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A Montreux, la déferlante Santana

Santana, la générosité. MJF - Lionel Flusin

De retour au Jazz Festival après cinq années d’absence, Carlos Santana illumine les premiers jours du festival aux côtés de John McLauglin, de BB King, ou en solo. Samedi soir, il a plongé dans ses plus de 40 ans de carrière et en a ressorti quelques pépites enflammées.

Il fait indéniablement partie des meubles du Montreux Jazz Festival. Ce qui n’est pas dépréciatif, dans la mesure où il existe de très beaux meubles, indémodables de surcroît.

Rappel des faits. La première fois que le jeune Carlos est venu sur la riviera lémanique, c’était en 1970, soit une année après son explosion woodstockienne. Oui, info pour les très jeunes: le succès de Santana n’est pas né en 2000 avec «Maria, Maria».

Dire combien de passages le guitariste mexicano-américain a fait ici, depuis lors, serait délicat. Plus intéressant, le fait que depuis 2004, Carlos Santana, à côté de concerts «conventionnels», concocte des exclusivités pour le Montreux Jazz Festival.

Ainsi, en 2004, il participait à un «Blues Summit», avec notamment Buddy Guy, et chapeautait une soirée «Hymns for Peace» avec moult invités (lire «Santana, un cadeau en trois couleurs»).

En 2006, il remettait cela avec deux autres soirées thématiques: «Dance To The Beat Of My Drum» et «My Blues is Deep» (lire «Santana, un pont entre l’Afrique et l’Amérique»). Depuis lors, il n’est plus revenu jouer sur les rives du Léman. Mais rebelote cette année avec une triple prestation.

Carlos is back in town

«Invitation to Illumination», soit ses retrouvailles avec le guitariste John McLaughlin, pour redonner vie à leur légendaire album commun Love, Devotion, Surrender enregistré en 1973, a ouvert le festival vendredi soir. Dimanche, Santana participera à la soirée de gala BB King.

Et samedi soir, il a donné un concert classique de Santana, intitulé «The Hits» par le festival, survolant ses plus de 40 ans de carrière.

Comme les dernières nouvelles discographiques du géant de la six cordes était Guitar Heaven: The Greatest Guitar Classics of All Time, un melting-pot de reprises dont la plupart n’ont qu’un intérêt assez limité, il était temps d’aller se rendre compte si El Carlos est toujours à la hauteur de son œuvre…

La réponse viendra après la prestation de Derek Trucks et Susan Tedeschi, couple à la ville, couple sur scène, qui forme un formidable ménage à trois avec le blues. Et qu’on aura le vrai plaisir de revoir également dimanche soir en compagnie de BB King.

Généreux

Commençons par dire que c’est après… trois heures de spectacle que Carlos Santana s’est attaqué à la présentation de ses musiciens. Autant dire que le guitariste reste fidèle à ses habitudes: généreux en notes, généreux en temps.

Cent quatre-vingts minutes plus tôt, donc, tout commence par un déluge sonore. Tornade sur l’auditorium Stravinsky. Des cuivres, des percus, de la distortion, à gauche, à droite, bruitisme. Puis le maître a trié le chaos.

En émerge d’abord cette bizarre version musclée et rappée de Back in Black d’AC/DC, moyennement convaincante. Mieux vaudrait laisser à Angus Young ce qui est à Angus Young. Même déception lorsque, plus tard, sera joué, avec bien peu d’âme, l’hymne montreusien de Deep Purple, Smoke on the Water. Parmi les titres issus de l’album de reprises cité plus haut, seul Sunshine of Your Love de Cream fera des étincelles dans la version du Santana’s Band.

Mais par chance, Santana est aussi là pour jouer du Santana. Et quand après s’en être pris à AC/DC, il passe sans transition à Singing Wings, Crying Beasts, on se dit que la soirée ne va pas être perdue… Un titre tiré de l’album Abraxas et qui ne fut jamais un hit, mais juste une des plus belles concrétisations de ce mélange shamanique de percussions et de notes tirées, chantées, criées, pleurées, qui caractérise la patte historique de Carlos Santana.

