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Le «OUI, mais NON» de Berne au Traité contre les armes nucléaires

Missile hypersonique
Photo d’une vidéo fournie par la télévision russe montrant une simulation sur ordinateur du missile hypersonique Avangard. Le président russe Vladimir Poutine a mis en avant de telles armes nucléaires, affirmant qu'elles ont des années et même des décennies d'avance sur les projets des autres pays nucléaires. Keystone

Pour motiver son refus de signer le Traité de l'ONU sur l'interdiction des armes nucléaires, le Conseil fédéral avance les risques que cette adhésion ferait courir à sa diplomatie du désarmement et à sa politique de sécurité, tout en laissant ouverte l’option d’une adhésion future. Décryptage avec Marc Finaud, expert du désarmement basé à Genève.

Fort d’une étudeLien externe sur la question, le gouvernement a décidé de renoncer pour l’heure à signer le Traité de l’ONU sur l’interdiction des armes nucléaires négocié en 2017. «Lors des négociations, la Suisse avait déjà indiqué un nombre important de questions à clarifier. Entretemps, un groupe de travail interdépartemental mené par les Affaires étrangères (DFAE) est arrivé à la conclusion qu’en l’état actuel des choses, les raisons de ne pas adhérer au traité d’interdiction l’emportent sur les bénéfices que présenterait une telle adhésion», précise Berne dans son communiquéLien externe.

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Marc Finaud, spécialiste des questions de prolifération au Centre de politique de sécurité (GCSPLien externe), salue tout d’abord le sérieux de la démarche: «Le rapport est très détaillé. Tous les aspects du traité sont abordés, qu’ils soient juridiques, humanitaires, militaires, politiques et économiques. Cela montre un travail sérieux d’analyse au sein des différents services de l’administration fédérale.»

Une décision sous pression?

Et d’ajouter: «Les arguments économiques avancés suggèrent qu’il y a des capitaux suisses dans certaines entreprises qui fabriquent des armes nucléaires. Or ce traité d’interdiction a engendré un mouvement qui a poussé des fonds de pensions et certaines banques à retirer leurs investissements dans des entreprises liées à la fabrication d’armes nucléaires.»

Si nombre d’arguments étaient déjà connus, Marc Finaud relève une nouveauté dans la mise en avant des relations de la Suisse avec l’Otan et ses pays membres.

Le rapport apporte en effet la précision suivante: «Si, à l’extrême, la Suisse devait se défendre contre une agression armée, elle coopérerait très probablement avec d’autres États ou alliances, notamment avec des États dotés de l’arme nucléaire ou leurs alliés. Dans ce contexte, en vertu de toutes ses obligations internationales et malgré un cadre juridique très étroit, on ne pourrait exclure qu’elle s’appuie sur la dissuasion nucléaire. En adhérant au traité d’interdiction, la Suisse se priverait de l’option consistant à se placer explicitement sous parapluie nucléaire dans le cadre de ce type d’alliance.»

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Quelle neutralité?

Pour Marc Finaud, «cela laisse entendre qu’il y a eu des pressions de ces pays sur Berne qui, par conséquent, préfère s’aligner sur leur position. Mais dire explicitement que l’adhésion à un tel accord empêcherait la Suisse de renoncer à sa neutralité si elle était attaquée devrait au moins conduire à un débat public sur la neutralité de la Suisse.»

Berne estime également que l’absence des puissances nucléaires et de certains de leurs alliés du Traité le rend sans effet. Un argument spécieux, selon Marc Finaud: «Jusqu’à maintenant, la Suisse a signé et ratifié tous les accords de désarmement. Or aucun de ces traités n’est ratifié par l’ensemble des Etats membres de l’ONU. Ce n’est pas parce que certains pays se sont opposés à ce traité qu’il perd sa raison d’être.»

Le gouvernement évoque aussi l’importance stratégique de la dissuasion nucléaire pour la paix dans le monde. Là encore, Marc Finaud se montre sceptique: «L’argument de la dissuasionLien externe, défendu par des pays comme la France, procède de la croyance, comme ce fut le cas avec la Ligne Maginot en 1939. Et ce alors qu’on assiste à une course à la modernisation de l’arsenal nucléaire.»

Et l’expert d’enfoncer le clou: «C’est précisément pour cette raison qu’un grand nombre de pays et d’organisations comme le CICR ont plaidé en faveur du traité, convaincus qu’ils sont que le concept même de dissuasion et la possession d’armes nucléaires doivent être considérés comme contraire au droit international. Tant qu’il n’y a pas d’interdiction, il n’y a aucune incitation au désarment nucléaire.»

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