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Les partis face à l’urgence climatique

Al Gore était à Zurich pour y présenter «Une vérité qui dérange», Keystone

Cette semaine, le réchauffement climatique a fait à nouveau parler de lui en Suisse avec la sortie du film d'Al Gore et le Festival international Media Nord Sud à Genève.

L’urgence de la situation n’est plus à démontrer. Mais les partis politiques peinent à pousser ce thème dans leurs programmes. Et la population suisse n’est guère préoccupée.

«Une vérité qui dérange», le documentaire sur Al Gore – l’ancien candidat à la présidence des Etats-Unis – et son diagnostic dévastateur sur le dérèglement du climat a débarqué cette semaine en Suisse. Une sortie cinéma qui coïncide avec la 22e édition du Festival international Media Nord Sud à Genève et dont le thème est justement le réchauffement climatique.

Difficile donc d’ignorer l’importance de cette question abondamment relayée par les médias et dont les conséquences catastrophiques sont de plus en plus palpables.

«Cela fait des années que l’on connaît les risques liés au réchauffement climatique et l’implication de l’homme dans ce phénomène. Depuis lors, la science permet juste d’affiner la compréhension du processus», rappelle Philippe Roch.

Et l’ancien directeur de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) d’ajouter: «l’incertitude demeure sur la vitesse et l’ampleur de ce réchauffement, tout comme ses conséquences exactes pour telle ou telle région.»

En passant, Philippe Roch balaye la controverse scientifique sur la responsabilité humaine dans la hausse de température du globe: «Depuis 4 à 5 ans, la grande majorité des scientifiques en est convaincue.»

L’après Kyoto

La communauté internationale s’est d’ailleurs déjà dotée d’un premier instrument de lutte avec la Convention de l’ONU sur les changements climatiques (1992) et le protocole de Kyoto (1998). Et le mois prochain, les Etats signataires se retrouvent à Nairobi pour réfléchir à l’après Kyoto lors de la 12e Conférence mondiale sur le climat. Un sommet préparé en septembre à Zurich.

«Kyoto constitue un premier pas. Mais il faut aller beaucoup plus loin pour réduire l’émission de gaz à effet de serre», rappelle Philippe Roch. Or, cet effort passe aussi par une prise de conscience et la pression de l’opinion publique.

«Le niveau d’information de la population suisse est relativement élevé, estime l’ancien haut-fonctionnaire suisse. Mais il est nettement plus difficile de la convaincre de passer à l’action.»

De son coté, Claude Longchamp souligne que les préoccupations des Suisses concernent essentiellement la situation économique et sociale du pays ou l’état des finances publiques.

«Dans les années 80, le thème de l’écologie et de la fin de la civilisation due à la pollution connaissait un certain succès. Mais la situation des Suisses était meilleure qu’aujourd’hui», rappelle le directeur de l’institut gfs.berne qui sonde régulièrement les préoccupations des Suisses.

Le rôle des partis

Raison pour laquelle le rôle des partis est capital pour élaborer les politiques à même de lutter contre le réchauffement climatique. «Encore faut-il qu’ils le jouent», assène Philippe Roch.

«Les questions environnementales sont plus ou moins intégrées dans les programmes politiques, à gauche surtout», nuance Claude Longchamp.

Cette configuration politique et l’importance croissante des questions environnementales – y compris la gestion des ressources naturelles – devraient donc logiquement profiter au parti des Verts.

«C’est le seul parti qui a progressé depuis 2003, comme le révèle les sondages et les élections cantonales», constate le politologue Pascal Sciarini.

«Mais il n’est pas sûr que ses succès sont la conséquence de préoccupations environnementales», ajoute le directeur du département de science politique de l’université de Genève.

Les nouveaux sociaux démocrates

Quoi qu’il en soit, les Verts jouissent d’un autre atout, selon Pascal Sciarini. «Avec plus de femmes et de jeunes, leur image reste différente des partis traditionnels. Et dans un paysage politique de plus en plus polarisé, les Verts font figure de nouveaux sociaux démocrates.»

Et d’ajouter: «leur programme est ancré au thème du développement durable. Cela leur donne une cohérence que les autres partis n’ont pas.»

Raison pour laquelle, selon le politologue, leur marge de progression – ils font actuellement autour de 10% des voix – est importante en particulier dans les villes et les milieux fortement éduqués.

Un pronostique que Philippe Roch ne peut qu’approuver: «Mais pour se faire, les Verts ne devraient pas systématiquement se situer à gauche. Ils doivent également rester pragmatiques».

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

Le 22e Festival Media Nord Sud a décerné son Grand Prix de Genève à deux films documentaires traitant du réchauffement climatique. Le Prix international des médias a été attribué à l’écrivain français Erik Orsenna.

Grand voyageur et membre de l’Académie française, Erik Orsenna est l’auteur de «Portrait du Gulf Stream» (2005). Préoccupé par la santé du Gulf Stream, il a suivi ce courant par terre et par mer, naviguant jusque dans l’Antarctique.

Avec pour thème le réchauffement de la planète, le festival a organisé 10 colloques, 35 projections de films et deux soirées spéciales.

Des vedettes se sont mobilisées pour s’engager contre le réchauffement climatique, avec la présence notamment de Bertrand Piccard, du prince Albert de Monaco, de Mike Horn, de la navigatrice Ellen MacArthur et de l’ancien champion olympique d’athlétisme Edwin Moses

Selon un scénario moyen, les températures augmenteront dans toute la Suisse davantage et plus vite qu’à la fin du 20e siècle (environ 2 degrés en hiver et 3 degrés en été).

Avec un tel réchauffement, la limite des chutes de neige remontera en moyenne de 300 m et les pluies hivernales en moyenne altitude seront plus fréquentes.

Les glaciers vont de ce fait continuer de reculer: dans 50 ans, il ne restera plus qu’un quart de la surface glacière actuelle.

Les précipitations augmenteront d’environ 10% en hiver et diminueront de près de 18% en été. Ainsi, la moyenne annuelle aura tendance à baisser; les différences d’une année à l’autre resteront toutefois élevées.

Les conséquences économiques des changements climatiques pour la Suisse n’ont encore été que peu étudiées. Les premières estimations, datant de 1998, prévoient des pertes ou des coûts annuels d’environ 3 milliards de francs.

Des analyses plus détaillées sont en cours à l’Office fédéral de l’environnement. Les premiers résultats seront connus en 2007.

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