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Un loup ne vaut pas plus qu’un lynx

Le grand méchant loup continue de faire peur. Keystone

La Suisse demande au comité permanent de la Convention de Berne de déclasser le loup d'«espèce strictement protégée» en «espèce protégée».

Si les 27 Etats sigantaires se mettent d’accord, le loup aura le même statut que le lynx et il pourra faire l’objet de tirs de régulation. Prévu lundi, le débat a été ajourné.

Le comité permanent de la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage siège dès lundi et jusqu’à vendredi à Strasbourg.

Mais il ne prendra pas de décision dans l’immédiat. En effet, il souhaite, au préalable, un certain nombre de clarifications juridiques.

Selon l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP), il aimerait également des compléments d’informations sur la situation du loup en Europe et son influence sur l’agriculture.

Adapter la Convention à la pratique

La requête de la Suisse permettrait «d’adapter la Convention à la pratique», explique Willy Geiger, sous-directeur de l’OFEFP.

Certes, l’article 9 du texte permet d’abattre un animal strictement protégé, notamment «pour prévenir des dommages importants au bétail», pour autant que la survie de l’espèce ne soit pas compromise. Mais l’esprit de la Convention n’est pas vraiment respecté.

Un déclassement mettrait en outre sur pied d’égalité les Etats signataires du document. Actuellement, 12 pays sur 27 – ceux du nord et de l’est de l’Europe où l’animal est solidement implanté – refusent de protéger totalement l’espèce.

«Lancer la discussion»

La demande suisse devrait également «lancer la discussion au sein du Conseil de l’Europe», dépositaire de la Convention, espère Willy Geiger.

Jusqu’ici, si la collaboration scientifique transfrontalière marche bien, la coordination politique reste inexistante.

Une situation aberrante, soulignent les experts, vu la grande capacité de déplacement de l’animal. La présence de loups «italiens» vient par exemple d’être confirmée dans les Pyrénées- Orientales.

Ambiguïtés valaisannes

Mais y a-t-il une réelle volonté de collaborer? En Suisse, rappelle Willy Geiger, le Valais soutient la demande et «évoque souvent la nécessité de travailler avec l’Italie». Pourtant, il a refusé, en début d’année, de participer à un programme «loup» interrégional proposé par le Piémont.

Les Grisons ont également décliné l’offre. Le Tessin, lui, était intéressé, à la condition qu’il ne soit pas seul. «Pourtant, souligne le sous-directeur de l’OFEFP, une gestion transfrontalière avec le Piémont et la Lombardie, d’où les loups arrivent, serait pourtant pertinente.»

Selon Narcisse Seppey, chef du service valaisan de la chasse, la collaboration est active avec la France et l’Italie au niveau des responsables locaux de la chasse.

Au niveau politique, déplore Willy Geiger, les contacts pris par l’OFEFP à Rome et à Paris sont pour l’heure restés «lettre morte».

Ecologistes inquiets

L’idée de déclasser l’animal inquiète les écologistes. «La demande suisse et dangereuse, elle pourrait conduire à une nouvelle persécution du loup dans d’autres pays», déclare Urs Tester, spécialiste des carnassiers cité dans le communiqué de Pro Natura.

L’organisation écologiste a donc lancé une campagne de protestation par Internet. Et de préciser que le ministère de l’environnement a reçu 1700 mails en l’espace d’une semaine seulement.

On est dans «une gestion minimale», sans aucune planification à long terme ni entre pays, commente pour sa part le biologiste Jean-Marc Landry, ex-responsable du projet «Loup Suisse» pour le Bas-Valais.

Un question qui divise

Sur l’idée de déclasser l’animal, les scientifiques sont divisés. «Certains, indique Jean-Marc Landry, trouvent censé d’adapter la loi à la pratique, alors que d’autres craignent que les loups ne soient systématiquement tirés, ce qui mettrait en danger la survie de l’espèce.»

Le biologiste se place dans la deuxième catégorie. «Dans l’arc alpin, explique-t-il, la population de loups n’est pas installée; en tuer la mettrait en péril à long terme.»

Willy Geiger réfute l’argument: «Le loup resterait ainsi une espèce protégée».

Prévention insuffisante



Sur onze spécimens identifiés sur territoire helvétique depuis 1995, six ont été abattus dont trois légalement. Trois à six sont actuellement recensés en Suisse.

Un loup doit avoir tué 35 animaux de rente en quatre mois ou 25 en un mois pour qu’une autorisation de tir soit délivrée.

De l’aveu même de Jean-Marc Weber, responsable du suivi du loup pour la Confédération, les mesures de prévention des attaques restent «insuffisantes».

swissinfo et Emmanuelle Clerc (ats)

11 loups ont été identifiés en Suisse depuis 1995.
6 ont été abattus.
3 à 6 animaux sont actuellement recensé dans le pays.

– En Suisse, environ 500 alpages sont concernés de près ou de loin par le loup.

– Seuls 75 chiens y sont utilisés pour protéger les troupeaux.

– La Confédération alloue un budget de 800’000 francs pour la prévention. Aucune augmentation n’est prévue.

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