Alexis Schwarzenbach, de parents connus
Le petit-neveu de la sulfureuse Annemarie Schwarzenbach, était l'invité d'une soirée littéraire au Théâtre de Poche de Genève.
Rencontre avec cet historien de 38 ans qui prépare la commémoration du Centenaire de la naissance de la célèbre écrivaine zurichoise.
Ce qui lui colle à la renommée, ce n’est pas tant ses écrits que son nom de famille. Alexis Schwarzenbach avoue néanmoins que son patronyme ne suscite en lui ni fierté, ni indifférence. «La naissance est un fait, un point c’est tout», lâche-t-il essoufflé entre deux enjambées.
Le voilà qui grimpe sur la scène du Poche pour régler les derniers détails techniques avant une rencontre avec le public qui s’est tenue le soir du 22 janvier, dans le cadre des «Mardis littéraires du Poche».
Objectif: annoncer le centenaire de la naissance d’Annemarie Schwarzenbach. A cette occasion, une commémoration est prévue pour ce printemps 2008. Elle est programmée à Zurich, notamment, avec conférence, exposition et soirée festive.
Histoire de temps
Pour l’heure, Alexis Schwarzenbach, petit-neveu donc de la célèbre voyageuse, aventurière, journaliste et romancière zurichoise, pianote sur son ordinateur afin d’ajuster les photos de sa grande-tante et de ses proches, qui seront projetées durant la soirée. Son geste est sans cesse interrompu par notre entretien.
«Continuez à me poser des questions pendant que je travaille», dit-il avec son accent allemand. Va donc pour une conversation hachée qui passe du coq à l’âne et mêle les époques. On insiste sur le présent. Lui préfère se tourner vers le passé. «Je suis historien, seuls les faits qui ont déjà eu lieu m’intéressent», lâche-t-il.
Alors, pour diviser la poire en deux, on lance: «Projetons-nous dans le futur». «Mais le futur n’existe pas», réplique-t-il. D’accord, jouons au conditionnel donc: «Si Annemarie vivait aujourd’hui, qu’aurait-elle fait dans un monde globalisé, ultra consensuel, elle l’écrivain aux convictions irréductibles, elle la voyageuse avide d’authenticité?»
Une lignée de femmes
«Je pense qu’elle aurait vécue à Sils et serait venue une ou deux fois par an à Zurich pour s’engueuler avec les siens et repartir convaincue qu’il faut défendre la cause des chiens et devenir écolo», s’amuse le petit-neveu. Lequel nous montre maintenant sur son ordinateur quelques photos de rosiers.
«De magnifiques rosiers que j’ai achetés et plantés dans mon jardin, indique-t-il, grâce aux bénéfices recueillis par la vente de mon dernier ouvrage, «Maman, tu dois lire mon livre». Quatre cents pages environ (swissinfo en a parlé en août dernier) qui retracent la vie, les combats, les réussites et les échecs d’Annemarie, de sa mère et de sa grand-mère.
Tout une lignée de femmes qu’Alexis Schwarzenbach admire «parce que au XIXe siècle et au début du XXe il fallait avoir un sacré tempérament pour s’intéresser, comme ces femmes l’ont fait, à la politique, alors qu’elles n’avaient même pas le droit de vote».
Contrastes familiaux
On le sait, les grandes familles dessinent au fil du temps les multiples visages d’un pays. Riches, puissants, excessifs dans leurs engagements, les Schwarzenbach intriguent, séduisent ou agacent. Annemarie était farouchement libre. Une liberté excentrique opposée au profil obstinément pro-nazi de sa mère.
«Une dynastie n’est jamais monolithique, elle est faite de contradictions», commente Alexis, qui pense que les Schwarzenbach se seraient, par exemple, beaucoup disputés sur la récente affaire du «mouton noir» suscitée par l’affiche électorale de Blocher.
«Aujourd’hui, les convictions, et les réputations qui vont avec, se gagnent vite et se perdent tout aussi vite, observe notre interlocuteur. Nous vivons dans un monde arriviste. En termes économiques, les Schwarzenbach ont certes leur équivalent en Suisse. Mais en termes culturels, ils restent uniques, car on ne voit plus maintenant, dans un même réseau familial, une telle concentration artistique et idéologique».
swissinfo, Ghania Adamo
Né à Zurich en 1971, il étudie l’histoire au Balliol College à Oxford et présente une thèse de doctorat à l’Institut Universitaire Européen de Florence. Plusieurs séjours à l’étranger lui ont permis de mener à bien ses recherches historiques.
Il est l’auteur de deux ouvrages «Le génie dédaigné, Albert Einstein & la Suisse», paru en 2005 aux éditions Metropolis, et «Maman, tu dois lire mon livre», paru en 2007 chez le même éditeur. L’auteur y aborde l’histoire de ses ancêtres.
Il y revient dans son prochain livre, une biographie consacrée à Annemarie Schwarzenbach qui sort en allemand en mars 2008.
Annemarie Schwarzenbach est née en 1908 à Zurich et a grandi dans un milieu aisé. Elle est la petite-fille du général Ulrich Wille. Etudes de littérature à Zurich et à Paris.
En 1931 elle publie son premier roman «Freunde um Bernhard».
La trajectoire d’Annemarie Schwarzenbach est pour le moins atypique au vu de l’époque qui est la sienne: résolument antifasciste, elle est par ailleurs morphinomane, lesbienne, et grande voyageuse.
Elle se rendra en Espagne, en Perse – où elle épouse en 1935 le diplomate français Claude Clarac – en Russie, aux Etats-Unis. Avec Ella Maillart elle voyage en 1939/1940 en Afghanistan.
Après un voyage dans le Congo belge, elle retourne en Suisse en 1942. Elle meurt à Sils (Grisons) la même année.
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