Annemarie Schwarzenbach, une flamme vivante
A l'écrivain, journaliste et voyageuse zurichoise, disparue prématurément, Dominique Laure Miermont consacre une biographie parue aux éditions Payot.
Très bien documenté, le livre retrace le parcours atypique, scandaleux, passionnant d’une jeune femme dont l’audace, l’intelligence et la beauté séduisent hommes et femmes.
Elle aura été un météore, avec tout ce que ce mot charrie comme métaphores: incandescence, vitesse de vie, illumination, beauté foudroyante et chute dévastatrice.
Annemarie Schwarzenbach était dévorée, telle une bougie, par sa propre flamme. Flamme de ses amours sulfureuses. Flamme de son écriture fiévreuse qui exorcise sa désespérance et éclaire des pans entiers de sa vie intérieure, riche, complexe, tourmentée, déroutante.
A cette jeune Zurichoise, journaliste-photographe, voyageuse, archéologue, romancière et nouvelliste, disparue prématurément en 1942, à 34 ans, Dominique Laure Miermont consacre une biographie passionnante. Laquelle est récemment parue chez Payot sous le titre «Annemarie Schwarzenbach ou le mal d’Europe».
Malaise européen
L’Europe des années 30, Annemarie l’aurait voulue courageuse comme elle, à la recherche constante d’un absolu, aussi inaccessible soit-il.
Mais l’Europe qu’elle connaît est d’abord celle, microcosmique, de sa richissime famille d’industriels zurichois, autoritaire, barricadée dans son austérité protestante et dans sa cage dorée de Bocken. Domaine magnifique où les Schwarzenbach reçoivent la fine fleur de Suisse, d’Allemagne, de France et de Navarre.
L’autre Europe est celle de Hitler, que la famille d’Annemarie voit d’un bon oeil et que la jeune fille repousse de toutes ses forces. Quitte à tisser des liens aussi passionnants que déroutants avec deux antifascistes invétérés, Klaus et Erika Mann, «les enfants terribles» du grand écrivain allemand Thomas Mann.
Ce sont eux qui achèveront de révéler Annemarie à elle-même, alimentant sa soif de liberté extrême. Celle-là même que lui procurent les voyages et l’héroïne.
Voyages
Annemarie se drogue au grand dam de sa famille. Mais l’auteur de «La mort en Perse» et d’«Orient exils» n’est pas une midinette. Elle est une intellectuelle dotée d’une ambition généreuse, jamais arriviste. Il lui faut bien plus que les vapeurs de l’opium pour oublier son mal être.
Alors, adieu l’Europe: «Ici, on exige de nous trop peu de courage et beaucoup trop de patience», écrit-elle. En 1933, elle part donc pour l’Asie, via les Balkans.
Sans le savoir, elle balise ainsi la route pour l’écrivain Nicolas Bouvier. Le Genevois suivra, bien des années plus tard, le même itinéraire. Lui aussi évoquera ses souvenirs d’Orient dans des récits lumineux.
Tandis que la lumière éclaire la plume d’Annemarie, l’ombre du national-socialisme grandit en Allemagne. La jeune femme regagne l’Europe. Militante infatigable, elle n’hésite pas à mette son ardeur au service d’une paix juste que Hitler menace.
Le mirage de l’amour
Ses articles dans la presse se multiplient. L’intelligence de ses arguments éblouit, comme sa beauté, d’ailleurs, saisissante. Il y a en elle une féminité virile qui lui donne des allures de garçon angélique. Elle séduit Ella Maillart, cette autre écrivain-voyageur, elle aussi Suissesse, mais finit par épouser un diplomate français en poste à Téhéran.
Aime-t-elle les hommes? Aime-t-elle les femmes? Les deux sexes sans doute. Ou plutôt non. Annemarie ne parvient pas à croire en l’amour, qui lui paraît comme un mirage.
Au rythme de son errance amoureuse, elle brûle sa vie. Deux tentatives de suicide. En 1942, en vacances à Sils (Engadine), elle fait une promenade à vélo, chute et heurte de sa tête une pierre. Quelques semaines plus tard, elle meurt. Son entourage parle d’accident. Mais on ne saura jamais si Annemarie a sciemment lâché le guidon.
swissinfo, Ghania Adamo
«Annemarie Schwarzenbach ou le mal d’Europe» de Dominique Laure Miermont est paru aux Editions Payot.
Une biographie très documentée qui retrace le fulgurant parcours de la sulfureuse zurichoise, qui balisa les routes de Nicolas Bouvier.
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