La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935

Au Népal et dans l’Himalaya, là où agonisent les glaciers du toit du monde

Le glacier de Yala, au Népal
Le glacier de Yala, au Népal, pourrait disparaître dans les 20 à 25 prochaines années. ICIMOD/Samjwal Bajarcharya

La fonte des glaciers de l'Himalaya accroît les risques d'inondations catastrophiques et réduit les ressources en eau douce pour près de deux milliards d’individus. Les défis de l'adaptation au changement climatique dans un pays pauvre comme le Népal sont simplement gigantesques. Explications.

Avec ses 8’848 mètres, l’Everest est le plus haut sommet de la planète. Mais cette altitude ne le protège pas des effets du réchauffement climatique. L’épaisseur du glacier du col Sud, le plus élevé du toit du monde, a diminué de plus de 54 mètresLien externe depuis la fin des années 1990.

«Des études récentes indiquent que les glaciers de l’Himalaya fondent à un rythme accéléré», explique à SWI swissinfo.ch Sharad Joshi, spécialiste de la cryosphère au Centre international pour le développement intégré des montagnes (ICIMOD), une organisation qui s’occupe de développement durable dans les régions montagneuses de l’Hindou Kouch et de l’Himalaya. Sharad Joshi est aussi le correspondant national au Népal du World Glacier Monitoring Service (WGMSLien externe), basé en Suisse.

Glaciers, fonte locale et impacts globaux

Le Service mondial de surveillance des glaciers (WGMS) recueille et analyse des données portant sur le bilan de masse, le volume, l’étendue et la longueur des glaciers de la planète. Basé en Suisse à l’Université de Zurich, il est né en 1986. Le WGMS dispose d’un réseau de correspondants nationaux dans plus de quarante pays.

À l’occasion de l’Année internationale de la préservation des glaciers, nous avons contacté certains de ces correspondants pour connaître l’état des glaciers dans leur région, les conséquences de la fonte des glaces et les stratégies d’adaptation.

La fin de l’un des glaciers les plus étudiés du Népal

La fonte des glaciers dans l’Hindou Kouch-HimalayaLien externe (HKH), une région qui s’étend sur huit pays, est provoquée par l’augmentation des températures mondiales et les conditions météorologiques locales (froid sec et vents forts). Les régimes de précipitations sont en train de changer, et même à haute altitude, il pleut davantage et neige moins.

Sharad Joshi
Sharad Joshi est le correspondant national au Népal du World Glacier Monitoring Service. ICIMOD

Selon une étude de l’ICIMOD, les quelque 56’000 glaciers du HKH ont fondu à un rythme 65% plus élevé entre 2011 et 2020 qu’au cours de la décennie précédente. Ils pourraient perdre jusqu’à 80% de leur volume d’ici la fin du siècle.

Dans la vallée de Langtang, le glacier de Yala fait partie des plus étudiés du Népal. Il est surveillé par le ICIMOD et c’est le seul de la région himalayenne à figurer sur la Global Glacier Casuality ListLien externe, sorte d’atlas mondial des glaciers récemment disparus ou gravement menacés.

Sa superficie a diminué de plus du tiers entre 1974 et 2021Lien externe et le glacier pourrait disparaître dans les vingt à vingt-cinq prochaines années. «Chaque fois que je m’y rends, je ressens une profonde tristesse devant sa régression massive», confie Sharad Joshi.

>> Lire aussi: Le rôle international clef de la Suisse dans la surveillance des glaciers

Le danger de l’effondrement des lacs proglaciaires

La fonte des glaciers au Népal, explique Sharad Joshi, produit des effets en cascade qui ont des conséquences, tant au niveau local que mondial, pour les communautés comme pour les écosystèmes.

Leur retrait entraîne la formation de lacs proglaciaires. Il s’agit de bassins délimités par des barrages naturels constitués de glace ou de débris rocheux. Un glissement de terrain ou un tremblement de terre est susceptible de provoquer l’effondrement soudain de ces barrages, avec pour résultats des inondations (en anglais Glacial Lake Outburst Floods ou GLOF) et des dégâts dévastateurs pour les villages, les routes, les ponts, les centrales hydroélectriques et autres infrastructures.

