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Moritz Leuenberger en Inde pour défendre le climat

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Le ministre suisse de l'Environnement, était à New Delhi à l'occasion du Sommet du Développement Durable 2009. L'occasion de s'entretenir avec lui des défis qui attendent la Suisse et les pays en voie de développement.

Cette rencontre se veut une réunion préparatoire du Sommet sur le changement climatique de Copenhague, en décembre prochain. Moritz Leuenberger, qui en plus de l’Environnement, est également en charge des domaines des Transports, de l’Energie et de la Communication, y représentait la Suisse.

swissinfo: En tant que ministre de l’environnement, quelles sont vos premières impressions de New Delhi, une des capitales les plus polluées du monde ?

Moritz Leuenberger: (sourire) Qu’il y a certainement beaucoup de choses à faire ! Mais le fait que la ville organise cette rencontre internationale est extrêmement positif. J’étais l’an dernier au sommet de Bali où l’Inde a défendu très durement ses intérêts. Une réunion organisée aujourd’hui dans la capitale indienne, c’est un signe.

C’est aussi un moyen de venir sensibiliser les Indiens chez eux… c’est d’ailleurs pour ça que tout le monde est venu: pour saisir l’occasion de faire bouger les pensées politiques et commerciales du pays.

swissinfo: L’Inde est le troisième pollueur mondial après les Etats-Unis et la Chine, mais c’est surtout un pays en plein développement qui n’a pas du tout envie de voir sa croissance freinée par des questions environnementales. Quels sont les instruments de la politique Suisse pour convaincre un tel partenaire ?

M.L.: Il y a dans les pays du sud, en Inde comme ailleurs, des gouvernements et des milieux d’affaires qui sont réticents aux négociations sur le changement climatique. Tout passe donc par le dialogue international. Hier à Abou Dhabi, demain au Kenya, c’est très important de se déplacer pour convaincre de la nécessité d’une nouvelle politique en matière d’environnement.

Nous, en Suisse, nous avons la chance d’avoir d’excellentes relations avec le reste du monde grâce à la Genève internationale. Nous sommes privilégiés et il nous faut employer de manière responsable ces liens particuliers.

Nous avons aussi des négociateurs professionnels permanents sur ces questions… Le cas de la Suisse est assez proche de celui des pays scandinaves qui utilisent les négociations non pas uniquement dans leur propre intérêt – pour exporter plus ou pour gagner des marchés – mais au nom d’un idéal plus grand, au nom de l’humanité on peut dire. C’est d’ailleurs un idéal qu’on retrouve avec la Croix-Rouge internationale.

swissinfo: Quelles sont les positions que vous allez défendre à Copenhague à la fin de l’année ?

M.L.: En premier, il faut que les Etats se fixent des buts chiffrés, concrets de réduction des gaz à effet de serre dans la résolution finale. C’est le plus important. Nous devons l’obtenir.

Ensuite, il faut trouver un financement pour les mesures d’adaptation au réchauffement climatique. Dans ce domaine, il existe deux philosophies. La première, c’est celle d’une taxe mondiale sur les émissions de CO2. C’est la position défendue par la Suisse. L’autre, c’est de financer l’adaptation par le marché, au moyen du commerce des certificats d’émissions de carbone..

swissinfo: Mais concrètement, est-ce que ces grands rendez-vous internationaux servent vraiment à quelque chose ?

M.L.: Quand j’ai été pour la première fois à Kyoto, j’ai presque été choqué. C’est une répétition de discours les uns après les autres. Et on se demande à quoi ça sert parce qu’on ne voit pas les résultats concrets.

Mais en fait, pour comprendre la nécessité de ces rencontres, il faut faire la comparaison avec un parlement national. Le fonctionnement est le même. Un parlement national est aussi un forum vis à vis du public. Un politicien vient toujours d’une région où il représente des électeurs et s’il prend la parole dans ce parlement c’est au nom des gens qui l’ont élu. Un évènement comme aujourd’hui par exemple, c’est exactement ça, un ministre parle après l’autre, et encore un autre, et ainsi de suite.

C’est important car les médias vont ensuite relayer les idées au sein de la société. Et en Inde, où la résistance aux thèmes qui seront débattus à Copenhague est très grande, ce genre de rencontre prend tout son sens. Elle peut faire changer les mentalités. Mais il ne faut pas attendre de ce genre de rencontres qu’il y ait des résultats concrets le lendemain…

A Copenhague, il va falloir obtenir un consensus: tous les pays du monde doivent se rallier à la proposition finale, et pour obtenir ce résultat, il faut utiliser la communication humaine et confronter les points de vue. Seule la discussion permettra d’obtenir un accord.

swissinfo: En quoi consiste aujour’d’hui la coopération suisse au développement en Inde ?

M.L.: «Je ne connais pas tous les détails de notre coopération au développement… mon conseiller saura beaucoup mieux vous répondre ! », avoue le ministre, qui se tourne vers son voisin, collaborateur de la Direction et de la coopération et du développement (DDC) en Inde.

François Binder: Concrètement, il s’agit de renforcer les capacités des communautés rurales à affronter les changements climatiques. Toute variation de climat est négative pour les populations – que ce soit plus ou moins de pluies – donc on aide les habitants à s’adapter.

On leur conseille de changer leurs pratiques agricoles, d’adopter de nouveaux types de semences, ou encore de mieux protéger leurs sols.

On voudrait aussi aider l’Inde à mieux comprendre les effets du changement climatique. Le but est de savoir comment s’opèrent ces changements et de, peut être, prédire ce qui va se passer en établissant des stations météorologiques au niveau local.

Nous sommes présents depuis longtemps dans le Maharastra, la région de Bombay, où nous avons tissé des liens au niveau des villages, l’équivalent des communes en Suisse. Nous allons aussi continuer à travailler au Sikkim, une région de l’Himalaya et dans le Kerala, dans le sud de l’Inde, où le climat est tropical. Ce sont trois régions aux climats différents qui vont nous permettre d’établir des modèles que l’on pourra ensuite appliquer ailleurs.

Interview swissinfo: Miyuki Droz Aramaki à New Delhi

L’ONG TERI. Le Sommet du Développement Durable à Delhi a lieu dans la capitale indienne du 4 au 7 février 2009. La rencontre, qui réunit des chefs d’Etat, des ministres, des représentants de la société civile et des chefs d’entreprise, est organisée par l’ONG TERI (The Energy and Resources Institute). Elle a lieu tous les ans depuis 2001.

Le thème de l’édition de cette année est «Copenhague: pour une approche équitable et éthique», en référence au prochain sommet international de Copenhague, en décembre prochain. Les pays signataires du Protocole de Kyoto devraient à cette occasion conclure un nouvel accord pour succéder au Protocole de Kyoto, qui échoit en 2012.

Membre du Conseil fédéral (gouvernement) depuis 1995, Moritz Leuenberger en est le doyen de fonction. Il a été Président de la Confédération en 2001 et 2006.

Né à Bienne en 1946, il a commencé sa carrière politique en 1974 au Parlement de la ville de Zurich, sur les rangs du Parti socialiste.

Cette année, en tant que ministre de l’Environnement, il s’est déjà rendu au World Future Energy Summit 2009 à Abou Dhabi en janvier et au Sustainable Development Summit à New Delhi début février.

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