Raoul Savoy, le prophète du football «qui ne vaut rien dans son pays»
Avec Murat Yakin (Suisse) et Thomas Häberli (Estonie), Raoul Savoy est l’un des rares Suisses à entraîner une équipe nationale de football. Il rêve de participer à la Coupe du monde et de revenir en Suisse. Même si cela lui fait mal que la fédération nationale ne l’ait pas pris au sérieux.
En Suisse, Raoul Savoy n’est pas vraiment un nom connu. Le quinquagénaire a dû mettre un terme à sa carrière active de gardien de but amateur à l’âge de 28 ans en raison de problèmes d’épaule. Il y a aussi été délégué de Neuchâtel Xamax sous l’ère Chagaev en 2011 et a entraîné l’équipe M21 du FC Sion en Promotion League, la troisième division de Suisse. Mais cela s’est arrêté là.
Rêve de coupe du monde avec l’un des pays les plus pauvres du monde
Le travail de Raoul Savoy en Afrique est bien plus passionnant: ses étapes vont du Maroc à la Gambie, en passant par l’Algérie, l’Éthiopie, le Cameroun et l’Eswatini (anciennement Swaziland). Il a entraîné des équipes du nord au sud du continent.
Il est actuellement entraîneur de la République centrafricaine. La Coupe d’Afrique des Nations en janvier prochain a été manquée de deux points. Dans le cadre des qualifications pour la Coupe du monde, son équipe a tout récemment obtenu son premier point lors d’un surprenant match nul (1-1) au Mali, lors du deuxième match.
Atteindre la phase finale est le grand objectif de Raoul Savoy. «Je veux permettre au pays de le faire une première fois, pour rendre les gens d’ici encore plus fiers. Et bien sûr, quand on est entraîneur, on veut participer une fois à une Coupe du monde», dit-il.
Raoul Savoy est conscient que cela restera peut-être un rêve non réalisé. La République d’Afrique centrale est en effet l’un des pays les plus pauvres du monde. Même pour le football, l’argent manque toujours.
Autre problème: de nombreux joueurs ont grandi en Europe et y gagnent leur vie. Tous ne sont pas toujours prêts à supporter les fatigues du voyage et à risquer leur carrière pour leur pays d’origine.
Le meilleur exemple est Geoffrey Kondogbia. L’ancien joueur de l’Inter Milan et de l’Atletico Madrid (il est actuellement engagé à Marseille) n’a disputé qu’une douzaine de matches internationaux à l’âge de 30 ans, dont certains en tant que capitaine.
Bien plus qu’un entraîneur
Dans sa fonction actuelle, Raoul Savoy est cependant bien plus qu’un simple entraîneur. Le scoutingLien externe fait partie de ses tâches, tout comme la planification des voyages. «Il faut régler beaucoup plus de choses, s’occuper de tout. Les voyages sont très longs. Il est parfois difficile de trouver des logements pour l’équipe», explique-t-il.
Au moins, il n’a pas à craindre pour sa sécurité personnelle. «J’ai un poste important, je suis connu là-bas. Les autorités font attention», dit-il.
Raoul Savoy est devenu entraîneur de l’équipe nationale de Centrafrique une première fois en 2014. Mais dans le sillage de la guerre civile, l’équipe s’est disloquée. En Gambie, l’étape suivante, l’argent a fini par manquer. En 2015, Raoul Savoy s’est soudainement retrouvé au chômage.
Considéré comme un touriste en Suisse
Il a obtenu son diplôme d’entraîneur de niveau licence pro Uefa — non pas en Suisse, mais en Écosse. «Lorsque j’ai posé ma candidature pour la formation en Suisse, la fédération a pensé que j’étais un touriste et ne m’a pas pris au sérieux», avait-il raconté à la Neue Zürcher Zeitung il y a deux ans.
On comprend dès lors que sa relation avec son pays d’origine soit quelque peu ambiguë. «On ne m’a jamais sollicité en Suisse. En Afrique, on apprécie mes 20 ans d’expérience et mes qualités», déclare Raoul Savoy.
Mais il n’a pas encore tout à fait renoncé: «la Suisse est ma patrie et je me sens ici un peu comme le prophète qui ne vaut rien dans son propre pays. Mais c’est vrai: j’aimerais bien être entraîneur en Suisse un jour».
Il passe en tout cas les prochains mois en Suisse — sur les hauteurs du Jura vaudois, où vivent sa femme et ses deux filles.
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