Les centrales à gaz ne séduisent pas les Verts
Les Verts suisses ne renoncent pas à leur rêve d'une société fonctionnant uniquement avec des énergies renouvelables mais ils ont entamé un débat sur un éventuel recours à de nouvelles énergies non renouvelables pour une période transitoire. Les centrales à gaz ne constituent pas une priorité.
En matière d’énergie – et plus spécifiquement de production d’électricité – la Suisse se retrouve actuellement confrontée à un problème. Ses centrales nucléaires, qui fournissent 40% de la production, arrivent en effet en bout de course.
L’idéal serait de parvenir à n’utiliser que des énergies renouvelables. Mais pour l’heure, ce n’est qu’un vœu pieux. Pour les plus optimistes, ce rêve ne pourrait devenir réalité que vers le milieu du siècle au plus tôt.
En attendant, la Suisse doit trouver d’autres solutions pour assurer son approvisionnement. Deux options sont actuellement discutées dans le milieux politiques: la construction de nouvelles centrales nucléaires ou de centrales thermiques classiques, en l’occurrence à gaz.
Ces deux options présentent des avantages et des désavantages. Le nucléaire reste une technologie qui fait peur, mais ne rejette pratiquement pas de CO2, avantage non négligeable en cette époque où le terme «réchauffement climatique» est sur (presque) toutes les lèvres. Pour le gaz, c’est l’inverse: cette technologie n’inquiète personne mais rejette du CO2, comme toute les énergies fossiles.
Un gros malentendu
Durant la dernière semaine de juin, le quotidien romand Le Temps a lancé un pavé dans la mare en annonçant que le maire écologiste de Lausanne et député Daniel Brélaz n’était pas hostile au nucléaire durant une période transitoire, en attendant qu’il soit possible de ne travailler qu’avec des énergies renouvelables.
Mais l’affaire s’est immédiatement dégonflée. Il s’est en effet avéré qu’il y a eu un malentendu entre Daniel Brélaz et le journaliste du Temps. Le maire de Lausanne a en fait déclaré qu’il était favorable à l’établissement de centrales à gaz durant cette période transitoire et à la condition que les rejets de CO2 soient compensés à hauteur de 20 à 30%.
Quant au nucléaire, ce n’est pas une option pour Daniel Brélaz. «Un accident de type Tchernobyl et c’est la moitié de la Suisse inhabitable pendant des centaines d’années; je crois que personne ne veut ça», a-t-il déclaré sur les ondes de la Radio romande.
Le nucléaire: jamais
La chose qui apparaît le plus clairement dans ce débat énergétique, c’est que le nucléaire n’est définitivement pas une option pour les milieux écologistes. Aucun des interlocuteurs contactés par swissinfo ne veut de cette solution.
«Il n’y a aucune discussion possible sur le nucléaire chez nous», déclare ainsi le député Ueli Leuenberger. Pour le président du Parti écologiste suisse, cette technologie est dangereuse, coûteuse et produit des déchets dont on ne sait toujours pas que faire en Suisse. Il dénonce aussi les liens entre le nucléaire civil et militaire.
«Nous ne sommes pas des idéologues, mais les principaux arguments sont la gestion des déchets et la sécurité; l’énergie nucléaire n’est pas une énergie viable pour notre société», confirme de son côté Antonio Hodgers, lui aussi député écologiste.
Cette position définitive n’étonne guère le politologue Andreas Ladner, co-auteur d’un livre récent intitulé Die Grünen in der Schweiz. «Le nucléaire n’est pas une option, d’autant plus que, historiquement, le Parti écologiste a grandi avec le combat contre le nucléaire», déclare-t-il.
Eventuellement le gaz
Reste donc l’option du gaz. «Le seul débat qui est ouvert chez les Verts actuellement tourne autour des centrales à gaz, confirme Ueli Leuenberger. Mais nous y sommes en principe très majoritairement opposés en raison du CO2. Le véritable débat tourne autour des compensations écologiques des petites et moyennes centrales à gaz.»
Un tel débat a actuellement lieu parmi les Verts genevois. «Les services industriels ont proposé la construction d’une centrale à gaz, explique Antonio Hodgers. Sur le principe, les Verts n’y sont pas favorables. Mais cette centrale ne servirait pas uniquement à la production d’électricité; elle permettrait aussi de chauffer des quartiers de la ville. Le remplacement du mazout de chauffage se solderait donc par un bilan écologique plus favorable qu’aujourd’hui, d’où le débat.»
Mais la solution du gaz ne serait qu’un ultime recours. Pour les écologistes, il convient d’abord d’explorer plus à fond la piste des économies d’énergie et le développement des énergies renouvelables. Or, à leurs yeux, la marge de manœuvre de la Suisse reste… énorme.
D’abord les économies
«Nous sommes sidérés que face à la question climatique, les partis majoritaires ne sont toujours pas prêts à prendre des mesures d’urgence», dénonce Ueli Leuenberger. Qui ne comprend «toujours pas» pourquoi les ampoules classiques ne sont pas interdites, pourquoi il n’y a pas de mesures plus radicales contre le stand-by ou encore pourquoi la Suisse importe encore des appareils électriques dont l’étiquette énergétique est supérieure à A.
«Toutes ces mesures sont à prendre. Or tant que nous n’avons pas une véritable volonté qui se traduit par des décisions, nous ne nous laisserons pas entraîner dans un débat où il est question de l’absolue nécessité de centrales à gaz, voire nucléaires», affirme Ueli Leuenberger.
Par ailleurs, la piste des énergies renouvelable n’est elle non plus de loin pas épuisée. «On se repose sur les énergies fossiles comme sur un oreiller de paresse, dénonce Antonio Hodgers. Nous avons par exemple 80 fois moins d’éoliennes que l’Autriche, un pays assez similaire à la Suisse.»
Pour les Verts la question des centrales à gaz ne peut constituer qu’un ultime recours. Pour l’heure, place d’abord au développement des énergies renouvelables et des économies, car, comme le souligne tant Ueli Leuenberger qu’Antonio Hodgers, «la meilleure énergies, c’est celle que l’on n’utilise pas»…
swissinfo, Olivier Pauchard
La consommation d’électricité en Suisse s’est établie à 57,4 milliards de kilowattheures en 2007.
55,2% étaient d’origine hydraulique.
40% étaient d’origine nucléaire.
4,8% provenaient de centrales thermiques classiques et d’autres installations.
En Suisse, la première section des Verts a été créée en 1971 dans le canton de Neuchâtel pour combattre un projet autoroutier.
En 1979, les Verts ont fait leur première apparition au parlement fédéral avec l’élection de Daniel Brélaz. En 1983, plusieurs groupes se sont unis au sein de la Fédération des partis écologistes suisses.
Ces dernières années, les Verts ont connu une progression rapide. Ils siègent désormais dans plusieurs gouvernement cantonaux et municipaux.
Au niveau national, ils forment le plus grand parti non gouvernemental. Lors des dernières élections fédérales de l’automne dernier, ils sont parvenu à réunir pas loin de 10% des suffrages et disposent ainsi de 20 représentants au Parlement.
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