La forêt suisse résiste bien
Il n'est plus question de sa mort. Pour autant, le rapport forestier 2005 parle d'une forêt trop vieille, sous-exploitée et qui reste menacée par la pollution.
A noter encore que la forêt suisse ne cesse de croître: chaque année, elle gagne une surface équivalente à celle du Lac de Thoune.
«Bien que les surfaces de feuillages et d’aiguilles soient plus clairsemés qu’au milieu des années 1980, nous savons désormais que le nombre d’arbres qui meurent est à peine plus élevé qu’auparavant», explique Willy Geiger, vice-directeur de l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP).
Lundi à Berne, l’OFEFP et l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) ont présenté leur Rapport forestier 2005. Le document dresse pour la première fois un aperçu complet des forêts suisses et semble bien sonner le glas de la grande peur de la «mort des forêts».
Premier constat, loin de reculer, la forêt s’est considérablement étendue ces dernières décennies. Elle occupe aujourd’hui presque un tiers du territoire et gagne chaque année 50 km2, soit l’équivalent du lac de Thoune. Une progression qui se fait surtout dans les Alpes.
La pollution est toujours là
Le tableau n’est pas totalement rose pour autant. Malgré les progrès réalisés dans le domaine de la protection de l’air, 90% des surfaces forestières restent exposées à de trop fortes concentrations d’ozone et d’azote, générées avant tout par l’agriculture et les gaz d’échappement.
Les valeurs limite sont largement dépassées sur le Plateau, en bordure des Alpes et au Sud du Tessin. Ces polluants exposent les forêts à une agression importante et diminuent leur rendement. A cela s’ajoutent encore les attaques du bostryche, les périodes de sécheresse et les tempêtes.
La forêt vieillit
Par ailleurs, les forêts suisses sont toujours sous-exploitées. Dès lors, elles vieillissent et deviennent plus denses. Et l’obscurcissement qui en résulte nuit aux espèces végétales qui ont besoin de lumière et de chaleur.
La flore et la faune des forêts humides, soit des espèces comme la fougère des marais ou le martin pêcheur, sont également menacées. Mais globalement, la diversité biologique se porte bien: les forêts abritent au total 32’000 espèces animales et végétales, soit 40% de toutes les espèces présentes en Suisse.
Le Rapport souligne également la nécessité de continuer à entretenir et de favoriser la régénération des forêts protectrices. Le rempart qu’elles offrent contre les avalanches, les coulées de boue, les chutes de pierre et les glissements de terrain est en effet compromis en maints endroits.
Une économie en crise
Si la forêt est en bonne santé, l’économie forestière, en revanche, est en crise, essentiellement à cause du faible prix du bois et des coûts de production importants.
La forte concurrence étrangère a entraîné la perte de 10% des emplois du secteur ces six dernières années. Seul point positif, la demande en bois d’énergie a beaucoup augmenté, et l’actuelle flambée des prix du pétrole pourrait contribuer à accélérer ce mouvement.
La Confédération ne doit pas moins faire quelque chose pour améliorer les conditions générales de l’économie forestière. Elle propose donc une révision partielle de la loi fédérale sur les forêts, pour faire progresser la demande en bois. L’entretien des forêts est à ce prix.
Pas que du bois
Le Rapport rappelle en outre que les forêts ne se limitent pas à fournir du bois. Ainsi, le gibier abattu dans les bois helvétiques représente chaque année quelque 1800 tonnes de viande, soit 130’000 bêtes tuées par environ 30’000 chasseurs, pour une valeur de 18 millions de francs.
Autre source de revenu, le miel de forêt, avec 550 tonnes par an (plus de 10 millions de francs) et les champignons: 450 tonnes, pour un total de 9 millions de francs.
Par contre, les sapins de Noël ne sont que 100’000 à provenir des forêts suisses, pour un prix total de 4,5 millions. Les Suisses achètent bien chaque année un million de sapins à décorer, mais les deux tiers sont importés (principalement du Danemark), et les autres proviennent de pépinières spécialement dévolues à cet usage.
Critiques écologistes
Les conclusions du Rapport ne convainquent pas les défenseurs de l’environnement, au contraire de l’industrie du bois. Les premiers ne veulent pas d’une exploitation plus efficace de la forêt au détriment de la protection de la nature.
Dans un communiqué diffusé lundi, Pro Natura estime que la révision de la loi sur les forêts met en danger la diversité biologique en forêt sans apporter de réels gains pour l’économie forestière.
«Les exigences de la Confédération en faveur d’une sylviculture proche de la nature doivent impérativement être aussi larges que possible et en aucun cas rétrogrades par rapport à la pratique actuelle», note l’organisation.
Du côté de l’économie suisse du bois, on se réjouit que le Rapport relève «enfin» l’utilisation insuffisante de cette matière première et montre la situation désolante de l’industrie forestière, explique l’organisation faîtière Lignum. Selon elle, il est nécessaire de corriger d’urgence les conditions cadre.
swissinfo et les agences
Surface forestière: environ 1,2 million d’hectares, soit 30% du territoire suisse.
9% des surfaces de forêt sont des forêts protectrices.
La forêt suisse appartient pour 73% à des collectivités publiques et pour 27% à des privés.
Environ 7300 personnes travaillent dans le secteur forestier
Environ 73’400 personnes travaillent dans l’industrie du bois.
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