>> L’animation ci-dessous vous explique comment
se produit une inondation GLOF:

Contenu externe

En octobre 2023, un glissement de terrain dans le lac South Lhonak, en Inde himalayenne, a produit une vague d’une hauteur de vingt mètres. La crue a causé d’importants dégâts le long d’une vallée étalée sur 386 km. Au moins cinquante-cinq personnes ont perdu la vie et septante autres sont portées disparues.

«Cet événement illustre de manière frappante à quel point les régions de haute montagne sont vulnérables aux effets du changement climatique», constate Christian Huggel, directeur du groupe de recherche sur l’environnement et le climat à l’Université de Zurich et coauteur d’une étudeLien externe récente sur la catastrophe de South Lhonak.

Le nombre de lacs proglaciaires dans l’Himalaya augmente rapidement, selon l’ICIMOD. Au Népal, 21 d’entre eux sont considérés comme étant à risque d’inondations GLOF.

>> Les zones frontières de la région himalayenne sont confrontées à un risque croissant d’inondations GLOF. Une approche suisse fait partie de leur stratégie pour faire face à un avenir incertain, comme l’explique notre article:

Plus

Moins d’eau pour deux milliards d’individus

Les conséquences de la fonte des glaciers sont tout aussi graves à l’échelle régionale que globale. Les glaciers népalais et himalayens alimentent certains des bassins fluviaux les plus significatifs de la planète. Notamment ceux du Gange et du fleuve Jaune. Presque deux milliards d’individusLien externe dépendent de l’eau provenant des glaciers et des neiges de l’Himalaya.

Le recul des glaciers réduit le débit de l’eau en aval, provoquant des carences hydriques saisonnières qui affectent l’agriculture et limitent l’approvisionnement en eau potable, explique Sharad Joshi. «La diminution des réserves hydriques est non seulement un risque pour l’agriculture et la production d’énergie hydroélectrique mais elle pèse aussi sur les écosystèmes locaux et met en péril les espèces adaptées aux milieux froids.»

La fonte des glaciers de l’Himalaya contribue également à l’élévation du niveau des océansLien externe. Ce qui impacte les villes côtières partout autour du globe.

Le village de Rongpo
Le village de Rongpo, en Inde, après l’inondation causée par l’effondrement du lac South Lhonak, le 8 octobre 2023. Keystone

Systèmes d’alerte et canaux de drainage

Le Népal enregistre des progrès en matière de préservation des glaciers, d’adaptation aux évolutions des ressources en eau et de prévention des risques associés, assure Sharad Joshi. «Mais demeurent des défis importants liés à l’ampleur des interventions, au financement et à la technologie.»

Dans certaines zones vulnérables, des systèmes d’alerte précoce ont été établis. Capteurs et sirènes avertissent les communautés situées en aval en cas d’inondation GLOF. S’agissant du lac proglaciaire Imja Tsho, dans la région de l’Everest, un canal de drainage artificiel permet d’abaisser le niveau de l’eau et de réduire le risque d’inondation.

Mais de nombreux lacs considérés comme critiques sont situés dans des zones isolées et inaccessibles. Réduire les risques coûte cher pour un pays comme le Népal, relève Sharad Joshi. Le gouvernement estime à 47 milliards de dollarsLien externe (41,4 milliards de francs) les investissements nécessaires d’ici 2050 pour s’adapter au changement climatique.

Une conservation efficace des glaciers et l’adaptation aux évolutions du climat requièrent des politiques gouvernementales plus efficaces, plus de financement et plus de coopération régionale, estime le spécialiste. «J’espère que l’Année internationale de la préservation des glaciers contribuera utilement à ces efforts.»

Texte relu et vérifié par Gabe Bullard, traduit de l’italien par Pierre-François Besson/dbu

Avec notre application SWIplus, vous recevez chaque jour un condensé des principales actualités de Suisse, les émissions d’information phares de la RTS – telles que le 19h30 et Forum – ainsi qu’un suivi personnalisé des développements dans le canton de votre choix. Pour en savoir plus sur l’application, cliquez ici.

Les plus appréciés

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision