliquait une sorte de soumission à un modèle qu’on ne contestait pas», détaille l’historien dans La Matinale.
«Aujourd’hui, c’est frappant de voir à quel point le discours global fait de vous des sujets responsables de votre maladie»
Vincent Barras, historien de la médecine à l’Université de Lausanne.
Cette évolution est liée à l’individualisation de la société et aux progrès scientifiques qui ont fragmenté les spécialités médicales, rendant plus difficile le fait d’avoir une vision globale de la santé d’une personne.
«Dans une société de consommation néolibérale, l’individu devient le noyau à partir duquel le reste se mesure, analyse Vincent Barras. L’expérience même de la maladie se vit comme quelque chose d’individuel et cette évolution est aussi marquée dans les institutions de prise en charge, comme les assurances maladie.»
Et de poursuivre: «Aujourd’hui, c’est frappant de voir à quel point le discours global fait de vous des sujets responsables de votre maladie. Cela se voit aussi dans le discours de la prévention qui va dans ce sens, rendant les individus presque angoissés de leur propre responsabilité devant l’apparition de la maladie.»
Hôpitaux proactifs
Xavière, comme beaucoup d’autres, se retrouve à devoir s’informer, gérer et devenir spécialiste de sa propre condition. Cette autonomie forcée peut cependant être source de solitude et d’angoisse. «Je regrette en quelque sorte le médecin omniscient qui va me guider là où je dois aller», avoue-t-elle.
Bien que cette autonomie présente des avantages, elle peut aussi laisser les patients démunis face à un système complexe. Pour pallier cette solitude, certains hôpitaux mettent en place des services pour recueillir les témoignages des patients et faciliter leur parcours.

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