15, Place Vendôme – de César Ritz à Lady Di
A l'origine du palace parisien et du raffinement qui le caractérise, un homme venu des Alpes, du Haut-Valais précisément, César Ritz.
Promenade au passé et au présent dans un lieu qui n’est autre que l’ancêtre de tous les palaces du monde.
Place Vendôme. Cartier, Van Cleef & Arpels, Dior, Patek Philippe, Chaumet, et j’en oublie. Parmi cet alignement de quincailliers haut de gamme, le Ministère français de la Justice, et juste à côté, l’Hôtel Ritz.
L’accueil d’Amélie-Anne Barbot, assistante du responsable des relations publiques, est chaleureux. Mais attention, le Ritz, c’est un peu Fort Knox. D’accord pour un article, mais pas pour le moindre audio. Et pas de photo à l’intérieur du palace. Pour ne pas déranger les clients, mais aussi parce que chaque lieu doit être préalablement et rigoureusement «préparé». On ne plaisante pas avec le luxe.
Ambiance
Des tapis épais comme une prairie normande. Des plafonds perchés à une hauteur qui vous file le vertige. Un décor de dorures, de fleurs, d’antiquités, de bibelots précieux, le tout dans une atmosphère chic et feutrée. En un mot: «ritzy». Puisque l’hôtel a inspiré un adjectif aux anglo-saxons, les principaux clients du lieu. Ernest Hemingway n’a-t-il pas fait partie des «libérateurs» du palace en 1944 ?
Amélie-Anne Barbot me fait visiter les lieux. En sous-sol, le ‘Ritz Health Club’ – club privé très sélect – et son immense piscine gréco-romaine. L’école de cuisine Ritz-Escoffier, où s’affairent une petite nuée de libellules asiatiques. Les cuisines elles-mêmes. Puis le somptueux ‘Espadon’.
La ‘Galerie des tentations’, qui relie les deux côtés de l’hôtel, côté Vendôme et côté Cambon. «Une galerie marchande qui est tellement glamour que c’en est presque devenu un musée. Une façon de mettre la rue Saint-Honoré dans l’hôtel, à disposition des clientes» commente Amélie-Anne Barbot.
Et la suite Coco Chanel, où résida la couturière pendant plusieurs années. C’est vaste, beau et rococo. Ascètes s’abstenir. Expérience personnelle amusante: vous ouvrez la porte-fenêtre, passez sur la minuscule terrasse… En contrebas, sur la place Vendôme, les visages se tournent immédiatement vers vous en se demandant qui vous êtes. Pas de chance, ô populace, ce n’est que moi !
Un peu d’histoire
César Ritz est né dans le Haut-Valais en 1850, dans une famille de bergers. Placé encore enfant dans l’hôtellerie, il va réussir une formidable trajectoire. Brigue, Paris, Lucerne, Monaco, Baden-Baden, Londres, il acquiert une expérience, une réputation et une fortune qui vont lui permettre d’acheter à Paris un hôtel particulier datant du début du 18e siècle. L’Hôtel Ritz ouvre ses portes en 1898.
Avec une approche complètement novatrice: «Il n’existait pas vraiment de palaces auparavant. Il a innové en créant un endroit où les grands industriels pourraient se retrouver en étant ‘comme chez eux’. Que l’Hôtel Ritz soit comme leur deuxième maison. Il a également innové en mettant l’eau, l’électricité, des salles de bain dans toutes les chambres, en soignant tous les détails avec raffinement, et de par la cuisine d’Auguste Escoffier», explique Amélie-Anne Barbot.
«César Ritz ? Il est l’homme qui a inventé la liaison entre l’hôtellerie, la gastronomie, la culture et l’accueil du client», me dira un peu plus tard l’historien Pascal Payen-Appenzeller.
Qui ajoutera: «Pour moi, Ritz, c’est le modèle des modèles. Et toute l’hôtellerie aujourd’hui reste influencée par César Ritz. Mais le Ritz aujourd’hui n’est plus César Ritz». Pascal Payen-Appenzeller est en effet très critique à l’égard du palace qui, selon lui, n’aurait «plus d’identité». Mais il faut préciser que l’historien est directeur du patrimoine de l’Hôtel Georges V et qu’il a consacré un ouvrage au Plaza-Athénée, deux autres palaces parisiens…
Nouvelle ère
Le Ritz a été racheté en 1979 par l’homme d’affaires égyptien Mohammed al-Fayed, qui a largement investi dans la création du «spa» (centre de santé) du Ritz. «Sinon, il a gardé l’esprit du Ritz, aussi bien dans le restaurant que dans la décoration, chargée comme ça l’était à l’époque», note Amélie-Anne Barbot.