1969 – 1971

Si quelques énormes tubes agréablement calibrés sont au programme de ce soir, de Europa à Maria Maria, c’est en particulier quand Santana se replonge dans ses trois premiers albums que la magie fonctionne à plein régime.

Il ne s’en prive d’ailleurs pas. Evil Ways, Jingo, Soul Sacrifice, tirés de son premier album, Santana (1969). Black Magic Woman / Gypsy Queen, Oye Como Va (de Tito Puente), Samba Pa Ti, puisés dans Abraxas (1970). Batuka et No One To Depend On, ressuscités de Santana 3 (1971).

Les quinquas rajeunissent de 40 ans et les plus jeunes se laissent emporter par une déferlante musicale, dansante et hypnotique à laquelle il est difficile de résister, portée par un groupe composé de pointures – le batteur Milton Chambers, le clavier Dave Matthews, le bassiste Benjamin Rietveld, les percussionnistes Karl Perrazzo et Paul Rekow, le trompettiste Bill Ortiz, le tromboniste Jeff Cressman et deux chanteurs, Anthony Lindsay et Andrew Vargas.

A noter que la toute nouvelle Madame Santana, Cindy Blackman, viendra tenir les baguettes sur Batuka et s’acquitter d’un remarquable solo de batterie, et que, autre histoire de couple, Derek Trucks et Susan Tedeschi rejoindront Santana sur scène. Et oui, on est à Montreux.

De son côté, le maestro règne, souverain dans ses fringues tout en clarté. Et communique avec son public. En faisant supprimer l’espace de sécurité, permettant aux gens de s’agglutiner tout contre la scène, comme au bon vieux temps. En venant s’asseoir à quelques centimètres d’eux pour jouer, assis, Samba Pa Ti. En parlant d’amour, de conscience collective. Avec le sourire. Car Carlos Santana, cas rare, affirme voir le monde s’améliorer et se dit optimiste.

«Faites de chaque jour le plus beau jour de votre vie», assène-t-il. En ces temps où règne le sentiment que notre quotidien peut être pourri par tant de choses, par tant de gens, cette morale toute simple vaut la peine d’être retenue…

Chicano. Carlos Santana naît en 1947 dans le village mexicain d’Autlan. Sa famille s’installe à Tijuana en 1955, puis en Californie en 1961.

Woodstock. Carlos pratique la guitare dès l’âge de 5 ans. Woodstock, en 1969, le révèle à la planète entière, qui découvre du même coup un phénomène inconnu jusque là: le rock latino.

 

Des hauts, des bas. Les succès s’accumulent au cours des années 70 et 80, puis vient l’éclipse. Mais le CD «Supernatural», en 1999, qui connaît un succès phénoménal, relance sa carrière.

Guitare. Dernier opus en date: Guitar Heaven: The Greatest Guitar Classics of All Time, où Carlos Santana reprend de grands tubes du rock.

45ème. L’édition 2011 du Montreux Jazz Festival se tiend du 1er au 16 juillet.

Concerts payants. A l’Auditorium Stravinsky (4000 places) et au Miles Davis Hall (2500 places)…. voir document joint.

 

Musique en mouvement. Plusieurs trains et bateaux se transforment en lieux de concerts et d’animation.

Montreux Jazz Café: Dès 20h30, le Festival propose de revivre des concerts issus de ses archives. Dans la soirée, des groupes internationaux sont programmés, dans tous les genres musicaux.

 

Studio 41 / Cocktail Garden: ambiance feutrée dès 20h, House et Electro dès 23h.

 

Music In The Park: Concerts gratuits en plein air au Parc Vernex.

 

Workshops: Les artistes rencontrent le public. Démonstration technique, débat, parcours personnel…

Concours: Piano, voix, Tremplin lémanique… Trois concours visent à faire émerger de nouveaux talents.

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