A quoi rêvent les Suisses?
Au hasard des rencontres, la caméra de sWISH a recueilli les voeux de 650 Suisses. Leurs désirs les plus intimes. A découvrir sur l'arteplage biennois d'Expo.02.
De la passerelle, on aperçoit une flamme qui s’élève au-dessus du pavillon de sWISH. Une soupape aux désirs concentrés dans ce bloc en plastique noir? Sans doute. Parce que des centaines de rêves sont condensés à l’intérieur.
La porte s’ouvre. Et le visiteur entre alors dans un monde féerique. Un peu mystérieux. Avec ces lattes en bois qui forment comme une forêt et des voix qui flottent tout autour. Pas de lapin blanc pour guider les Alices modernes au pays des rêves, mais des petits êtres imaginaires. Des fées et des lutins.
Clichés du bonheur
La première partie de l’exposition présente le monde des désirs avec les images qui lui sont généralement associées. Des clichés souvent. Le paradis, une grande maison avec un jardin, une prairie. Ou – plus contemporain! – une salle de fitness…
C’est là aussi que sont «exposés» les vœux personnels des Suisses. Une dizaine d’écrans sont disposés sur les parois. Les visages d’hommes et de femmes se succèdent. Presque tous des inconnus.
Les désirs des partenaires
Un peu plus loin, une salle rouge. Deux écrans projettent les désirs des partenaires. A chaque fois, une femme et un homme – qui ne se connaissent pas – s’expriment simultanément. Et on zappe ensuite sur un autre couple.
Particulièrement amusant de découvrir ce que les uns attendent des autres… Et à quel point, s’il fallait le prouver, les hommes et les femmes sont différents et peu compatibles! Extraits.
Elle: «Je voudrais qu’il devine tout ce qui se passe dans ma tête et qu’il agisse exactement comme j’attends de lui qu’il se comporte… Ni plus, ni moins.» Lui: «Je désire être une femme, parce que j’ai de la peine à les comprendre. Si je devenais femme, je saurais comment fonctionne un homme. Et la vie serait plus simple!»
Des souhaits plus classiques aussi… «Qu’il soit fort, virile», «Qu’elle m’accepte avec mes petits défauts», «De l’amour. C’est tout». Et peut-être le plus beau vœu de tous, celui d’une Tessinoise: «Mon mari me donne tout et je ne peux rien lui demander de plus!»
Des vœux pour la Suisse et le monde
Une autre salle réunit les souhaits que les Suisses formulent pour leur pays et le monde entier. «J’aimerais que la Suisse soit plus étonnante», «Que celui qui travaille ait au moins suffisamment pour vivre», «La paix dans le monde». Ou plus farfelu: «Je voudrais que la Suisse continue à produire du bon fromage!»
Quelques pas de plus et le visiteur découvre encore les vœux des différentes générations qui composent notre pays. L’occasion de voir comment les désirs évoluent avec l’âge. Des dizaines d’années séparent le premier écran du dernier.
Les vœux de l’instant
Enfin, dernière étape, le lac aux désirs. Des terminaux saisissent les vœux de l’instant. Ceux des visiteurs qui passent. Chacun peut écrire son souhait sur un écran tactile. Il est saisi et projeté dans l’eau du lac… Les désirs formulés défilent alors sous nos pieds, sous le sol en verre de la salle.
«Je souhaite avoir la santé», écrit une vieille dame. A côté d’elle, une petite fille demande «une poupée». «Je désire découvrir l’amour», lit-on un peu plus loin sur l’écran que vient de quitter un adolescent.
Ces vœux seront-ils exaucés?…
…Pas certain. Ce sont les petits êtres qui vivent sous l’eau qui vont s’en charger. Et ces lutins sont un peu capricieux. C’est pour cela que nos vœux ne se réalisent pas toujours. Parce que les fées ne sont pas toujours aussi sérieuses qu’on le voudrait.
Alors, s’ils s’envolent et disparaissent, que reste-t-il de tous ces rêves confiés par les Suisses? «Un panorama des désirs des habitants de ce pays», répond Pidu Russek, responsable des expositions de l’arteplage de Bienne.
C’est l’objectif que s’était fixé l’équipe de sWISH en partant sur les routes de Suisse avec une voiture de reportage pour recueillir des centaines de confidences. «Les gens ont facilement dévoilé leurs désirs les plus profonds, commente Suzan Orozco, responsable presse de l’exposition. C’est émouvant.»
Ce paysage suisse des désirs sera également un bien précieux pour les sociologues. Toutes ces données leur sont confiées et ils travaillent actuellement sur une étude.
En 1964 déjà
L’idée de sWISH n’est pas totalement nouvelle. «Son ancêtre s’appelle Gulliver, précise Pidu Russek. Lors de l’exposition nationale de 1964, une équipe avait réuni les vœux des Suisses. Mais le gouvernement les avait jugés trop sauvages… et avait refusé de les publier.»
Aujourd’hui, non seulement les témoignages de 2002 sont diffusés, mais en plus, ils sont mis en valeur par les nouvelles technologies qui offrent beaucoup de poésie à l’exposition sWISH.
La dernière expo de l’arteplage, d’ailleurs. Et ce n’est pas un hasard. «Le thème de Bienne est ‘Pouvoir et liberté’. Les vœux sont la dernière liberté que l’homme a face au pouvoir, conclut Pidu Russek. On peut toujours avoir des souhaits…»
swissinfo/Alexandra Richard
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