Le présent n’est pas toujours aisé pour les palaces. Et à Paris, deux nouveaux venus vont rendre la concurrence plus sévère: le Fouquet’s Barrière, sur les Champs-Élysées et le Shangri-La, avenue d’Iéna. «On ne peut jamais se reposer sur ses acquis et l’hôtel en est très conscient. On essaie d’avoir des chambres toujours plus belles, toujours mieux équipées technologiquement. On est obligé de faire attention», constate Amélie-Anne Barbot.
S’agit-il par exemple de démocratiser les prix pour élargir la clientèle? «Non, sur les prix, on reste ferme. On a même un peu augmenté nos tarifs pour l’année 2007». Ainsi le prix d’une chambre démarre-t-il à 710 euros la nuit. Pour les suites, cela varie: la Suite Coco Chanel est à 6000 euros, et la Suite impériale à 9020 euros. On ne peut guère, en effet, parler de démocratisation.
Lady Di ou Da Vinci Code?
L’histoire récente du Ritz a évidemment été marquée par le décès de Lady Diana et de son compagnon, Dodi al-Fayed, le fils du propriétaire du Ritz, le 31 août 1997.
Cette affaire a-t-elle eu un impact sur l’image de l’hôtel, dont le personnel avait été mis en cause ? «Je n’étais pas là à l’époque, mais très honnêtement, je ne crois pas. Cela n’a pas représenté un coup de pub, ni positif, ni négatif. Cela a fait parler de l’hôtel, cela a été un coup de projecteur, mais rien de plus que cela.»
Aucun tourisme Lady Di ne s’est-il développé? «Peut-être pour les 10 ans, en 2007 ! Mais en ce moment, non. Actuellement, c’est plutôt un tourisme ‘Da Vinci Code’. Une séquence du film ayant été tournée dans une chambre du Ritz et une autre sur la Place Vendôme, et comme c’est le quartier du Louvre, l’hôtel propose des ‘packages’ Da Vinci Code.»
Comme quoi un palace, même ancré dans l’histoire, vit également de l’air du temps.
swissinfo, Bernard Léchot à Paris
Hôtel Ritz, 15 Place Vendôme, 75001 Paris (Métro: Pyramides).
Répartis en deux ailes reliée par une galerie marchande de 110 mètres, l’hôtel possède 106 chambres, 56 suites dont 10 de prestige, 5 salons privés, 2 restaurants, et 3 bars, dont le fameux «Bar Hemingway».
Le ‘Ritz Health Club’ propose un espace de 1700 m2, dont une vaste piscine (17 x 8 m).
Le Ritz Paris emploie 500 à 600 personnes selon les périodes.
Naissance en 1850 à Niederwald (Haut-Valais), dans une famille de bergers.
César Ritz débute sa carrière à Brigue, puis, dès 1867, dans différents établissements parisiens.
Il devient directeur du Grand Hôtel de Lucerne dès 1878, et parallèlement du Grand Hôtel de Monaco.
En 1888, il ouvre un restaurant à Baden-Baden avec le grand cuisinier français Auguste Escoffier, puis devient manager de l’Hôtel Savoy à Londres de 1889 à 1897.
Il fonde le Ritz de Paris, Place Vendôme, en 1898, puis celui de Londres en 1906.
César Ritz meurt en Suisse, à Küssnacht, en 1918.
La «Pêche Melba» a été inventée au Ritz par Auguste Escoffier pour la comédienne Nellie Melba.
Le cocktail «Bloody Mary» (vodka et jus de tomate) a été inventé au bar du Ritz pour Ernest Hemingway, qui souhaitait boire un cocktail inodore afin d’éviter les reproches de sa femme !
Le Bar Hemingway propose le cocktail le plus cher du monde: le ‘Cocktail Side Car’, fait à base de cointreau, de jus de citron et d’un Cognac Fine Champagne de 1865. Son prix: 400 euros.
Dans le livre d’or du Ritz, pêle-mêle: Greta Garbo, André Malraux, Charlie Chaplin, Eva Peron, Humphrey Bogart, James Joyce, Jean-Paul Sartre, Richard Nixon, Madonna, Marcel Proust, Orson Welles, Warren Beatty, Elton John…
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