La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935

Covid-19: l’église évangélique de Mulhouse veut tirer un trait

Mulhouse et la région avaient été fortement touchées lors de la première vague de Covid, en lien avec un gros foyer de contamination dans l'église évangélique (archives). KEYSTONE/AP/JEAN-FRANCOIS BADIAS sda-ats

(Keystone-ATS) Le père est pasteur. Le fils est médecin. Les deux sont chrétiens évangéliques. Samuel et Jonathan Peterschmitt sortent d’une année « éprouvante », marquée par des attaques qu’ils considèrent injustes depuis les contaminations au Covid-19 survenues lors d’un grand rassemblement de leur église à Mulhouse.

« Cette année a été éprouvante, c’est le moins que l’on puisse dire », lâche le pasteur Samuel Peterschmitt, masqué, dans la grande salle de l’Eglise de la Porte Ouverte Chrétienne, où l’accès à une rangée de chaises sur deux est désormais barré.

« Comment a-t-on pu être si sévère avec nous qui ignorions tout ? », s’interroge le pasteur, évoquant « une vague de haine et de violence » contre son église dont la grande croix métallique se dresse au milieu du quartier populaire de Bourtzwiller.

Plus de 2000 personnes réunies

A la tête de cette église évangélique, fondée en 1966 et comptant parmi les plus importantes de France, il avait organisé comme chaque année depuis 25 ans ce rassemblement, du 17 au 21 février 2020. Cinq jours pendant lesquels plus de 2000 personnes ont jeûné et prié ensemble dans ce lieu vaste, mais clos.

« Il n’y avait rien d’anormal, on ne toussait pas particulièrement », se souvient le pasteur. Mais le virus y trouvera de bonnes conditions pour passer à bas bruit de l’un à l’autre. « Si nous avions été avertis ou si on nous avait dit à l’époque que le Covid était présent en Alsace, on aurait annulé le rassemblement », assure Samuel Peterschmitt.

A l’époque, masques et gestes barrière ne font pas partie du quotidien. Le virus, qui recevra son nom de Covid-19 plus tard, « paraissait lointain » et il n’était pas question de « chaînes de contamination directes en France », seulement de cas d’importations, rappelle son fils, Jonathan Peterschmitt, médecin généraliste non loin de Mulhouse.

La puce à l’oreille

Mais quelques jours plus tard, père et fils tombent malade. Le dimanche 1er mars, Jonathan Peterschmitt apprend qu’une femme dont les enfants étaient présents au rassemblement a été testée positive au nouveau coronavirus. Ce « premier cas autochtone en Alsace », associé à « l’absence de beaucoup de paroissiens » à l’église la semaine suivant le rassemblement et à « ces cas de grippe un peu spéciale » qu’il observe chez ses patients, lui mettent « la puce à l’oreille ».

Le jeune généraliste, qui sera parmi les premiers à témoigner de ses symptômes et de son confinement en famille dans les jours qui suivent, entre en contact avec l’Agence régionale de santé (ARS). Tous les participants au rassemblement évangélique sont appelés par les autorités et l’église à contacter le Samu.

« Je suis vraiment très heureux d’avoir fait la démarche finalement quel que soit le prix que ça a pu coûter derrière », affirme Jonathan Peterschmitt, près d’un an plus tard.

Menaces contre l’église

Ce prix a été celui d’accusations et de menaces contre l’église et ses fidèles, mais aussi par ce qu’ils ont ressenti comme une stigmatisation par les médias et l’opinion publique. Le bilan humain a été lourd, puisque 32 personnes présentes au rassemblement sont décédées, sans compter les dizaines d’hospitalisations, indique Samuel Peterschmitt, lui-même hospitalisé une semaine, « comme terrassé » par la maladie.

« Il est difficile pour nous de comprendre pourquoi l’on nous rend responsables finalement de ce dont nous sommes victimes », explique le pasteur. « Nous avons été quelque part un révélateur plus qu’autre chose », argumente Samuel Peterschmitt.

Le sexagénaire estime que les attaques ciblant son église ont témoigné d’un sentiment « anti-religieux » en France et d’une méconnaissance de la présence évangélique dans le pays, alors qu’en février avaient encore lieu divers rassemblements commerciaux ou sportifs.

« Je souhaiterais que nous ne soyons pas un jour dans les livres d’histoire retenus comme ceux qui auraient été la source de contamination de tout un pays », explique Samuel Peterschmitt, assurant parler « sans amertume, sans colère ».

L’édition 2021 du grand rassemblement annuel de l’Eglise de la Porte Ouverte Chrétienne aura lieu avec des cultes filmés en direct. Les croyants seront invités à jeûner et à prier chez eux.

Les plus appréciés

Les plus discutés

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision